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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

dimanche 11 février 2024

Passeport d’Alexis Michalik

Je n’allais pas manquer Passeport, la nouvelle création d’Alexis Michalik et j’y suis allée sans rien avoir lu de la pièce, sachant d’avance que, quel que puisse être mon avis, ce serait un succès comme tout ce qu’entreprend cet artiste qui maitrise les clés en terme d’écriture comme de mise en scène et de choix de ses comédiens.

Son secret réside peut-être dans sa manière de travailler en équipe. Toujours est-il qu’il existe un phénomène Michalik, et qu’on ne peut plus prétendre découvrir chez lui un talent qui est de notoriété publique. Et pourtant si. J’ai été surprise par le côté thriller de Passeport.

Je ne savais rien à son propos, si ce n’est que le titre et l’affiche me donnaient un indice évident : il allait être question de migration. Je ne m’attendais pas à vivre la soirée dans le suspense et cela m’a grandement plu. Je vous laisserai faire votre propre expérience et ne vous en dirai pas trop.

Issa, jeune Érythréen est laissé pour mort dans la « jungle » de Calais. Il est sauvé par la médecine mais il a perdu la mémoire. Le seul élément tangible de son passé est son passeport. Le seul point positif de son présent est la compagnie et l’entraide d’autres migrants qui vont l’encourager à tenter d’obtenir un titre de séjour. Nous allons assister à ce parcours en suivant les différentes voies qu’il va suivre au cours d’un temps assez long.

La présentation des protagonistes alignés sur le bord de scène me donne l'impression d’être déjà rendue aux saluts. Nous avons Michel, français né à Calais, Lucas français né à Mayotte, un département de 300 000 habitants mais trois fois plus petit que la Corse, Jeanne de parents maliens, Arun d’Inde, Ali de Syrie, Yasmine de père algérien et mère marocaine, et puis Issa qui ne peut dire que son prénom.

Michel devient le récitant pour décrire la jungle de Calais alors que le public vit l’accident d’Issa comme un flash-back et que s'effectue une prise en charge médicale en alternant français et mauvais anglais. Il dit les a priori, les nationalités : vous vous retrouvez seul, sans moyens, dans une zone inhospitalière, dans un pays inconnu dont vous ignorez la langue et qui ne veut pas de vous.

79 scènes courtes vont s'enchainer à un rythme soutenu, avec des changements de décor à vue (comme le fait toujours Alexis Michalik au théâtre) avec des personnages qui sont au final très nombreux (je crois en avoir compté 35). Seul Jean-Louis Garçon n'interprète qu'un seul rôle, celui d'Issa. Certains comédiens en endossent 5 ou 6. La langue se compose de dialogues qui se répondent en phrases courtes, concernant plusieurs époques, entre lesquelles plusieurs personnages effectuent des aller retour temporels.

Notre attention est donc constamment sollicitée, comme dans la meilleure série télévisée, par des rebondissements et des changements de perspective tandis qu'on suit deux-trois histoires parallèles à la quête d'identité d'Issa qui se déroule en écho de celle de Lucas qui veut retrouver sa mère biologique. Le déjeuner chez ses parents, Michel et Christine, est un peu houleux même si beaucoup de sentiments traversent les dialogues, y compris l'amour filial, avec plus tard ce conseil à méditer : Ne soyez pas trop durs avec vos enfants.

Les conditions de vie des migrants sont abordées mais ce n'est pas le coeur de l'intrigue. On apprend  malgré tout l'origine de ce nom de jungle pour le camp de Calais, consécutivement au démantèlement de celui de Sangatte en 2002. Les migrants, surtout des Afghans, se sont retrouvés dans la forêt avec leurs tentes. Forêt se disant "jengal" l'endroit s'est appelé jungle.

Il y a plusieurs touches d'humour. Comme le rappel à l'occupation de Calais par les Anglais pendant plus de deux siècles, avant être reprise, en 1558 par le duc de Guise avec 30 000 hommes qui ont bataillé une semaine. Il est amusant de remarquer qu'aujourd'hui tous ceux qui veulent aller en Angleterre se retrouvent à Calais alors qu'on a oublié de les prévenir du changement de propriétaire.

On ne nous épargne pas - c'est logique- les arcanes administratives, les sigles (c'est instructif) les entretiens avec l'OFFPRA pour aller devoir aller à Poitiers, la ville où en 732 Charles Martel a repoussé … on ne dira pas qui, pour éviter la gaffe, mais on sait bien que ce sont les Arabes. Le fonctionnaire se rattrapera en disant que c'est une ville chargée d'histoire.

On n'est pas à un paradoxe près. La journaliste nous apprend que le prix du passeur se situe entre 3 000 et 15 000 euros pour essayer de sortir alors que le gendarme perçoit un salaire mensuel de 1200 pour les en empêcher

Et Jeanne (Manda Tourésoulignera que le gros des avantages sociaux concerne les retraités et les étudiants qui touchent les APL alors que les migrants cotisent plus qu’ils ne reçoivent et participent activement au financement des retraites. Egalement que les étrangers ne représentent en France que 10% de la population contre 13 aux États-Unis et 20 au Canada. 

Par contre, on frémit de savoir que des hommes se brûlent les doigts tous les mois à l’acide ou au feu pour effacer leurs empreintes digitales parce que si on les donne pour postuler à l'immigration dans un pays d’Europe on ne peut pas demander l’asile dans un autre. Il y a même un néologisme pour désigner ceux qui se font coincer : on dit "se faire dubliner" (en référence aux accords de Dublin).

Il y a pas mal d'embrouilles dans la jungle et tout y est business. Mais nos héros se débrouillent plutôt bien et Arun (Kevi Razy) a raison d'être systématiquement optimiste, partant du principe shakespearien que The miserable have no other medecine but only hope, autrement dit Les pauvres n’ont que l’espoir. Il a l’idée de faire du good business en ouvrant un restaurant. On y servira par exemple le fameux poulet DG, suivant une recette typiquement camerounaise désignant le poulet Directeur Général, composé de poulet frit avec du piment et du gingembre, qui était réservé autrefois à l’élite du pays.

Alexis Michalik s'est largement documenté. Néanmoins il se défend d'avoir écrit une pièce militante ou documentaire, mais plutôt une histoire humaine, et c'est tout à fait ce à quoi on assiste pendant tous les moments qui interrogent sur l'identité, d'où le titre du spectacle, Passeport, et nous verrons si ce document suffit à la fonder. Ce document donne la permission de voyager mais sans en offrir la capacité pour les ressortissants de certains pays.

Le metteur en scène ne porte pas la différence sur son visage mais plusieurs origines sommeillent en lui. Il est dommage qu’il doive se justifier -en interview- d’avoir grandi dans un quartier populaire et d’avoir côtoyé des origines diverses pour qu’on le trouve légitime à traiter de la migration, sujet éminemment sensible alors que personne n’aurait osé lui demander s’il avait été en prison lorsque’ il a écrit Intra muros. 

La mise en scène est relativement sobre, avec quand même une très belle image de bateau débordant de réfugiés sur la mer, avec la voix d’Issa qui s’amplifie en écho. C'est sans doute son plus long temps de parole et il retentit comme un gospel slamé.

Je ne veux pas en raconter trop mais je dirai malgré tout que la fin est bouleversante avec une morale qui est frappée au coin du bon sens : Rien n’est bon ou mauvais. Tout dépend du point de vue
Passeport de et mis en scène par Alexis Michalik
Avec Christopher Bayemi, Patrick Blandin, Jean-Louis Garçon, Kevin Razy, Fayçal Safi, Manda Touré et
Ysmahane Yaqini
Décor : Juliette Azzopardi assistée de Arnaud de Segonzac
Costumes : Marion Rebmann assistée de Violaine de Maupeou
Vidéo : Nathalie Cabrol
Lumières : François Leneveu
Musiques : Sly Johnson
Sons : Julius Tessarech
Au Théâtre de la Renaissance - 20 Bd Saint-Martin - 75010 Paris jusqu'au 30 juin 2024
Du Mardi au samedi à 21h, le Samedi à 16h30, le Dimanche à 17h
Le livre de la pièce, dépourvu de didascalies et d’indication de mise en scène, a été publié chez Albin Michel.

samedi 10 février 2024

C’est bientôt fini de Gabriel Donzelli

(Mise à jour 10 mars 2024)

Voilà ce que je publiais sur Facebook le lendemain de ma venue au spectacle :

Bravo est un trop petit mot pour un si grand talent. La salle de la Piccola Scala n’a jamais résonné aussi fort qu’hier soir, pour saluer le spectacle de Gabriel Donzelli. Ce garçon diffuse une énergie atomique. Son humour est explosif. Son œil scrute chaque spectateur qu’il est susceptible de solliciter sans jamais perdre le fil de son histoire. C’est un prodige. Un modèle unique dont ses parents peuvent être fiers !!!!! On m’a soufflé dans l’oreille que sa mère, Valérie, n’a pas assisté à la totalité du spectacle. Comme j’aurais aimé l’abreuver de compliments, au risque de la soûler. Je suis fan de son travail cinématographique depuis le choc que m’avait provoqué La guerre est déclarée en 2011. Et j’ai adoré bien évidemment L’amour, les forêts il y a quelques mois. Me voilà maintenant soutien inconditionnel de son fils. Il aurait pu nous tirer les larmes. Mais non, il nous a offert une série d’éclats de rire. Ce zébulon est un génie. 
Chronique plus complète à venir sur le site À bride abattue

Je connais Gabriel depuis très longtemps. J’ai fait sa connaissance à travers le regard de sa mère, Valérie Donzelli dont je me souviens de presque chaque scène de La guerre est déclarée. Difficile d’être plus enthousiaste que je en l’ai été, et pourtant le sujet est grave. Je saluais sa capacité à faire d’un drame un évènement porteur de vitalité. J’avais inventé un néologisme pour qualifier la fin de son film que je voyais comme une hoppy end.

Le fils a hérité cette compétence. Son seul-en-scène nous donne la pêche. Certains humoristes nous font rire en racontant leurs malheurs mais on se culpabilise de s’en amuser et on les voit comme des clowns tristes. Gabriel a le génie de nous faire rire en partageant le plaisir qu’il a de vivre, et tant pis s’il a fallu traverser des orages.

C’est bientôt fini est un titre trompeur, comme l’est cette pseudo promesse des adultes envers les enfants quand ils disent que ça ne fera pas mal. Rien n’est jamais fini.

Gabriel déboule en trombe sur la petite scène intime de la Piccola Scala près avoir dévalé l'escalier. Essoufflé, il nous prévient : Bonjour, j’m’appelle Gabriel, j’vais vous raconter ma vie, y’a eu des hauts et des bas mais ne vous inquiétez pas, c’est bientôt fini.

Les hauts, je ne les connais pas. Je sais juste que ses parents ont déclaré une guerre il y a plus de vingt ans.

Enola Gay enflamme le public. Gabriel danse comme un fou. On a tous cette musique dans la tête. L'enthousiasme des spectateurs retombe en apprenant que c'est le morceau que ses parents avaient pris l'habitude d'écouter pour se donner du courage quand ils allaient à l'hôpital.

Nous allons sans cesse passer d'un extrême à un autre, à l'instar de ce qu'il a vécu. Nous sommes tous beaux à la naissance. Gabriel avait une gueule d'ange. Son cancer en guise de cadeau de premier anniversaire a plombé l'ambiance familiale. S'il est "guéri" il a des handicaps invisibles (qu'il nous détaille et qui, effectivement, ne nous avaient pas sauté aux yeux) et on comprend qu'il est légitime à ressentir le symptôme de l'imposteur.

La pétanque de la bite, le strabisme des couilles, il est manifeste que les scénaristes de sa vie n'y sont pas allé de main morte avec leurs claviers quand ils ont imaginé les épisodes de son enfance, et ils n'ont pas fait mieux pendant l'adolescence. Les traitements ont avancé sa puberté à l'page de huit ans. Ce n'est pas banal et on comprend que ce soit terrifiant.

Gabriel a une manière très particulière de s'exprimer, sans filtre. On lit en lui comme dans un livre ouvert, ou plutôt comme dans un album car tout a l'air d'être une BD et il est l'incarnation d'un personnage de BD, vous savez, quand les traits se déforment et qu elle personnage a des super pouvoirs.

Il compare sta première fois tout seul à la découverte du feu par l'homme des cavernes. A douze ans il a la charge mentale d'une mère de famille.

Il raconte les colères de son père, le collège (la vie en moins bien), imagine les séances da mère chez son psy, la maladresse verbale de son père ("On" l'aura ce Bac, qui me fait honte car moi aussi je disais à ma fille "on" les aura les félicitations, après avoir passé plusieurs nuits de suite à relire sa thèse).

On réalise qu'il aura été grand trop tôt et petit trop longtemps. Il découvre la fête des samedis soirs bien après ses potes, s'appropriant la musique d'Enola Gay à sa façon, tout en nous faisant remarquer que c'est tout de même le nom de la bombe qui a été larguée sur Hiroshima.

Ses phrases font mouche, même lorsqu'elles relèvent de la pure invention comme celle-ci : Dans la forêt le grand singe se balance toujours à l'arbre le plus proche.

Il a peur d'être un monstre, ressent les angoisses 2.0, craint d'avoir un cerveau qui tournerait à l'eau de Javel (il fonctionne juste à mille à l’heure). Et surtout, il ne se débarrasse pas de la peur d'avoir fait du mal en ayant souffert, une culpabilité originale que tout proche de personne malade devrait prendre en considération. Quant à son concept de l'anniversaire centré sur soi je vous le laisse découvrir …

Il sait que ce ne sera jamais fini. Qu'il a des choses à dire à sa mère, à son père, à sa soeur, ne serait-ce que pour rassurer celle-ci sur la question de la taille de la place. Mais une chose est sûre, il sait qui il est, et nous de mêmes.
C’est bientôt fini
De Gabriel Donzelli et Timothé Fiorini
Mise en scène Valentine Catzéflis
Avec Gabriel Donzelli
Du 8 février au 15 juin 2024, maintenant le jeudi à 19 h 30
La Scala -13 boulevard de Strasbourg - 75010 Paris 

vendredi 9 février 2024

Les souliers rouges de Marc Lavoine et Fabrice Albouker

Qui ne connait pas Les souliers rouges ? Ce fut d’abord, en 2016, l’immense succès d’un album enregistré en studio, sacré disque d’or, interprété par Marc Lavoine, Cœur de pirate et Arthur H, produit par Marc Lavoine qui a associé au travail d'écriture son compositeur attitré Fabrice Aboulker d'après le conte écrit en 1845 par Hans Christian Andersen après que Jean-Paul Goude le lui fit découvrir et que Victor Bosch lui proposa d'écrire l'adaptation.

Ce fut aussi un spectacle musical qui a été présenté aux Folies Bergère le 31 janvier 2020 jusqu’à ce que la pandémie ne porte un coup de frein brutal au spectacle, un mois plus tard, ruinant en quelque sorte dix ans de travail.

La renaissance arrive cette année avec la reprise qui part en tournée à la rencontre du public et qui est jouée trois soirées à Pleyel.

C’est un avantage que les chansons soient connues. Elles feront office de dialogues. Les spectateurs se sentent dans un univers presque familier. Cependant la mise en scène (Jérémie Lippmann) est inventive. L’interprétation est sans reproche. Les costumes (de Jean-Daniel Vuillermoz) sont magnifiques. Les lumières sont formidablement bien pensées et le mapping est d’une efficacité sans faille. La chorégraphie est celle qu’il fallait (Marie-Agnès Gillot et Tamara Fernando) avec l’intégration fort réussie de morceaux de krump. Il fallait de l’audace pour les placer avec des moments purement "classique" et c’est très réussi. L’histoire devient profondément humaine. Elle gagne en contemporéanité et s’enrichit d’une touche de surréalisme. C’est parfait.
Isabelle monte à Paris pour réaliser son rêve de devenir danseuse à l'Opéra. Victor, le chorégraphe de l'Opéra rêve de renouer avec le succès. Une nuit, il pactise avec le diable. Celui-ci lui offre une paire de souliers rouges magiques. La danseuse qui les portera ne devra pas tomber amoureuse sous peine de périr. Victor engage Isabelle qui tombe amoureuse d'un jeune journaliste, Ben.
Les souliers rouges raconte l’histoire d’un sacrifice dont une femme (c’est toujours la femme qui meurt dans les opéras et c’est pourquoi je ne suis pas une fervente admiratrice de ce genre musical) sera la victime. Il n’y a pas de mystère, pas de véritable manipulation. L’opéra est maudit et la malédiction est d’emblée annoncée sous une averse de lumière rouge, couleur de l’amour, de l’érotisme, de l’interdît et de l’enfer mais qui sait qu’au XIX° c’était aussi la couleur de la robe de mariage ? Il est probable qu’Andersen maîtrisait tout cela. J’ai appris toutes ces références dans une très intéressante exposition du Musée des arts décoratifs, Aussi rouge que possible.

Après l’avertissement annoncé dans la première chanson, l’atmosphère se fait plus romantique dans des tonalités roses et bleues. Ensuite ce seront les orangés avec l’évocation de Cendrillon puis le noir et blanc pour traiter cette dualité : vivre ou ne pas vivre.

La chorégraphie est soignée. Les acrobaties exécutées au sol sont impressionnantes et plus tard le chœur suggérera un bataillon de sorcières.

Les chaussons seront lacés aux pieds de la jeune fille comme si elle n’était que la figurine d’une boite à musique. Et quand la ballerine effectuera des pointes, des sauts et des portés audacieux nous deviendrons les spectateurs de ce ballet maudit qui, pour le moment nous ravit.

Après l’entracte, elle revient portant un blouson sur le dos, signe de soumission ou d’émancipation ? Elle énonce d’une très jolie voix la liste des personnages célèbres auxquels le couple pourrait se comparer : Pénélope et Ulysse, Béatrice et Dante, Eurydice et Orphée, que des couples dont l’histoire a mal tourné et à propos desquels Marc Lavoine a écrit une nouvelle chanson, intitulée Pygmalion.

C’est un des points forts du spectacle que de ne pas avoir cherché à "imiter" l’album. Pour commencer l'affiche est très différente, suggérant la main d'un diable manipulant une marionnette.

Les trois interprètes principaux ne sont pas comparables au trio d’origine, dans lequel Marc était l’auteur, Coeur de Pirate la danseuse et Arthur H le chorégraphe. Leurs voix, comme leurs personnalités sont disons spéciales. Même si on connait Guilhem Valayé (Victor, le chorégraphe), révélé par The Voice et bien sûr Benjamin Siksou (Ben, le journaliste) on découvre Céleste Hauser (Isabelle, la ballerine) qui n’était pas dans la première distribution et qui est sublime. Je signale aussi qu’il y a de nouveaux danseurs et qu’il a fallu tout recadrer.

Elle sait que c’est perdu d’avance. Les personnages ont été mis en garde dès le début mais n’ont pas tenté de changer leur destin. C’est une histoire d’acceptation. Et d’interrogation sur ce qu’est l’amour : aimer pour soi, pour deux ou pour l’autre tandis que les larmes coulent sur le visage projeté sur le rideau. Chacun réfléchira à sa définition du verbe aimer qui, pour moi, est de connaître les fragilités de l’autre sans les utiliser contre lui, ce qui est tout l’inverse de la démonstration qui nous est donnée ce soir, avec pour conséquence une fin tragique.

Les cloches sonnent gravement, presque comme un glas lorsque notre héroïne se demande quel est le prix pour réussir sa vie ? Un titre s’intitule précisément Requiem.

Le public applaudit fréquemment, manifestement enthousiaste, et ému. Vivre ou ne pas vivre ? Le dilemme est maintenant tragiquement résolu. On assiste à l’issue fatale tandis que l’incendie lèche les rideaux et que la musique évoque l’éternel succès de Ravel, ce Boléro qui est le morceau le plus joué au monde.

En conclusion je salue cette nouvelle version (mais je ne peux pas comparer à la première qui m‘avait échappé). L’absence d’orchestre symphonique ne m’a pas dérangé. Les orchestrations sont sensibles et évocatrices et nous emmènent au plus près des émotions des personnages qui, chacun a son propre thème. La création musicale épurée s'appuie sur des pianos et guitares, des cordes, Parfois des bois et des cuivres et des choeurs classiques. Egalement quelques sons digitaux qui donnent une profondeur tout à fait particulière. 

L’action est au coeur du spectacle et c’est très bien ainsi. Mon seul bémol est la proximité des timbres des deux chanteurs, quoique Guilhem soit baryton et Benjamin ténor. On peut les confondre sur les chansons qu’ils interprètent ensemble, ce qui malgré tout n’est pas très dérangeant car l’un comme l’autre sont impuissants à maintenir Isabelle en vie.

Le combat entre l’argent, la vie, la gloire (que l’on peut considérer comme le désir de réalisation de soi), l’amour est universel. Le livret ajoute une dimension supplémentaire, soulignant que l’on n’obtient rien sans souffrances physiques préalables, et on sait combien la danse est un art exigeant. Nous sommes dans un conte mais le succès ne tombe pas du ciel.

Marc Lavoine peut monter sur scène avec Fabrice Albouker pour féliciter le travail de toute l’équipe. Longue vie aux Souliers rouges !
Les souliers rouges de Marc Lavoine et Fabrice Albouker 
Musique : Fabrice Aboulker
Paroles : Marc Lavoine
Mise en scène : Jérémie Lippmann
Chorégraphes : Marie-Agnès Gillot et Tamara Fernando
Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz
Scénographe : Emmanuelle Favre
Avec Céleste Hauster : Isabelle, Guilhem Valayé : Victor, le chorégraphe et Benjamin Siksou : Ben, le journaliste
Reprise du 15 janvier 2023 au 21 avril 2024 en tournée
Du  9 février 2024 au 11 janvier 2024 à la Salle Pleyel 252 Rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris

jeudi 8 février 2024

Quelques nouveautés printanières en électroménager et arts de la table

C’est "mon" marronnier : je suis l’actualité de plusieurs marques comme d’autres sont avides de séries télé. J’exagère à peine parce que Kitchen Aid lance un nouveau coloris chaque année et je me réjouis de le découvrir bien que je ne sois pas utilisatrice (pas davantage que je ne m’habillerais en Chanel si j’assistais régulièrement aux défilés, et pourtant je suis attentive aux collections).

Il m'arrive de pointer l'absurdité de certains "cadeaux" qui nous sont offerts lors des journées de présentation de produits. Soucieuse d'utilité, j'ai mis en ligne un billet sur le réemploi des sacs. Plus loin je vous dirai comment j'ai transformé un simple torchon. Tout d'abord je salue l'intelligence du coffret Blue salt, cohérent avec la couleur 2024 de Kitchen Aid, contenant du sel bleu de Perse, un sachet de pois papillon (connu sous le nom de pois bleu et apprécié pour ses propriétés colorantes) et un vernis à ongles assorti.

Il y a pas mal de Microplane dans ma cuisine. Plusieurs sont élevés au rang de talisman (j’en emmène dans ma valise quand je pars longtemps de chez moi). J’en ai offert beaucoup et je suis à l’affut de leurs créations.

La longévité des produits s'accorde avec celle de la marque qui fête son trentième anniversaire.

Je reste fidèle à mes couteaux mais je suis déjà convaincue que les Sabatier de Deglon me faciliteraient la vie. Mes verres se sont dépareillés au fil des années et rien n'est mieux que les Zwiesel pour mettre en valeur les qualités organoleptiques des vins que je teste, en toute modération bien évidemment.

Je me suis débarrassée des moules en silicone de couleur rouge pour adopter ceux de Flexipan.

Comme on peut le constater je ne change pas toute mes panoplies mais je suis influencée par les présentations presse auxquelles je me rends. Et je vais partager dans ce billet mes nouveaux coups de coeur. Je vous préviens, ce sera quasi de l’ordre du coup de foudre pour la vaisselle Céladon. Je vais donc commencer par cette marque.

Ensuite ce seront Zwiesel, Deglon, Microplane, Flexipan, Kitchen Aid et Indésit.
Je suis tombée en amour … d’une tasse. Mes proches savent que je suis quasi-fétichiste pour certains objets dits de cuisine. Il me faut une cuillère particulière, en vieil argent, pour mon petit-déjeuner. Je mange le couscous dans une assiette ramenée de Nabeul. Je coupe le pain avec un couteau cranté qui a appartenu à ma grand-mère. Mon exigence va jusqu’à la forme d’un verre à eau. Hors de question de dîner sans que chacun ne dispose d’une serviette Primrose Bordier du Jacquard français. Je suis poly-amoureuse : c’est un torchon de Tissage Moutet qui a ma préférence.

Il est facile de comprendre mon attirance pour la vaisselle Céladon, sans doute influencée par la nouvelle palette de Blime, une marque de peinture qui a inventé une nouvelle manière de peindre. Cette tasse va désormais m’accompagner pour démarrer la journée. Elle a tout pour me plaire. Son émaillage est sublime. Sa forme donne envie de la serrer entre les mains. Son buvant permet au café de glisser. Sa contenance est le volume idéal (presque 50 cl …. J’ai évidemment vérifié par rapport à celle qui avait jusque là ma préférence).
J’ai envie de lui donner un nom pour qu’à la maison on sache qu’elle est mienne. Hors de question de prêter ma céladine. Contre un baiser … peut-être.

mercredi 7 février 2024

Landry Verdy sort son premier EP

Avec un mois d’avance je vous annonce la sortie du premier EP de Landry Verdy avec cinq titres d’une belle sensibilité.

Au fait savez-vous pourquoi on dit EP et non album ? L'expression résonne comme le début d'un épisode. L'image est jolie mais en fait ce mot est un sigle anglais, de extended play "durée étendue" pour désigner un disque d'une durée plus longue que celle d'un single et plus courte que celle d'un album. En général quatre à six morceaux de musique formant un tout.

Entouré en studio de trois musiciens (Jean Lannelongue à la batterie, Luc Dabbadie à la basse et Frédérick Mandin à la guitare électrique) Landry Verdy livre des mélodies tranchées et assumées dans la plus pure tradition des créateurs de chansons, faisant souffler un vent nouveau sur la scène pop folk francophone, après de grands noms comme Alain Souchon ou Louise Attaque.

Landry était déjà connu, mais dans le domaine de la production musicale. Après avoir oeuvré pendant huit ans dans l’ombre pour plusieurs labels parisiens, cet artiste a pris la difficile décision de se consacrer exclusivement à la chanson.

Il n'écrira pas dans l'isolement mais avec Damien Paranthoine, alias Kalune, pour lequel il compose depuis plusieurs années (dont plusieurs titres sur son premier album "Amour" qui a été accueilli avec un grand succès sur la scène indépendante francophone). Cet artiste engagé, paraplégique depuis ses 14 ans suite à un accident de ski, a à coeur de dénoncer les injustices de toutes sortes et même si le ton est plus doux pour son ami Landry on perçoit nettement ce penchant dès le premier titre, Ne m'attends pas.

ne garder que ce qui nous est cher,
avoir si peu et s'en satisfaire,
se contenter d'eau et de lumière
(…) j'apprends à vivre et à danser sous la pluie

Il lui a écrit cinq morceaux dominés par une sensibilité légère dont émanent de fortes valeurs de liberté et où la nature est très présente. L'enregistrement a eu lieu en octobre 2023, dans le studio Silence et Vibration à Orthez (64) qui est au coeur du sud-ouest natal de Landry.

C'est la caméra de Kalune qui a mis en images dans la montagne pyrénéenne le clip de Pour une autre, second titre de l'EP, qui est un hymne à la tolérance amoureuse. Le troisième va plus loin avec Cartes postales en promettant avec une grande pudeur de ne rien dire de ses tempêtes intérieures, des vents de chagrin qui soulèvent son coeur, tout ce qu'il refoule depuis leurs adieux, des rivières qui s'écoulent au coin de ses yeux (…) on se fait croire que tout va bien.

Toutes les saisons passent d'un titre à l'autre. Après l'été de Cartes postales, c'est l'hiver avec Sans toi qui commence sous la neige et dans le froid, métaphore évidente de la fin de vie consécutive à une folie destructrice.

L'accompagnement musical est très présent, laissant souvent la place à chaque instrument qui intervient en solo à tour de rôle. La voix est claire, presque légère, et il faut être attentif au sens des paroles pour en percevoir la mélancolie. 

Les cordes de la guitare électrique expriment toute une pléiade d'émotions et davantage d'espérance sur la dernière chanson, A coeur ouvert malgré un mea culpa sur des erreurs passées : j'ai peur de manquer d'air à chaque fois que je respire le regard des gens (…) j'manque de confiance (…), la vie est éphémère mais j'ai pas la force, pas le temps et c'est jamais le moment (…) si je suis seul est-ce une faute ou un accident ?

L'affirmation principale demeure qu'après avoir appris à vivre et à danser sous la pluie il s'est mis en mouvement et qu'il avance à coeur ouvert. La formulation est superbe et on lui souhaite de continuer très longtemps. On aimerait quand même entendre la prochaine fois davantage de joie, tout simplement pour se réjouir en sa compagnie.

Ce premier EP de Landry Verdy sortira en digital le 8 mars prochain.
Paroles et musique Kalune et Landry Verdy
Avec Luc Dabbadie (basse), Jean Lannelongue (batterie), Frédérick Mandin (guitare électrique) et Landry Verdy (guitare et voix)
Réalisation Luc Dabbadie

mardi 6 février 2024

NEB de Caroline Solé et Gaya Wisniewski

J'ai été plutôt surprise par l'univers de NEB, le dernier roman pour adolescents de Caroline Solé, bien que le domaine des jeux vidéo ne me soit pas étranger.

Je sais combien il peut devenir addictif, même si, personnellement, je n'ai jamais été tentée, et qu'il me semble ne pas courir ce risque à l'avenir (rassurez-vous, je sais que je peux avoir d'autres dépendances).

Il faudrait pouvoir écrire la lettre centrale du titre à l'envers, comme ceci,  sachant qu'elle m'évoque le symbole mathématique signifiant "il existe".

L'insertion de cette lettre exige une autre typologie et elle n'apparait pas tout à fait de la même taille dans ma publication que le N et le B, mais qu'importe.

Il y avait déjà des prémices de ce sujet dans la Pyramide des besoins humainsOn en retrouve le croquis (p. 24) et le héros du livre, Christopher Scott, resurgira mais je ne vous dis pas comment. Cette fois, Catherine Solé a creusé plus profondément et nous livre un texte totalement centré sur l'addiction au numérique, sur les coulisses du Net et les collectes de données. Son roman questionne les habitudes, les centres d’intérêts, les envies qui sont générés ou exacerbés par le monde numérique qui nous entoure.

L’auteure en connaît un rayon sur le sujet. Elle ne cache pas son inquiétude en interview, estimant que nombre d'ados fuguent en cliquant sur leurs écrans. Elle avoue subir une totale addiction de la part des réseaux sociaux (nous verrons bien si elle y commentera la publication de cet article).

Nraconte l'histoire d'un jeu en ligne au succès planétaire. Le nom pourrait par exemple être l’abréviation de nébuleuse, ou l’acronyme de Nouvel Espace Bizarre (p. 63),  à moins que l'un des participants ne trouve mieux.
Trois ados sont en finale mais des pirates agissent en embuscade. Qui remportera la partie ? Et surtout... Qui tire les ficelles ? La jeune Alex va découvrir les coulisses des nouvelles technologies, les méthodes de manipulation utilisées par les géants du web et les risques d’addiction. Le résultat est éclairant pour tout un chacun, en réussissant la prouesse de parler de dépendance sans être moralisateur.
Le lecteur, qu'il soit ado ou adulte, y trouvera des astuces est des clés non seulement pour mieux comprendre l'attrait et les risques du monde virtuel mais aussi pour s'en défendre.

Le travail a été initié dès le départ en compagnie de l'illustratrice Gaya Wisniewski. Ensemble elles ont décidé de ne représenter aucun visage en s'appuyant sur la force de la littérature qui offre au lecteur la possibilité d'inventer ce qui lui convient. Gaya a ajouté dans certaines illustrations des indices qui ne figurent pas dans l'histoire.

Il est arrivé aussi qu'elle joue avec le texte (p. 41, 116, 137 ou 165) sous forme de croquis vagabond, en encerclant par exemple le mot bulle pour mieux signifier combien Alex, le personnage principal, s'enfermait dans le monde virtuel dont elle était prisonnière. Alex l'a d'ailleurs fort bien compris mais elle ne sait pas pourquoi, et nous lecteurs pouvons partager cette sensation. soulignant certains termes (p. 79).

Les traits de crayon s'infiltrent entre les lignes, permettant des portes d'entrée par l'image à qui aurait du mal à soutenir son attention sur un texte imprimé. Ce fut pour Catherine Solé un défi et une expérience.

Le roman est une fiction, avec une "vraie" histoire, mais on y puisera beaucoup d'éléments de réflexion concrets. Pour commencer sur les prédispositions à devenir un joueur compulsif. Le mode de vie est, sans surprise, déterminant. Plusieurs enfants n’ont pas grandi avec leurs deux parents, soit à cause d’une séparation, soit en raison du décès ou de la maladie de l’un d’entre eux.

L’éducation, au sens large, pèse parfois lourd. C'est toujours le père ou la mère qui offre le portable. Un jeune du groupe a reçu sa première console de jeux à seulement 4 ans (p. 170). Il est pertinent de nous faire remarquer que si on interdit aux enfants d’entrer dans un casino, pourtant ils peuvent rester des heures sur les réseaux sociaux (p. 182).

Interviennent ensuite les motivations, comme l'envie de gagner (p. 166) lorsqu'il s'agit d'un jeu en ligne, ou celle d'engranger des likes et des commentaires sur les publications. L'auteure va plus loin en abordant aussi la situation du côté des hackers, qui peuvent être animés par l'envie de gagner de l'argent mais leurs actions ne sont pas toujours négatives. Elles peuvent révéler aux victimes des failles sécuritaires. Et parfois ce ne sont "que" des défis qu’ils se sont lancés.

Paradoxalement leur justification peut être logique : on a piraté le NEB car on sait que nos données sont revendues à des annonceurs, on connait toutes les techniques de manipulation de l’attention qui ont été utilisées pour élaborer l’interface et les règles du jeu (p. 146). Les pirates du roman s’érigent en sorte de Zorros protecteurs de tous ceux qui ne lisent pas les conditions d’utilisation avant de s’inscrire, et refusent "un monde basé sur le fric et la surveillance". Alors ils n’hésitent pas à employer des moyens illégaux pour se faire respecter, comme s’il devenait légitime de se défendre.

La problématique de l’addiction est analysée en référence à l'expérience de Skinner ayant démontré qu'une souris encagée guette les croquettes qu'elle reçoit en récompense (p. 158).Ce qui est très fort c’est que le côté aléatoire de la réception des interactions sur les réseaux ne décourage pas. L’incertitude produit un réflexe qui se transforme en addiction.

Quatre pathologies mentales (p. 188) liées au numérique font consensus (on frôle le documentaire, en sortant parfois de la sphère fictionnelle) : le syndrome d’anxiété (qui pousse à étaler sa vie), la schizophrénie de profil (on multiplie les comptes), l’athazagoraphobie (peur d’être oublié) et l’assombrissement (état dépressif profond).

Le lecteur apprend beaucoup de choses sur le sujet. J'ai désormais compris qu'il ne fallait pas confondre plaisir (provoqué par la dopamine) et bonheur (obtenu par la sérotonine) car un trop-plein du premier premier exclue la possibilité du second (p. 197). Il n'est pas inutile non plus de pointer que tout ce qu'on publie en message public peut être collationné et que ces données n'ont pas besoin d'être "volées" pour être utilisées. Le terme même de "données" est signifiant.

On s'instruit jusqu'à la dernière ligne, restituant à Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, ces propos cyniques : ne plus améliorer le service pour les gens les plus vieux mais faire des jeunes adultes notre étoile du Berger.

Et s'il est vrai (hélas ça l'est sans doute) que le temps d'attention, la capacité de concentration de la génération des millennials est de 9 secondes avant de décrocher, on ne peut qu'être atterré que leur cerveau ne puisse guère fonctionner davantage que celui d'un poisson rouge.

C’est très anecdotique mais on apprend qu’en Belgique, on dîne à l’heure du déjeuner et qu’une mitraillette est le nom qu'on y donne àun sandwich de viande et de frites.

L'intrigue traitant de l'addiction, il fallait la construire de façon addictive et le pari est gagné.

NB de Caroline Solé et Gaya Wisniewski (Illustrations, Ecole Des Loisirs, collection Medium, en librairie depuis le 10 janvier 2024

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Je voudrais ajouter que la question du consentement est depuis longtemps inscrit dans la loi Informatique et Libertés. Il a été renforcé par le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) en 2016 avec des conditions de son recueil précisées, que vous pouvez lire en détail sur le site de la CNIL.

lundi 5 février 2024

Trois associations avec le vin Dune Gris IGP Camargue

Je n’ai pas besoin d’attendre le soleil estival pour proposer trois associations avec le vin Dune Gris Rosé 2023 Sables de Camargue IGP de Sabledoc (30), en conseillant bien entendu de le consommer en toute modération.

La première m’est venue à l’esprit au retour de la présentation à la presse des lauréats du Prix d’excellence 2024 du Concours général agricole au cours d’une cérémonie que j'ai raconté hier en détail.

Ce vin s’accorde parfaitement avec deux autres produits primés : les rillettes de la charcuterie Sébastien Dubourg (37),et le miel de lavande des Ruchers des Maures (83).

J'ai beaucoup apprécié les rillettes de Tours IGP de Sébastien Dubourg parce qu’elles sont riches en chair. Il n’emploie que le jambon, le morceau noble du cochon, et il fait cuire la préparation savamment assaisonnée toute une nuit à petit feu pour obtenir un résultat tendre et parfumé, très peu gras. On comprend que son expérience est grande. Il a démarré à 14 ans dans l'univers de la charcuterie. Il a déjà reçu 2 médailles d'or et une d'argent. Outre les rillettes, il est régulièrement récompensé pour son jambon, son andouillette et son boudin.

Si on emploie un pain au levain, l’acidité relative sera adoucie par une fine couche de miel qui surprendra les papilles lorsqu’elles rencontreront enduite la charcuterie. Les pickles joueront un rôle inverse. L'association est originale et fonctionne à merveille. Je vous encourage à faire vous-même vos pickles (ma recette ici).

Le miel en question est un miel de lavande. Son parfum est subtil, son onctuosité remarquable et sa finesse de goût incomparable aux miels de lavande que j’ai dégustés jusqu’à présent. L’apiculteur collectionne 2 médailles d’or, 3 d’argent et 1 de bronze. Récolté fin juillet en haute-Provence, très clair, liquide ou crémeux, agréablement aromatique : c’est le fleuron des miels de Provence. Il est malheureusement de plus en plus rare.

C’est par le Concours Général Agricole que j’ai découvert le vin rosé IGP Sable de Camargue dont j’ignorais l’existence malgré 6 médailles d’or et 1 d’argent reçues ces dernières années. Il est composé majoritairement de grenache (à 90%) que complète 10% de carignan.

Sa robe est pâle et délicate, rosé poudré avec des reflets melon clair. Le nez est fin avec des notes de pamplemousse rose et de pêche blanche. La bouche est tendre et fraîche.

Il est conseillé de le proposer en apéritif, sur des grillades, tous types de poissons en sauce, fruits de mer, cuisine exotique. Outre l’association avec des rillettes, je l’ai servi sur un couscous.
Je ne vais pas donner de recette de couscous. Il me semble que tout le monde sait faire. Je dirai malgré tout que j’ai cuit les légumes avec la viande en cocotte (sauf les merguez qui ont été poélées spécialement) en ajoutant un peu de bouillon dans lequel j’ai ajouté un piment. S’agissant de la semoule, je la prépare en versant sur les grains dans un saladier le même volume d’eau bouillante et je laisse gonfler 5 minutes.

Si le repas tarde un peu je passe quelques minutes au micro-ondes avant de servir. Ici j’ai ajouté de gros raisins de Corinthe que j’avais fait tremper la veille. J’ai fait réduire la sauce de cuisson pour plus de saveur.
L’histoire de la cave des Sablons commence en 1952 en devenant une cave coopérative. Par la suite, elle fusionnera avec deux autres caves coopératives d’Aigues-Mortes, la cave Saint Louis et la cave du Môle, pour former l’entité SABLEDOC.

Le caveau de vente des Sablons verra le jour en 2004. Vous pourrez y découvrir la gamme de Vins des Sables Dune, des produits du terroir, et le travail d’artistes locaux.

Entre 2006 et 2007, aura lieu la fusion entre la cave coopérative des Remparts et le groupe Sabledoc. En 2008, au pied de la ville fortifiée d’Aigues-Mortes le caveau des Remparts verra le jour suite à la démolition de l’ancienne cave.

Aujourd’hui une centaine de coopérateurs écrivent l’histoire de la marque Dune. Le vignoble de la Cave Coopérative des Sablons couvre une surface de 580 hectares répartie sur les communes de Aigues-Mortes, Saint Laurent d’Aigouze et Vauvert.

Le terroir de sable du aire pauvre en limons et argiles, chargé des sédiments du Rhône, le climat ensoleillé, la brise marine favorisant la maturation des raisins, les cépages adaptés aux sols, des ceps de 10 à 20 ans, l’art des vignerons, les méthodes culturales respectueuses de l’environnement, les vendanges de nuit qui préservent les meilleurs arômes du fruit, des raisins éraflés, refroidis dès l’entrée en cave, la vinification réalisée dans la cave par un œnologue, pressurage doux et sélection rigoureuse des jus, débourbage statique à 10°C, fermentation maîtrisée à 17°C, élevage en cuve pour la fraîcheur, ou sur lies pour la rondeur… C’est toute cette alchimie qui permet d’obtenir des vins gris, rosés et blancs, frais, élégants et fruités, qui sont le reflet du terroir de Petite Camargue.
Enfin le vin fut très agréable avec les amandes au romarin de Pierrot gourmand, qui gagneraient malgré tout à être enrichies en origan. C’était une de mes découvertes du salon Maison & objet.

SCA Vignerons des Sablons
2024, route d'Arles, BP 44 - 30220 Aigues-Mortes
Site web www.caveaulessablons.fr

Charcuterie Sébastien Dubourg
6 rue de Cormery - 37550 Saint Avertin

Ruchers des Maures Marc et Monique Lamoine, apiculteurs et castanéiculteur
Chemin du Patarron - 83340 Les Mayons
www.lesruchersdesmaures.fr

dimanche 4 février 2024

Les Prix d'Excellence du Concours Général Agricole 2024

Mardi 30 janvier dernier, avait lieu la cérémonie du Prix d’Excellence, au ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, en présence de Marc Fesneau, et de Jean-Luc PoulainPrésident du CENECA, et d’ Olivier AllemanCommissaire Général du CGA.

Les médailles qui distinguent la qualité d’un produit pour une année donnée. Ils furent en 2023, 5 123 produits et vins sur 14 418 en compétition a avoir été distingués.

Depuis l’an 2000 un Prix d'Excellence est attribué aux lauréats des 3 dernières éditions du Concours Général Agricole consécutives. Elle récompense donc le travail, l’engagement et les valeurs dans chacune des catégories représentées, témoignant de l'excellence mais aussi de la régularité du savoir-faire de nos régions.

Il n’y a rien de subjectif dans l’attribution. Cette "compétition de la compétition" s’organise en additionnant les points attribués : 5 points pour une médaille d’or, 3 points pour une médaille d’argent et 1 point pour une médaille de bronze. La somme est ensuite divisée par le nombre de produits présentés. Le Prix d’Excellence revient au producteur ayant obtenu le meilleur score dans la catégorie concernée.

Cette année, 37 producteurs français (15 pour les vins, 22 pour les produits, leur liste exhaustive figurant à la fin de l'article) sont distingués comme étant "les meilleurs parmi les meilleurs" vignerons, apiculteurs, ostréiculteurs, éleveurs … qui auront désormais - et c’est une nouveauté- auront la possibilité d’apposer le logo du Prix d’Excellence sur leurs produits primés conjointement à la médaille du Concours Général Agricole, de manière à repérer encore mieux les produits du terroir, comme on peut le voir sur les bouteilles ci-dessous de vins IGP Coteaux de Glanes.
Même si quelques jours se sont passés depuis cet événement, on se souvient du contexte tendu entre le monde agricole et le gouvernement. Le ministre ne pouvait pas remettre les trophées sans prendre la situation en considération. Je peux le dire, il m’a épatée en abordant franchement la problématique agricole.

Il a dénoncé trente ans de malaise agricole, de normes en taxes, arcanes administratives qui pourtant ne dissuadent pas 80% des agriculteurs de continuer à exercer leur métier.
Il a rendu hommage à toutes ces femmes et ces hommes qui travaillent avec les saisons, les sols, dans le respect de l'environnement, conjuguant tradition et modernité, prêts à assurer la transmission de leurs valeurs. Ce sont eux qui sont garants de la diversité géographique des savoir-faire et dont l'action met en valeur l'identité paysagère des territoires. La passion est louable mais elle ne doit pas devenir un sacrifice.

samedi 3 février 2024

Toutânkhamon, l’expérience immersive pharaonique

L’entrée est quasi commune à l’expo Lego que j’avais déjà visitée il y a quelques années et dont je garde un souvenir très vif.

Le spectateur est chaleureusement accueilli. Il est immédiatement possible de prendre une photo-souvenir en prenant place sous une tente installée dans le hall, en face d’un immense panneau reconstituant la Vallée des Rois (1550-1069 av JC) qui se déployait sur la rive gauche de Thèbes.

Ce serait dommage de ne pas conserver d'image de l'aventure immersive très originale que nous allons suivre.
Un vestiaire (gratuit) permet de se débarrasser de manteaux et sacs pour se lancer léger dans l’aventure. On ne vous le conseille pas mais munissez-vous d’un crayon. Vous allez en avoir besoin.
Nous sommes observés par Apis dont la statue a été trouvée encore en place dans le sanctuaire souterrain du temple de Sérapis - époque romaine, règne d'Hadrien, (117-138 après JC, original conservé au musée national d'Alexandrie). Le taureau est sans doute l'un des plus forts symboles de l'Egypte ancienne et Apis était le plus important car il représentait le pouvoir procréateur offert au roi pour apporter la prospérité au pays. L'animal pouvait rendre des oracles et sortait en procession à la rencontre de la population. 

Car ne croyez pas que la chambre funéraire de Toutânkhamon s’ouvrira pour vous sans que vous ayez fait de (gros) efforts pour résoudre quelques énigmes qui vous permettront de recomposer une phrase célèbre dans l’histoire et qui a été prononcée par Howard Carter en 1922 au moment où il a découvert le trésor.
Je monte un escalier en entendant des bruits de pioche et je débouche dans une sorte de couloir où … il ne se passe rien. Un personnage arrive, constate que je suis seule et suggère d’attendre du renfort. Il fait rouler une brouette chargée de cailloux.

Dès que nous formons un groupe on nous remercie d’être venus. On nous alarme d’un projet de suspendre les fouilles en raison de l’épuisement des finances et on sollicite notre aide en mêlant des phrases en français et en anglais.

Hurry ! Hurry ! On nous presse d’avancer. On nous incite à plonger la main dans des urnes contenant des viscères et j’avoue que ça me répugne autant que si je devais gagner une épreuve sur Fort-Boyard. Impossible de s’y soustraire. C’est une étape obligatoire.

Aidée par la chance, je parviens à trouver les réponses qui correspondent à des hiéroglyphes qu’il va me falloir repérer sur un grand schéma et en noircir les cases correspondantes pour faire apparaître un visage … qui ne servira pas par la suite. C’est du temps perdu et je suis de plus en plus désorientée. Comme d’autres visiteurs, je fais le choix d’abandonner ce travail pour admirer les oeuvres qui se trouvent dans les trois salles principales. Elles sont remarquables et on se sent privilégié de pouvoir les observer d’aussi près.
Une allée entière de sphinx à tête de bélier ou Crêiosphinx a été reconstituée. Le mot Sphinx est un dérivé de l'égyptien chesep désignant une image ou une statue. Gardiens à l'entrée du temple de Karnak, ils sont l'image de la puissance du dieu. Ils protégeaient les allées sacrées, notamment lors les processions des barques divines.
A gauche, ci-dessous la statue d’une vigie. A droite, un mannequin de Toutânkhamon en bois stuqué et peint, sans doute utilisé pour préparer les bijoux et les vêtements du roi. La coiffe fait référence à la couronne rouge de la Basse Egypte.
Il y a beaucoup à lire. Les cartels sont complets et on peut estimer manquer de référence pour tou assimiler. L’œil est sollicité par pléthore d’objets. 
Deux statues noires du roi, en bois et en bronze avec des incrustations de calcaire et d'obsidienne, étaient placées en vis-à-vis le long du mur qui séparait l'Antichambre de la Chambre Funéraire pour garder la chambre funéraire. 
Elles sont recouvertes d'une résine d'un noir luisant. Le devante triangulaire porte les nom et titre de Toutânkhamon. La statue coiffée de l'afnet (coiffe en tissu de forme arrondie) précise qu'elle représente le ka du roi, soit l'essence de son être.

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