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dimanche 6 mai 2012

Les incontournables du plateau de fromages, ... un camembert peut-être, mais AOC

Le Festival des AOC a démarré avec des gazouillis d'oiseaux le samedi 28 avril. Ils n'ont pas empêché la pluie de tomber en fin de matinée. Sachez-le pour l'an prochain, des ateliers du goût, de l'information et de cuisine, et pour enfants sont programmés tout au long des deux journées et permettent aux festivaliers d'en apprendre davantage sur la question des AOC, à l'abri des intempéries et en toute convivialité. Je me répète, mais c'est si vrai ...

Le plateau de fromages est souvent le parent pauvre d'un bon repas. Noëlle Paolo, responsable des études consommateurs de la Collective des Produits laitiers nous a fait part au cours de la table-ronde du samedi matin de la tendance de présenter un fromage unique, mais beau. On peut espérer qu'il s'agisse alors d'un AOC.

Les producteurs ne doivent pas désespérer pour autant : la moitié des actes de consommation ont lieu à l'apéritif, ce qui réactive la question de la présentation. A ce titre l'exposition Design sur un plateau, proposée par la Milk Factory, et présentée dans la grange à Dîmes, pouvait donner de nouvelles idées. J'en ai retenu quelques-unes.
François Xavier Ballery emploie une boite carré, évoquant un bento japonais, qu'il nomme Cheeeeese ! avec humour. Son couvercle en ardoise permet d'inscrire les noms des fromages. C'est un sujet qui devrait faire débat dans les lycées hôteliers. Combien de fois déplore-ton la médiocrité du service des fromages, découpés presque à la tronçonneuse par des serveurs qui, au mieux, ne peuvent en donner que le nom, rarement la nature du lait, et encore moins les caractéristiques organoleptiques. Quand imaginera-ton l'équivalent du sommelier pour les fromages ?

Le designer y répond à sa manière avec une seconde proposition (non photographiée). Fromaj 2.0 possède, sur chaque couvercle, un code QR lisible par un smartphone et renvoyant vers la page « fromages » du site www.produits-laitiers.com. On peut y glaner des informations sur la provenance du fromage, des suggestions d’accord, des propositions de recette ou des commentaires nutritionnels, tout cela en diverses langues. Le fromage qui parle devient avec lui réalité.
Julie Rothhahn place cet ingrédient dans le registre de la dînette. Elle les dispose, un par un, sur des plaquettes ultra fines de sycomore ou de chêne découpées au laser. Le raffinement de l’ouvrage  se reflète sur les fromages, qui sont élevés au rang mérité de denrée d’épicerie fine, posés sur des ersatz de napperons de dentelle, joliment nommés 20g de bois. Ils deviennent alors l’égal des macarons ou des petits fours.
Un des deux "plateaux" de Stéphane Bureaux est un alignement de trois cloches de cristal, probablement inspirés par les coupes antiques et les cloches d’hôtellerie. J'y ai vu aussi un clin d'oeil aux cloches de murissement qui protègent la croissance des melons ou autres légumes. Une fois retournés, les verres peuvent recevoir des petits pains, des fruits secs ou des confitures pour agrémenter les fromages. Ils sont un compromis singulier entre le bibelot d’antiquaire et l’objet multifonctions. Son nom Broc ne manque pas d'humour.
En version unique, on peut opter pour un Neufchatel ou un "simple" camembert, souple, fondant, harmonieusement à coeur, offrant une légère pointe d’acidité, sous une croute savoureuse elle aussi, sans trop de force. Evidemment un camembert "de Normandie, AOC, moulé à la louche". Rien n'empêche de faire preuve d'imagination dans la présentation. Sur une grande dalle de carrelage, suivant une idée de Gérard Petit, Meilleur Ouvrier de France et formidable animateur de plusieurs ateliers du goût à Cambremer.


Quand je me "limite" à un seul fromage, je varie alors les accompagnements. Avec par exemple un fruit fruit, un confit, ici le "pomme et poire au pommeau" de Fauchon, un beurre de qualité, d'Isigny lui aussi, et un pain croustillant.

Que boire avec les fromages normands me direz-vous ? Un cidre, AOC bien sûr, je n'ai plus aucun doute sur cet accord depuis que je l'ai expérimenté. Et j'ai en mémoire la jolie formule que Félix Leclerc a écrite dans le Calepin d'un flâneur : chaque pomme est une fleur qui a connu l'amour ...

Ce n'est pas Dominique Hutin, journaliste à France Inter, animateur de l'émission "On va déguster", qui dira le contraire. Ardent défenseur du cidre du Cotentin, avouant un faible pour l'extra-brut. On devrait d'ailleurs parler de cette boisson au pluriel, comme on le fait des vins. Et la proposer en magnum pour l'entourer d'une valeur festive et susciter l'étonnement.

On pourra aussi expérimenter un cocktail à base de Calvados comme je le proposais il y a quelques jours. Le Calvados s'accorde parfaitement avec le Pont l'évêque.

Sans les AOC nos campagnes perdraient la variété de leurs paysages qui s'uniformiseraient sur une forêt unique. Les consommer revient donc à un acte politique et écologique. Puisque AOC comme AOP rendent l'économie indélocalisable.

En version multiple on suit les conseils d'un spécialiste comme Gérard Petit. Il n'a pas son pareil pour pulvériser la légende attribuant l'invention du camembert par une certaine Marie Harel dont il nous apprend qu'il s'agissait de faire plaisir à un américain dans les années 1920.

Il démystifie également les conditions d'affinage de nos ancêtres qui faisaient sécher les fromages dans des greniers ventilés, jusqu'à deux années entières. Ils n'hésitaient pas à les redescendre ensuite en cave humide 2-3 mois pour leur redonner bonne mine. Il ne faut pas oublier que le fromage était avant tout un moyen de conserver le lait.


Il nous a expliqué aussi que le lait cru actuel était moins chargé en bactéries que le lait pasteurisé d'il y a 35 ans et qu'il était par conséquent aberrant d'en avoir peur. Il nous a alerté sur les crottins faits à Chavignol avec du caillé importé du Chili, ou sur les camemberts moulés en Normandie avec du lait venant de Pologne. Il nous a appris que l'AOC Pont l'Evêque comportait quatre formes différentes. Il a pointé les différences entre brie de Meaux et de Melun, me donnant envie de servir ce dernier sur mon plateau.

Il connait tous les fromages. Ses avis avisés ont pimentés l'atelier sur les fromages AOP et vins AOC d'Auvergne animé par Véronique Hucault.
Si on peut considérer qu'un Chardonnay fera merveille sur un Cantal ou un Salers, par contre le coté fruité et épicé d'un Cote d'Auvergne de Boudes, rouge, résultant d'un assemblage de gamay et de pinot, conviendra très bien à un Saint-Nectaire.
En fin de journée Gérard Petit  a composé pour chaque participant un assortiment avec lequel chacun est reparti se régaler en famille. Voici celui qu'il a offert à mon voisin, surpris par la largesse des portions.
Vous ne serez pas étonné d'apprendre après çà que les cantines scolaires vont bénéficier elles aussi de la Fête du "Bien manger en Normandie" du 21 au 25 mai 2012 !

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