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vendredi 20 novembre 2009

Ce que je sais de Vera Candida, par Véronique Ovaldé

De Rose à Monica Rose le destin boucle une lignée de femmes dans un style coruscant, terme que je ne connaissais pas auparavant, et que j’emprunte à l’auteur (p.50) pour signifier la vivacité de la plume de Véronique Ovaldé et sa prédisposition à décrire l’insolite. Elle dit volontiers que les incongruités l’amusent et que le surgissement de l’étrange lui plait. Qu’elle soit bénie : nous aussi.

La narration du tragique est joliment tournée, positivement baroque, avec poésie, fantaisie et un humour très coloré, qui font accepter de croire à cette histoire dont on a compris qu’elle était de l’ordre du conte philosophique ou du roman d’apprentissage. On se laisse emporter par le monologue intérieur des quatre femmes sans rien mettre en doute. Les sentiments qui sont explorés font le lien entre l’univers irrationnel et des éléments sociologiques qui touchent à l’universel. Rien d’étonnant donc à ce que le livre vienne de recevoir le Renaudot des lycéens.

Deux figures dominent : Rose , l’arrière-grand-mère, dont les maximes résonnent avec sagesse : on ne fait pas toujours ce qui est bon pour soi (p. 52). Dans la vraie vie on ne comprend pas toujours tout, il n’y a pas de notice, il faut se débrouiller pour faire le tri (p.150) ; et puis Véra Candida, la petite fille, qui va devoir affronter de grandes difficultés avec courage et détermination : en déposant sa douleur dans un petit refuge provisoire à l’intérieur de son cœur afin de ne pas fondre en larmes (p. 158)

Véronique Ovaldé ne manque pas de souffle pour tisser une narration qui s’appuie sans cesse sur « la vraie vie », comme elle le dit elle-même et qui pourtant nous promène dans un pays imaginaire latino-américain. C’est un artifice fréquent au théâtre pour mieux vaincre la résistance du spectateur. Véronique Ovaldé a manifestement un message à faire entendre. Le thème du harcèlement, qui imprègne décidément la littérature actuelle (on pense aux Heures souterraines de Delphine de Vigan) est sous-jacent. On se tromperait en disant que le combat est d’ordre féministe. Certes les héroïnes sont des femmes ; Véronique Ovaldé les appelle "ses guerrières"; la vie ne les épargne pas et leur condition y est pour beaucoup mais il y a aussi dans le roman un superbe caractère masculin avec Itxaga, le compagnon de Véra dont l'âme chevaleresque se révèle au cours des chapitres.

Un roman inhabituel, comme le serait la recette d’une spécialité exotique, qui, passé l’effet de surprise, se déguste avec bonheur, qui soulève de vraies questions avec sensibilité, grâce et fraicheur et que l’on n’est pas près d’oublier.

L’auteur a déclaré dans une interview que le lecteur idéal est celui qui finit le livre. Au risque de faire une remarque anecdotique je regrette souvent que les romans s’appauvrissent dans leur dernier tiers comme si la narration s’épuisait. Au contraire celui-ci gagne en puissance tout au long du récit et on ne risque pas de ne pas avoir envie de le terminer. Le secret tient peut-être à trois choses : la double profession de Véronique Ovaldé (qui est aussi le jour éditrice chez Albin Michel), son rituel d'écriture, tous les matins à cinq heures et pour deux heures seulement, et le talent bien sur.

Ce que je sais de Vera Candida, Véronique Ovaldé, Editions de L'Olivier, 300 pages
Le roman a également obtenu le Prix France Télévisions 2009. Ce prix, à l'instar du prix ELLE est décerné par des lecteurs qui se prononcent sur une sélection faite par des professionnels.

2 commentaires:

Jules a dit…

En général, je ne garde pas de réel souvenir d'une lecture, mais c'est vrai que celui-ci marque par les images, les drames et les fortes personnalités de ses héroïnes...

Anonyme a dit…

tu m'as fait changé d'avis et m'a donné envie de le lire, merci!

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