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lundi 26 avril 2010

La Nuit des Molières 2010 comme si vous y étiez ...

Beaucoup de changements cette année pour cette 24 ème édition des Molières. Le lieu d'abord puisque c'est la Maison des Arts de Créteil qui a ouvert ses portes à la profession, témoignant que le théâtre ne se passe pas qu'à Paris intra-muros, loin s'en faut.

Même si j'habite un peu loin de Créteil j'étais satisfaite de ce choix. Je vais souvent dans les salles de la couronne parisienne et j'y passe de beaux moments que je relate sur le blog. On ne dira jamais assez haut la qualité de la programmation des scènes dites de banlieue, ni d'ailleurs des dynamiques scènes dites "de région". Le choix de Créteil rappelle leur vitalité. Et puis, détail futile mais utile, il est facile de s'y garer, la salle est confortable et capable d'accueillir un grand nombre de spectateurs. Ses coursives sont propices aux discussions ... et c'est aussi un lieu d'exposition.

Créteil, sous le soleil hier soir, évidemment, avec un vent léger qui aérait les robes parfois légères qui montaient tranquillement les marches pour accéder au symbolique tapis rouge déjà éclairé de lumignons. Initialement la cérémonie aurait du se dérouler à Nanterre qui finalement aurait été moins glamour en terme d'accès.

Il a fallu patienter avant d'entrer, la belle se laissait désirer. Du coup on faisait connaissance sur le parvis, on se hasardait à livrer ses pronostics. Nous fûmes invités à pénétrer dans le hall et à nous désaltérer, charmante attention, pour tenir le coup sans doute jusqu'à la fin de la cérémonie. Nouveau jeu : on murmurait les noms des célébrités avec précaution ne nous attendant pas à être nez à nez avec Alain Chamfort, Dominique Besnehard, Jean-Pierre Mocky ou encore Jean-Michel Ribes, au look incroyable avec son chapeau rubanné assorti au velours violet de sa veste.

La présence de Laurent Terzieff, magnifique dans son gilet brodé était plus logique. Également, puisqu'ils étaient tous nominés, Anny Duperey, enturbannée et splendide dans un fourreau argentée, Dominique Blanc dans une sobre robe de velours noir, Claire Nadeau en tailleur pantalon discret, Virginie Lemoine dans une robe bleue fluide, Alice Belaïdi dont la longue robe à traine entravait la démarche, Mélanie Laurent délicate dans une robe nude (couleur peau) au décolleté plongeant, Guillaume Gallienne tout sourire comme à son habitude, Daniel Russo, Henri Courseaux ... sans oublier Irène Ajer, la présidente active des Molières, à qui le ministre ne doit pas regretter un instant d'avoir confié le dépoussiérage de la manifestation.

Le temps de remarquer Axelle Laffont, d'être surprise par le rire de Firmine Richard, un appel au micro nous prie de gagner nos places. Derrière le brouhaha on perçoit le retour son du journal de 20 heures dont Patrick Bruel est l'invité pour le film d'Alexandre Arcady "Comme les cinq doigts de la main". Michel Drucker converse avec lui en duplex, suggérant que peut-être il sera dans la salle l'an prochain puisqu'il prépare son retour au théâtre, (il avait joué le "Limier", il y a sept ans) le 7 septembre prochain, dans "Le Prénom", une pièce écrite par Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, mise en scène par Bernard Murat au théâtre Edouard VII.

Michel et sa nièce Marie animeront la soirée. Le lancement s'effectue dans les gradins, le temps qu'une main secourable aide Marie à rajuster sa robe noire aux épaules pailletées tandis que son oncle en serre (des mains). Petite confidence, non pas à Allah (dont l'interprète remportera tout à l'heure un trophée) mais dans le creux de l'oreille de son oncle. Ce n'est pas parce que je suis proche ma photo sera plus nette. Il faudrait que je songe soit à breveter mes floutages, soit à changer d'appareil puisque je ne me déciderai jamais à utiliser le flash.















On nous fait le coup de la blague : les statuettes ont été dérobées et seront remplacées par des assiettes à fromage, en précisant que la version Saint-Nectaire rivalise de beauté avec celle qui est dédiée au Pont-Levêque. Après l'ordre, le contre-ordre : la police spéciale a retrouvé le butin, allusion à la célérité légendaire du président de la république.

Place au théâtre, au vrai. Les trois coups précèdent le lever de rideau sur Feu la mère de Madame, de Feydeau, mis en scène par Jean-Luc Moreau, nominé d'ailleurs pour l'Illusion conjugale. Emmanuelle Devos a interprété une bourgeoise au bord de la rupture. Patrick Chesnais fut clownesque à souhait. Christine Murillo a campé une Bécassine à l'accent alsacien. Sébastien Thiéry fut le valet de mauvaise augure. Tout cela rondement mené tambour battant, faisant oublier sans doute aux comédiens qui étaient dans la salle la terrible épreuve des enveloppes à laquelle ils allaient être confrontés dans les quarts d'heure qui allaient suivre.

Le décor de Stéfanie Jarre représente une chambre assez grandiose, et pour cause car tout à l'heure, une fois quelques éléments remontés dans les cintres, ne resteront qu'une enfilade de portails antiques suffisamment discrets pour la cérémonie proprement dite.

Nous n'avons pas eu de discours introductif du ministre, Frédéric Mitterrand, venu cette année en invité alors qu'il en était le maitre de cérémonie l'an dernier. Comme quoi dans les théâtres les rôles vont et viennent.

L'arrivé sur scène de Line Renaud a été saluée d'une longue standing ovation. Il y en aura quelques autres pour Laurent Terzieff, Michel Galabru ...

Line a su traduire le bonheur de sa reconversion il y a une trentaine d'années du music-hall vers le théâtre qui représente pour elle "l'aristocratie du spectacle, l'échange unique, le face à face magique du public avec le comédien et son texte." Edwige Feuillères appréciait ses rires d'enfants et ses larmes de femme. Merci Line, de nous prouver qu'il y a plein d'avantages à vieillir comme vous le dites si joliment du haut de vos 81 printemps.

Je ne vais pas redonner le palmarès entier puisque je l'ai publié hier. Je reviendrai seulement sur quelques moments particuliers.

Premier Molière pour Laurent Terzieff qui a d'emblée souligné le théâtre comme étant un espace entre le divertissement pur et l'élitisme, par l'expérience sans cesse renouvelée du langage. Cet homme milite pour le théâtre privé sans renier l'aide publique dont il dispose en tant que compagnie indépendante. Il fallait que ce soit dit, et entendu. Nous aurons au moins évité une guerre ce soir entre le privé et le public. Les deux en sortent vainqueurs et, on peut l'espérer, alliés.

Plus tard Jean-Paul Farré, recevra le Molière du théâtre musical en relevant avec ironie que cette distinction est concomitante de la suspension par le ministère de la Culture de l'aide que ses recherches recevaient jusque là. Les "Douze pianos d'Hercule" de ce pionnier des clowneries musicales sont un morceau haut en couleur que j'avais relaté le 28 mars. A ce stade de la soirée le ministre peut encore s'estimer à l'abri des trop fortes critiques.

Michel Galabru a évoqué ses souvenirs pour célébrer la mémoire de Jean Anouilh. Il nous a rappelé avoir tourné avec Fernandel, devant Montherlant (effrayant), Jules Romain, et avoir été élève de Louis Jouvet. Il a cité deux anecdotes. L'une d'elles le met en cause alors qu'il avait refusé de jouer une pièce qu'Anouilh lui avait lue. Le maitre avait soupiré qu'il en avait loupé la lecture puisque Galabru avait refusé de la jouer alors que la raison était purement alimentaire. Il est de notoriété publique que l'acteur a souvent fait des films pour pouvoir renflouer son porte-monnaie. La honte avouée d'Anouilh est probablement à entendre au second degré car il était maitre dans l'art de la dérision.

A Jean-Pierre Marielle, exprimant tout haut ce que les autres devaient ressentir tout bas, criant Vous me faites chier avec votre texte ! Jean Anouilh aurait répondu : Ecoutez, Marielle, finissez, reculottez-vous et revenez-nous vite.

La Nuit des rois de Shakespeare, mise en scène par Nicolas Briançon, sept fois nommée, était donnée favorite. Méfions-nous des pronostics : elle repartira avec deux. Tout à l'heure ce sera pour les lumières de Gaëlle de Malglaive (finalement ce sera la parité entre hommes et femmes, sur les nominations personnelles) mais pour l'instant c'est Mavolio, alias Henri Courseaux, qui emporte le premier, d'une courte tête sans doute sur son camarade de jeu Yves Pignot. Manifestement ému, il fait une boutade en estimant recevoir la preuve qu'il n'a pas loupé la première partie de sa vie, comme si la possession de la statuette équivalait pour d'autres à celle d'une montre de prestige ... encore une allusion présidentielle. Il forme naturellement le souhait de gagner le Molière du premier rôle d'ici les prochaines 66 autres années ... en continuant sa haute lutte contre l'arthrose. Il répète déjà le rôle du général dans La dame de chez Maxim au théâtre de Boulogne dans une mise en scène de Hervé Van der Meulen.(première le 6 mai)

L'annonce du Molière de la révélation théâtrale féminine a été acrobatique. Voici l'extrait-culte pour ceux qui ne l'ont pas encore vu :

Michel Drucker n'a pas pu s'empêcher de faire se lever les parents de la jeune comédienne (23 ans tout de même) ni de souligner qu'ils lui devaient d'avoir obtenu deux places dans la salle. On se serait cru sur le plateau de Vivement dimanche.

Catherine Bluwal, déjà moliérisée l'an dernier pour ses décors du Diable rouge, fut fort surprise d'en recevoir un nouveau pour ceux de la Serva Amorosa, deux spectacles de Christophe Lidon auquel elle rend hommage disant qu'il sait mieux que quiconque faire aboutir les idées. Michel Drucker agita la fibre familiale en faisant allusion au célèbre papa de Catherine mais c'est à son fils de 10 ans, Max, sa plus belle réussite, qu'elle dédie sa récompense.

L'annonce du Molière jeune public nous a été retransmis par un petit film tourné au théâtre de La Grande Ourse de Villeneuve-lès-Maguelone le 16 avril. Robin Renucci le décerne à Oh boy ! mise en scène Olivier Letellier, Théâtre du Phare. Cette histoire d'amour fraternel a été écrite par Marie-Aude Murail, célèbre auteure de littérature jeunesse.

Puis vint le temps d'un intermède musical fort délicieux avec un extrait d'un spectacle qui fut à l'affiche du théâtre de Chaillot l'hiver dernier, Cocorico, de Patrice Thibaud, interprété sur scène par Patrice Thibaud et au piano, Philippe Leygnac. La chance a voulu que j'ai pu trouver un petit morceau sur Internet pour vous le restituer ici :

Monsieur Gentil présente (3/5)
envoyé par telerama. - Plus de vidéos fun.

Nettement moins drôles pour le ministre furent les interventions de la troupe du théâtre du Soleil et du comédien Nicolas Bouchaud, au nom des intermittents et autres professionnels du spectacle, pour s'inquiéter des dangers qui menacent la création et les festivals, liés à la réforme des collectivités territoriales, à la prochaine suppression de la taxe professionnelle et à la révision générale des politiques publiques.

Frédéric Mitterrand a pris le micro pour affirmer n'être pas du tout d'accord et rappeler que sa porte était "toujours ouverte".

L'hommage traditionnel à celles et ceux qui nous ont quittés cette année a été accompagné par la superbe chanson de Jean Ferrat "Tu aurais pu vivre encore un peu". Le nom de nombreux artistes a été applaudi spontanément par la salle.

En 1995, Alain Françon, obéissant aux directives du SYNDEAC, n'était pas venu chercher le Molière du metteur en scène. Cette année il est monté sur scène avec une pensée pour Jean Paul Roussillon puisque c'est pour lui qu'il avait décidé de remonter la Cerisaie.

Eric Assous, Molière de l'auteur francophone vivant pour l'Illusion conjugale, s'est défendu de faire un beau discours, prétextant ne pas savoir improviser de belle réparties. Comment croire celui qui a aussi cosigné scénario et dialogues des Cinq doigts de la main (que Bruel vient de présenter au 20 heures, comme le monde est petit) ?

Jean-Claude Dreyfus interpréta l'Artiste. C'était une belle idée mais je ne ferai pas de commentaire à propos de la prestation qu'il nous a livrée, me contentant de vous offrir la version originale de Raymond Devos.

Raymond Devos - L'artiste
envoyé par ekx27. - Regardez plus de vidéos comiques.

Le spectacle des Molières continua avec la remise du Prix de la meilleure comédienne. Rude compétition dont Dominique Blanc sortit gagnante, pour son rôle dans "La Douleur", de Patrice Chéreau. La pièce ne devait être jouée que quelques soirs et finalement est restée longtemps à l'affiche. Elle lui vaut un joli cadeau d'anniversaire même si la comédienne, quatre fois césarisée, n'en est pas à son premier Molière, lequel lui fut remis en 1998 pour "Maison de poupée". Elle a félicité Laurent Terzieff, qui appartient à la catégorie de ces "êtres de lumière pour qui on choisit de faire ce métier".

Quelques statuettes plus tard et après des pensées émues en hommage à Jean Drucker, Jean-Louis et Madeleine Barrault, le Mime Marceau, Jean-Marie Serreau et Roger Blin ... la soirée se poursuivit dans les coursives où d'appétissantes préparations patientaient pour mieux séduire les convives.
Ce fut l'occasion de converser avec metteurs en scène, comédiens et comédiennes de ma connaissance, et de quelques autres aussi dans une ambiance décontractée et assez joyeuse.
Emmanuelle Devos signait de bonne grâce des autographes. Claire Nadeau n'en revenait pas de sa surprise et laissait soupeser la statuette à qui doutait de son poids. Irène Ajer, toujours préoccupée du bien-être de chacun commençait à s'inquiéter de l'audience ... un peu plus élevée malgré tout que l'an dernier. Mais comment rivaliser franchement avec les Experts sur la Une, un match de foot sur Canal ...

Le pari est emporté haut la main : il n'y a plus la moindre poussière sur les Molières. Cette 24 ème cérémonie, placée sous le signe du changement fut une très belle soirée.

On peut souffler les bougies -façon de parler puisque les smart candles scintillent sans flamme sur le bord du tapis rouge- et reprendre une activité normale, c'est-à-dire retourner au théâtre car celui-ci ne restera vivant que tant que les spectateurs se déplaceront en nombre.

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