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samedi 13 octobre 2012

Masterchef, une cuisine qui semble en dehors des réalités


Est-il si nécessaire de disposer un garde-manger pléthorique pour cuisiner bon ? Les mêmes chefs qui publient des livres de recettes sobrement intitulés "La cuisine du placard" ou quelque chose du style "Mes meilleures tartines pour vos dîners de prestige" animent des émissions de plus en plus choquantes. En sont-ils totalement responsables ? Pas sûr ...

J'entendais au journal télévisé que près de 40% de la nourriture produite mondialement était purement et simplement jetée. Il me semble que Masterchef, sans doute pour exploser l'audimat, pulvérise la statistique. Ce doit être au moins 80% des produits proposés qui partent directement à la poubelle. Quant aux plats réalisés par les candidats, les animateurs en goutent quelques cuillerées et hop, les voilà bons à jeter. Impossible qu'il en soit autrement quand on les voit plonger les mêmes cuillères plusieurs fois au mépris des plus élémentaires règles d'hygiène.

Qu'on ne me dise pas que j'exagère. J'ai tourné dans une de ces émissions culinaires, certes plus modeste puisqu'il s'agissait de Coté Cuisine et que nous n'étions pas en compétition. Mais j'ai de mes yeux vus le sauté de veau comme en Provence (issu d'un veau élevé sous la mère, de la manière la plus biologique qui soit et dont je n'oserais révéler le prix de vente au kilo) glisser dans la corbeille après le tournage plus vite qu'un ballon ovale marquant un essai. Je n'ai pas eu le réflexe de le plaquer, le rôti, avant qu'il ne disparaisse. Jamais je n'aurais imaginé ressentir la faim en fin de tournage d'une émission culinaire. La "prod" n'avait pas prévu de nourrir les candidats. Qu'on se rassure, j'ai finalement été "intégrée" à la table des techniciens aux alentours de 14 heures.

Revenons à Masterchef car, pour écrire ce billet, je me documente ... il paraitrait que le Secours populaire profite largement de ce qui n'est pas utilisé. A affirmer alors.

Est-il nécessaire de se poser en plein désert pour témoigner qu'on sait faire un couscous ? De se trouver au pied des chutes du Niagara pour imaginer une recette à base de sirop d'érable ? Vous trouverez sur le blog un pain à la banane, au sirop d'érable et aux noix de pecan qui est sorti tout droit de ma modeste demeure.

J'avais imaginé des plats inspirés d'un voyage très ancien en Louisiane sans y retourner. Le blog avait deux mois. J'ose espérer que je me suis améliorée depuis, mais au moins n'ai-je pas explosé le bilan de mon empreinte carbone ce jour-là.

Reste à espérer qu'on ne trouvera pas de torchons gras derrière leur passage.

Si les animateurs ont envie de faire de beaux voyages qu'ils postulent pour Echappées belles ... ou qu'ils s'associent avec Koh-Lanta, qui est diffusé par la même chaine, pour réaliser les épreuves de confort, histoire que les sportifs de l'une mangent enfin correctement grâce aux exploits de l'autre.

A l'heure où on nous serine développement durable à tout propos je trouve cette télé-réalité de plus en plus indécente et de moins en moins ... réelle, à tous les niveaux. Certes on a raison d'attendre de candidats concourant au titre de Maitre d'exécuter une découpe de volaille soignée et régulière. Je croyais que c'était de l'ordre du B.A. BA. Et je ne me sens pas surdouée de savoir le faire ....

Yves Camdeborde fait une judicieuse remarque en prévenant que des morceaux irréguliers composeront un plat marqué par une cuisson irrégulière. Mais c'est précisément cette fantaisie en bouche que j'apprécie. Quand la langue a des surprises c'est formidable. Et puis la perfection est une offense au Tout puissant.

Les candidats sont confrontés à un challenge délicat : user de créativité, réaliser des plats qui s'inspirent du "minéral", rester dans la simplicité, mais poser une assiette dominée par la sophistication. Voilà pourquoi j'ai choisi d'illustrer le billet en commençant par un brin de menthe fraiche, ce qui devrait satisfaire les papilles de Fréderic Anton qui fait si souvent, et à juste titre, les mérites des plantes aromatiques.

Quand Sébastien Demorand fait la moue et recrache la moitié du dessert que Pierre propose on s'attend à ce qu'il soit éliminé. C'est lui qui est choisi à l'issue de l'épreuve sous pression l'opposant à Christelle et je me dis que la course est truquée. Je suis loin d'être la seule à le penser. Il suffit de lire les commentaires publiés sur le site de l'émission. Au  moins on ne dira pas qu'il y a censure des avis.

Etant plutôt du genre exploratrice, et cherchant à comprendre, je vais jusqu'à visionner la délibération correspondante sur le site de TF1 qui m'éclaire et me réconcilie avec le jury. Le travers est ailleurs, dans le montage, et c'est bien regrettable car le téléspectateur moyen conclura qu'il y a triche.

La candidate qui avale son éviction en remerciant nous ferait croire que les départs sont filmés d'avance pour chacun, histoire d'avoir les bonnes images pour le montage.

Quand Ludovic s'absente 10 minutes, revient, et termine dans les temps on se réjouit que le casting n'ait pas loupé ce bioman capable de rattraper le temps.

Quand il présente une entrée (magnifique au demeurant) dans un demi-concombre évidé qu'il avoue immangeable sans subir l'élimination on se demande comment ou pourquoi on est si indulgent à son égard.

Quand il oublie systématiquement de saler ses plats et qu'il parvient malgré tout à continuer à gravir les marches de la mezzanine conduisant à l'émission suivante on s'énerverait de constater qu'une telle faute soit systématiquement pardonnée. A croire qu'il a des qualités télégéniques personnelles plus appréciables que sa compétence culinaire.
Comment ne pas douter qu'on nous ment sur le timing ? Il faudrait être une petite souris dans les coulisses de l'émission pour vérifier l'exactitude. Après tout on s'en moque de savoir qu'un plat a été réalisé en une demi-heure, une heure ou deux. L'important est que tous aient disposé du même chrono. Et que ce soit bon ! Comme cette salade de fruits associant fraises et pêches ... et brins de sauge ananas sous un trait de Limoncello.

Et puis ils se piègent eux-mêmes, s'interdisant toute une série de plats : le gigot de 8 heures, les pâtes levées, et même la cuisson de certains légumes, comme les betteraves, incomparables quand on les prépare soi-même (une heure dans une eau vinaigrée en autocuiseur et vous m'en donnerez des nouvelles).

Il serait grand temps de revoir l'équilibre de l'émission et son assaisonnement par le menu, c'est-à-dire d'en reprendre le script pour rendre les images cohérentes avec les dialogues, faute de quoi le téléspectateur partira, victime au mieux d'une indigestion, au pire d'une intoxication.

Dès la présentation des candidats on a remarqué un casting parfait en terme d'âges, de répartition socio-culturelles, de tempéraments, et nous n'avons pas besoin de parier gros pour savoir qui va gagner cette année. Alors, comme le dit PPD à la fin des Guignols : il est temps d'éteindre votre télévision et de reprendre une vie normale. A tchao bonsoir.

2 commentaires:

Clemence a dit…

Coucou,
Pour info, les produits non utilisés dans l'émission sont donnés au secours populaire... ce qui n'enlève en rien à la nécessité de réduire à tout pris le gaspillage !

Marie-Claire Poirier a dit…

Mais je l'écris dans le corps de l'article ... en regrettant que ce ne soit pas dit au cours de l'émission parce que cela aurait un effet positif.

Et malgré tout, comme tu le soulignes toi-même il y a beaucoup de gaspillage : il n'y a qu'à regarder les plans de travail des candidats.

On devrait suggérer pour la prochaine saison un épisode-bonus : et avec les poubelles de Masterchef on vous concocte un repas gastronomique ... dans l'esprit des légumes au curry qui ont eu un grand succès à Paris il y a quelques jours.

Merci de ta remarque.

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