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mardi 11 septembre 2012

Después de Lucia (Après Lucia) et quelques autres films en compétition au Festival Paysages de cinéastes


(mise à jour le 19 septembre 2012)

Je ne vais pas pouvoir chroniquer chacun des films en compétition au Festival paysages de cinéastes. Non seulement par manque de temps (puisque je me suis fixée pour règle de ne pas publier plus d'un billet quotidien, alors forcément quand j'enchaine 2 ou 3 long-métrages ...) mais surtout par insuffisance de courage en quelque sorte. Il y a tellement de violence dans les films en compétition que j'en viendrais presque à bouder le cinéma.

C'est pourtant Despues de Lucia, (Après Lucia), un film particulièrement difficile sur le thème du harcèlement à l'école, que j'ai envie de mettre en avant aujourd'hui. Il a provoqué une discussion soutenue parmi les spectateurs après la projection, une bonne heure durant, sur le parvis extérieur du cinéma pour ne pas risquer de nous faire enfermer toute la nuit. Ce film appartient à la catégorie des chefs d'oeuvre à ne pas manquer.

Le réalisateur, Michel Franco, a l'art de filmer la violence sans la montrer de manière frontale. Et même si le film a été interdit à juste titre aux moins de 12 ans (la commission de classement a visionné le film ce soir en même temps que le public du festival) il n'y a aucune scène gratuitement choquante.

Les dialogues sont très réduits, signifiant combien la communication manque entre les protagonistes, et offrant là une clé pour comprendre comment un tel engrenage peut se produire. Car, et c'est là toute la force du film, ce n'est pas parce que l'histoire se situe au Mexique et dans un contexte particulier (une jeune fille vient de perdre sa mère et s'en trouve fragilisée) qu'il faut se voiler la face. Des situations de harcèlement dans les collèges et les lycées de "nos" quartiers existent bel et bien. Le risque est donc présent.

Après son premier long-métrage Daniel y Ana, l’histoire vraie et tragique du kidnapping d’un frère et d’une sœur dans laquelle il abordait avec beaucoup de pudeur des sujets sensibles tels que le viol, l’inceste et la pornographie clandestine, le cinéaste poursuit dans un registre social.

Después de Lucia raconte l’histoire de Roberto (Hernán Mendoza), dépressif, miné par la perte de sa femme, Lucia, après un accident de voiture. Il décide alors d’aller s’installer à Mexico avec sa fille Alejandra (Tessa Ia), 15 ans. Un nouveau départ qui s’avère des plus délicats pour la jeune adolescente. Jolie, brillante, elle devient vite la cible de ses camarades de classe. Humiliée, harcelée moralement et sexuellement, Alejandra choisit pourtant de dissimuler ses souffrances, afin de ne pas accabler son père. La violence s’immisce alors peu à peu dans chaque recoin de son quotidien.

Difficile d'admettre de notre point de vue d'adulte pourquoi Alejandra va devenir une proie, un bouc émissaire auprès de ses "camarades". On oublie combien l'homme est un loup pour l'homme ... et pourtant il suffit de regarder le journal télévisé pour voir qu'on vit dans un monde de sauvages. Les films en compétition nous le rappellent. Que ce soit Sous la ville, d'Agnieska Holland, avec ce terrible coup de revolver d'un officier allemand pendant la seconde guerre mondiale dans la tête d'un prisonnier qui, une fois mort n'aura plus besoin de sa casquette, Une famille respectable de Massoud Bakhshi, témoignant des atrocités que vivent les iraniens, La pirogue de Moussa Toure, dédiée aux 5000 émigrés africains qui ont péri en mer, Les voisins de Dieu de Meni Yaesh, montrant le fanatisme religieux dans un autre pays, et même Royal Affair de Nikolaj Arcel, nous éclairant sur un épisode de l'histoire du Danemark où un médecin idéaliste impose l'avancée du siècle des Lumières bien avant la Révolution française, au péril de sa vie cependant.

Les films de la carte blanche ne sont pas moins tendres. J'y reviendrai dans les prochains jours. Après Lucia n'est ni un film documentaire, ni un film historique. C'est une fiction et qui n'expose pas les spectateurs à des plans insoutenables. De simples bruits de pas sur le générique amènent le spectateur à deviner quelqu’un derrière la vitre. Les scènes les plus brutales se déroulent hors champ. La lumière est souvent magnifique et la comédienne, qui n'est pas encore professionnelle, est admirablement dirigée.

Il faut encourager les chefs d'établissement à le projeter aux élèves, avec un accompagnement et une discussion ensuite. Cela n'évitera peut-être pas les manifestations de "bullying", selon le terme qui désigne le harcèlement scolaire et qui se cache parfois derrière des jeux apparemment inoffensifs dissimulant de gros enjeux de pouvoirs mais cela peut contribuer à les limiter.

On a cherché à comprendre le pourquoi du comment de la tragédie, en analysant les conséquences de la culpabilité de la jeune fille liée à la mort de sa mère, la dépression du père, ses tentatives pour l'aider en allant expliquer à ses employés comment travailler avec lui, l'argent facile des jeunes riches désoeuvrés. Mais le plus important à garder à l'esprit est qu'on a tous un rôle à remplir pour aider les jeunes victimes à sortir de l'enfermement du silence. Il faut rappeler aux adultes qu'il n'y a rien de pire que la démission, l'aveuglement, le laisser-faire.

Le jury a décidé d'attribuer à ce film important le Prix de la photo. Parce que l’image est en cohérence constante au propos du film et que le travail sur le cadre est, comme je l'ai souligné, très signifiant. N'oublions pas enfin, même si cela peut sembler anecdotique que Lucia signifie lumière ...

Después de Lucia de Michel Franco, avec Tessa Ia, Hernán Mendoza… Mexique, 2012. Prix Un Certain Regard du 65e Festival de Cannes.
Pour relire les billets consacrés aux précédentes éditions du festival c'est ici
Et pour tout savoir de la 11 ème édition, horaires et programme du Festival : Le Rex, 364 avenue de la Division-Leclerc, 92290 Châtenay-Malabry - Renseignements : 01.40.83.19.81 Site du Rex : http://cinema.lerex.free.fr/.

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