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lundi 1 novembre 2010

Les soliloques de Mariette par Anne Danais au Petit Montparnasse

On peut être « petit » et accueillir de grandes comédiennes. Rappelez-vous au printemps dernier Hélène Vincent, nominée aux Molières pour son interprétation d’Alexandra David-Néel.

Emilie Dequenne était à ses côtés, et nous faisait découvrir la personnalité et l’importance de la place que sa bonne avait eue dans sa vie. Surnommée affectueusement Tortue, Marie-Madeleine Peyronnet a joué un rôle capital avant de prendre la direction de la Fondation David-Néel.

Le Petit Montparnasse programme de nouveau une pièce où le rôle de la bonne est primordial et où il est incarné là encore par une actrice formidable. La critique s’accorde unanimement pour saluer le travail d’Anne Danais. Et je m’incline tout autant.

Comédienne, poète, auteur-compositeur interprète, metteur en scène, Anne Danais assure la direction artistique de la Maison du Chat bleu créée en 2002, association loi 1901 à vocation culturelle en milieu rural qui crée et reçoit des spectacles : théâtre, poésie, lecture, musique, organise des stages de chant, de théâtre, … des expositions… un travail sur la mémoire locale… Elle est installée dans les murs de l'ancienne école du village des Garlopeaux à Saint-Savinien en Charente Maritime.

L’actrice a attendu d’avoir l’âge du rôle pour interpréter Mariette, l’employée de maison au service d’Ariane. Après avoir joué dans des cuisines, en appartement, fait des lectures, remporté un joli succès au festival d’Avignon l’année dernière, la rencontre avec Anne Quesemand a permis de concrétiser le spectacle.

J’avais manqué la rencontre avec Mariette quand j’ai lu il y a quelques années le livre d’Albert Cohen, paru chez Gallimard. La sublime Ariane, alias Belle du Seigneur, éclipse les autres femmes. Les apparitions de sa bonne m’avaient échappé.

Depuis que j’ai entendu Anne Danais je me suis replongée dans les 845 pages du livre pour vérifier si la comédienne n’avait pas inventé ses soliloques. Je ne suis sans doute pas la seule à avoir cherché à vérifier. Tout y est, à la virgule près. Et cette relecture est encore plus savoureuse après l'avoir entendu de vive voix. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de connaitre le texte original pour gouter ses paroles.

Albert Cohen a réussi à merveille à rendre la densité du caractère bien trempé de cette femme, qui porte à Ariane un amour quasi maternel mais jamais aveugle. Elle a un avis sur tout et ne se prive pas pour le dire à voix haute. A l’instar d’Annie Girardot dans un film qui est resté dans nos mémoires… Mariette cause :

J’aime bien discuter quand même je suis seule. Cà tient compagnie quand on travaille. (…) les proverbres c’est la connaissance des vieux.

Le fait est qu’elle s’est approprié les formules, battant l’ouvrage, faisant tiptop, de saribe en chilla, soupçonnant anguille sous cloche, puisque, nous le savons tous, l’amour est enfant de poème.

Elle s’exprime parfois avec sagesse. Souvent en maltraitant vigoureusement la syntaxe et enrichissant le lexique : la remplaceuse, la grande cachotteuse, la barbouillance, semblant faire peu de cas de sa dyxlexie (elle remplace la lette l par un r, ce qui donne mérancolie, térégramme), elle déroule le fil de sa pensée au petit bonheur et pour notre plaisir.

On la suit dans ses pérégrinations. Elle démontre ses compétences ménagères avec un talent qui séduirait n’importe quel recruteur. On s'attendrit de la voir exécuter les gestes familiers de nos grand-mères, comme briller l'argenterie, moudre le café. Ses commentaires font sourire. On rit aussi malgré qu’elle nous défend de le faire, rapport à que çà va la retarder. Voilà que sa façon de parler déteint et que l’accent des Deux-Sèvres de ses grands-parents maternels risquerait bien de se faufiler dans nos futures conversations.

Toutes les raisons sont bonnes pour aller voir et entendre Anne Danais sur scène, que ce soit par amour de la littérature ou du théâtre. On peut lire ou relire Albert Cohen avant ou après. Le plaisir sera égal. On souhaite à Mariette d’attendre le plus longtemps possible avant de prendre sa retraite !

Du mardi au samedi à 19 heures, dimanche à 15 heures au Petit Montparnasse, 31 rue de la Gaité, 75014 Paris, 01 43 22 77 74

Après Paris, elle ira à la rencontre des habitants de Saint-Julien-en-Born (40) le 29 janvier 2011, du public de La Coursive de La Rochelle (17) du 1er au 10 février , celui de l’ATP des Vosges d’Épinal (88) du 13 au 16 février, puis de Firminy (42) le 18.

Elle sera au Théâtre Alexandre Dumas (Saint-Germain-en-Laye - 78) le 8 mars , La Talaudière (42) le 29, et enfin les 22 et 23 avril 2011 à Montreal-de-L'Aude (11).

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