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dimanche 10 janvier 2010

La princesse et la grenouille

Il n'était pas dans mes projets d'aller voir ce film mais ... j'ai été comme la petite fille de cette histoire, piégée par une envie : celle de répondre à un jeu concours. Que pensez-vous qu'il advint ? Alors que j'avais écrit "juste" pour le plaisir des mots voilà que c'est ma diatribe qui fut sélectionnée.

Du coup je n'ai pu résister à l'appel de la grenouille et bien m'en prit.

J'ai vu le film au Forum des Images, un cinéma pas comme les autres situé au cœur du Forum des Halles où sont régulièrement organisés des festivals, des rencontres, des débats et des master-class. C'est aussi un endroit où l'on peut, en salle des Collections, redécouvrir l'un des 6500 films du fonds.

Pour l'heure c'était à une vraie découverte que j'étais invitée, par le club Allo-ciné, et ce fut un vrai bonheur de voir ce nouveau dessin animé en avant-première. On connait l'histoire sortie de l'imagination des frères Grimm mais ce qui nous est servi c'est la version qu'une mère de famille éleveuse de chevaux du Maryland, E.D. Baker, a écrite en 2002. Elle y raconte l'histoire d'une certaine Emeralda et de sa rencontre avec une grenouille, en fait un prince victime d'un mauvais sort qui, en échange d'un chaste baiser, devrait retrouver sa forme humaine, enfin si tout va bien.

La maison Disney a été bien inspirée d'en acheter les droits dès 2003 et de confier le projet à Ron Clements et John Musker, auquel on doit Aladdin et La Petite Sirène. Les studios qu'on pensait dédiés à tout jamais à la 3 D, décident de revenir au "vrai" dessin animé, à partir de dessins réalisés sur papier, comme au bon vieux temps. L'héroïne sera une jeune fille noire qu'on sera tenté d'appeler un moment Maddy. Elle sera rebaptisée Tiana pour ne pas heurter les sensibilités car le nom pourrait avoir une connotation raciste. Personne n'imagine encore que le prochain président sera un homme de couleur. C'est la Nouvelle Orléans qui est choisie pour cadre parce que c'était la ville préférée de Walt Disney. Malheureusement elle ne s'est pas encore remise de l'ouragan Katrina et il faudra user d'arguments pour convaincre les réticents.

Le scénario se bâtit aussi contre les avis de ceux qui estimaient que les références vaudous pouvaient être maladroites ou que le public français allait se vexer de la présence d'une grenouille puisque c'est une injure que d'être traité de "frog" par des anglosaxons. Après avoir vu le film je suis au contraire plutôt fière d'être traitée de grenouille, ce qui me hisserait à un noble rang.

En résumé Tiana travaille très dur comme serveuse pour amasser assez d'argent pour pouvoir un jour ouvrir son propre restaurant. Lors d'un bal masqué, organisé par le père de son amie Charlotte, elle enfile une robe magnifique ainsi qu'un diadème et prie l'étoile du berger pour que son rêve son réalise. Une grenouille se présente alors à elle, prétendant être un prince ayant été victime d'un mauvais sort, et lui réclame un baiser. D'abord effrayée, Tiana finit par accepter d'embrasser le batracien, mais la transformation ne se déroule pas comme prévu Au lieu de voir apparaître un prince séduisant sous ses yeux, Tiana est face à son propre reflet; une grenouille aux yeux globuleux et couverte de mucus. Les deux amphibiens s'engageront alors dans une grande aventure pour retrouver la sorcière Mama Odie capable de leur rendre leur forme humaine.

Forte, courageuse et persévérante, Tiana est un modèle de motivation pour le spectateur, davantage habitué à des modèles égoistes de type poupée barbie. Cette fois nous avons envie de nous identifierà celle dont le courage et la détermination semblent plausibles malgré les retournements de situation. Son sens de l'amitié et son altruisme ne sont jamais ridicules. Disney a su actualiser le conte, en intégrant la réalité économique et sociale. L'idée d'utiliser un récit consacré - en l'occurrence celui des frères Grimm - et de modifier les enjeux de celui-ci de manière à échafauder une toute nouvelle histoire - ce qui serait arrivé si la princesse qui avait embrassé la grenouille n'était pas une vraie princesse - est un procédé intéressant que Disney a su appliquer sans cette gênante impression de déjà vu.

La musique de Randy Newman contribue au succès. Les rythmes sont jazzés. Les paroles semblent familières parce que ce sont des déclinaisons de proverbes tant répétés. Ainsi Aide-toi le ciel t'aidera devient : il faut aider l'étoile par ton travail.

J'ai retrouvé avec plaisir l'atmosphère si particulière du Quartier Français de la Nouvelle -Orléans et le tramway de la rue Saint Charles, celui-là même qui traverse le film de Kazan (Un tramway nommé désir) et qui fut le premier tramway au monde. Ce fut un bonheur de voir le film en version originale parce que l'oreille peut saisir les quelques mots cajuns hérités des ancêtres français. On dit "enchanté" et non "how do you do" pour se saluer. On apprécie la "french cook", la cuisson "à l'étouffée"et on se méfie du "charlatan".

Il y a quelques brins de fil blanc, c'est inévitable, comme le prénom de l'alligator joueur de trompette, Louis, référence à Amstrong bien sur. Et le lancer de bouquet de la mariée qui sera rattrapé in extremis par l'amie esseulée. Ray (Raymond) la luciole est un personnage émouvant, doublé dans la version française par Anthony Kavanagh, personnalité bien connue (il est né à Montréal mais de parents haïtiens immigrés au Québec). Liane Foly prête sa voix à mama Odie.

La princesse et la grenouille va vite devenir un incontournable, autant pour les nostalgiques des dessins animés classiques que pour les enfants du XXI° siècle.

Forum des Images, 2 rue du Cinéma - 75001 Paris
En savoir plus sur le film sur Allo-ciné
Merci à Sandra, cinéphile émérite, rédactrice du très intéressant blog In the mood for cinema, d'avoir eu l'idée du concours.

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