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jeudi 10 décembre 2009

Max et les Maximonstres

J'ai assisté en avant-première à une projection du film inspiré du célèbre album du même titre que Maurice Sendak avait écrit en 1963 et je suis revenue totalement conquise.
Les puristes ont critiqué. C'est toujours la gue-guerre entre les aficionados du livre et les partisans du cinéma. Comme s'il y avait une hiérarchie entre les deux médias ! Les premiers s'énervaient du budget colossal que les effets spéciaux ont coûté. Les seconds n'avaient pas été invités pour se défendre.

J'ai BEAUCOUP aimé ce film mais je mets en garde ceux qui ne connaissent que l'album : l'adaptation n'est pas destinée aux enfants de 3-4 ans, âge à partir duquel on commence à raconter l'histoire de Max, mais plutôt à ses grands frères et aux adultes. Je ne lui aurais pas donné le même titre pour ne pas susciter de confusion. A ce propos l'intitulé original anglais Where the wild things are, (Là où sont les choses sauvages) est sans doute plus approprié pour la version cinématographique.

C'est Maurice Sendak lui-même qui a collaboré à la mise en scène. On peut donc être rassuré : son univers a été respecté, plus précisément "développé". Max a grandi. Il a une sœur qui se plait davantage avec ses propres copains qu'en sa compagnie. Sa maman travaille dur pour ne pas risquer de perdre son emploi. Le papa habite loin. Max essaie d'attirer l'attention des uns et des autres mais à peine commence-t-il à s'amuser que la bataille de boules de neige vire au drame, que ses élucubrations exaspèrent les adultes et que finalement il se retrouve seul avec ses émotions.

Dans le livre l'enfant est puni dans sa chambre. Il fait l'apprentissage de la colère et se calme sans qu'un adulte n'intervienne. L'album a cette vertu de traduire en images fortes mais simples la puissance des sentiments et l'appel de la raison. Cela n'a pas empêché les puritains de l'interdire parce qu'en 1963 ce n'était pas éducativement correct de laisser dire qu'un enfant pouvait éprouver de tels affects. La polémique fut acharnée. On craignait que l'ouvrage donne le "mauvais exemple" alors que l'effet fut tout le contraire : il n'y a pas un bambin énervé qui ne se soit calmé après que je lui ai lu ce livre. ... bien plus efficace qu'une leçon de morale. Sendak était un des premiers à aborder des notions de psychanalyse, encore peu connues dans les années 1960.

Dans le film (de plus d'une heure trente) le pré-ado fugue et sa rencontre avec les maximonstres semble plus réelle et plus inquiétante pour de jeunes esprits. L'imagerie de synthèse sert parfaitement le propos. Le jeune comédien est formidable de naturel. La musique est intelligemment dosée, très énergisante, suggérant régulièrement une bataille comme au temps des bons vieux westerns qu'on regardait à la télé le dimanche après-midi quand j'étais petite. D'ailleurs est-ce que le genre "western" existe encore ?

Il y a aussi beaucoup d'inventions par rapport au livre. Max, désœuvré, a l'imagination très fertile. Il joue avec les lattes de la clôture comme si elles représentaient une armée de soldats au garde-à-vous. Il renonce au combat en brandissant un sac de plastique blanc en guise de drapeau. Max n'arrive pas à prendre sa place dans une famille assez déchirée. C'est lui qui raconte une histoire à sa mère pour apaiser sa dure journée de travail. Une histoire de vampires qui portent encore des dents de lait.

Son père (absent) lui a offert un globe terrestre où il a fait graver : pour Max, le maître du monde. Cela laisse songeur ... surtout quand le prof de sciences illustre son cours de catastrophes : tsunami, pollution, météorites ; il prédit que le soleil va bientôt mourir. Max se sent mal dans sa peau. Il enfile son déguisement de loup, fait descendre la cagoule sur ses cheveux comme un casque et ouh-ouh-ouh part en guerre contre ses rages, ses peurs. Les scènes où sa colère est perceptible sont tournées caméra à l'épaule et à hauteur de son visage, d'où un réalisme assez impressionnant qui rend le film assez "dur", même pour un spectateur adulte. On en sort en se disant que le monde est tout de même peu clément pour les enfants.

Les maximonstres (terme inventé par le génial Bernard Noël, traducteur de Sendak) représentent toutes les pulsions destructrices et constructives de l'enfant. Ils font des batailles de boules de terre comme les gamins se lancent des boules de neige. Ils construisent des cabanes comme les enfants font des tentes ou des igloos. Ils se jettent sauvagement les uns sur les autres ... comme des joueurs de rugby. Rien de plus naturel au fond ... Il est vrai que le film s'essouffle un peu mais le ralentissement de l'action permet au spectateur de prendre lui aussi le temps de penser autrement. Ce n'est donc pas un inconvénient, loin de là.

Pour ceux qui aiment les infos "people" sachez que c'est Charlotte Gainsbourg qui fredonne la chanson du générique de la version française... et que Max et les maximonstres est le livre préféré de Barak Obama. Mais vous préféreriez peut-être regarder un court extrait, en version originale of course:

Max et les maximontres, avec Max Records (époustouflant) dans le rôle de Max
Réalisation de Spike Jonze
Sortie nationale en France le mercredi 16 décembre 2009.

L'œuvre de Maurice Sendak a été publiée en France par l'Ecole des Loisirs et je vous encourage fortement à la découvrir ou à la relire. La librairie parisienne Chantelivre offre rue de Sèvres un choix particulièrement abondant (quasi-exhaustif) en littérature de jeunesse.

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