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vendredi 19 avril 2013

Je cuisine asiatique avec ce que j'ai

(mis à jour le 2 août 2013)
Cela faisait un moment que j'avais envie de saveurs asiatiques. L'éventail des produits japonais repérés à Omnivore avait excité ma curiosité. Le coriandre vietnamien acquis à Saint-Jean-de-Beauregard se développait dans ma jardinière et je pouvais commencer à prélever des feuilles.

J'avais à ma disposition le superbe livre Indochine, les Meilleures recettes d'Asie rassemblées par Stéphan Lagorce, et même le livre de  Kirita Gallois, les Recettes du Cambodge. C'est ce qui s'appelle avoir du choix. Je ne savais plus avec quoi commencer. J'ai été tirée d'embarras quand on m'a donné de la sauce soja sucrée de Tanoshi.
Je me suis souvenue que j'avais dans le frigo des boulettes de viande, qui ressemblent d'ailleurs davantage à des tranches de saucisson qu'à des boulettes et j'ai eu envie de les cuisiner ... enfin ... La DLC était dépassée de 9 jours, était-ce bien raisonnable ?

Mikael Jonsson, le désormais célèbre chef londonien du Hedone, rencontré à Omnivore, emploie du boeuf de 90 jours alors je me dis que ce ne sont pas 9 "petits" jours qui seront catastrophiques. Et j'ai confiance dans la marque de mes boulettes puisqu'il s'agit de Charal dont je connais la qualité. J'estime néanmoins prudent de mariner la viande avant.

Je ne suis pas en train de vous recommander de m'imiter. Je vous raconte juste la vérité en vous rassurant illico : personne n'a été intoxiqué.

J'ai fait un Lok Lak à ma façon.  Stéphan Lagorce fait mariner sa viande (p. 168) au moins une heure j'ai limité à 30 minutes en suivant le conseil de Anne Sophie Pic, qui recommande de ne pas dépasser une demi-heure sinon la viande deviendrait trop salée. C'est d'ailleurs ce que fait Kirita (p. 58).

L'un comme l'autre utilise des citrons.  J'étais en rupture. j'ai appliqué le raisonnement de Picasso qui mettait du rouge lorsqu'il n'avait pas de bleu. A défaut de citron, l'orange fera l'affaire. Je me suis souvenue d'avoir oublié dans un placard un flacon "d'ail dans sauce soja", dont Benjamin Darnaud, ex candidat de Top chef m'avait vanté la saveur, à condition d'attendre au moins un mois. .Six mois plus tard il était temps de l'expérimenter.

La marinade fut une alliance de la sauce soja sucrée, avec ma sauce soja ail, du sel vanillé, du poivre, de la moutarde d'Orléans au ketchup, des échalotes émincées, du vinaigre balsamique, un jus orange pressée, une cuillerée d'huile d'olive, le tout dans des proportions raisonnables, c'est à dire à vue d'oeil, comme dirait le chef norvégien Christopher Aarvik dont je vous parlerai bientôt (sa Cuisine à ciel ouvert sera diffusée sur Cuisine + à partir du 6 mai).

Pour patienter pendant une demi-heure, j'avais, heureuse initiative, des crackers au wasabi, histoire d'être déjà dans l'ambiance, et une bière ... parfumée, au goût de griotte, très intéressante servie on the rocks, d'autant que les glaçons dynamisent la production de mousse.

J'obtiens mes glaçons en recyclant un emballage de bouchées de chocolat. les formes sont plus jolies et le démoulage est encore plus aisé qu'avec un moule en silicone.
Une demi- heure plus tard,  j'égoutte et je fais frire au wok. Je fais réduire la sauce, et j'ajoute le coriandre vietnamien émincé.

J'avais un reste de riz providentiel. Nouvelle hésitation sur le dressage. dans un bol à la manière de Kirita ? Anne-Sophie Pic aurait opté pour des brochettes. Il y eut les deux modes. Des pousses de bambou sont venues en alternance entre les boulettes sur les brochettes.

Et si je n'avais pas de riz ? Nous nous serions tout aussi bien satisfait de pâtes.

J'ignore ce que Kirita Gallois aurait pensé de ma manière de faire. J'ai respecté la règle d'or qu'elle met en avant : trouver dans chaque plat les trois saveurs: sucré, salé et acide. Je manque de références gustatives pour me rendre compte de l'écart entre le plat traditionnel et ma version.
Je me doute néanmoins que je ne devrais pas me vanter et je me promets d'aller juger sur pièces et sur place dans son restaurant. Parce que si le Cambodge est bien son pays d'origine c'est avant tout en référence au nom de son restaurant qu'elle a choisi cet intitulé pour son livre.

La jeune femme est ultra modeste. L'adresse ne figure pas dans le livre mais très sobrement sur la jaquette qu'il ne faudrait pas perdre ...  : 10 avenue Richerand, 75010 Paris. Et si par mégarde il était complet vous pourrez toujours aller voir du coté du 20 rue Alibert, dans le même arrondissement. c'est là qu'elle a ouvert un deuxième restaurant, le Petit Cambodge, qui lui a permis d'élargir sa carte et de proposer de nouvelles spécialités.

Le Bo Bun (p. 68) est un des plats qui ont fait son succès. Elle avoue elle-même avoir composé avec la tradition en inventant une version végétarienne. Je me suis lancée dans cette aventure quelques jours plus tard.
On commence par cuire les nouilles de riz en versant une grande quantité d'eau bouillante sur les nouilles dans un saladier. Elles vont devenir très blanches. On égoutte et rince à l'eau froide 4 minutes plus tard.

Pendant ce temps on fait caraméliser un oignon émincé dans une cuillerée à soupe de sucre, autant de sauce de poisson et de glutamate (l'emploi de cet ingrédient n'est pas indispensable, Kirita souligne par deux fois que l'on peut s'en passer. Il faudra donc éclaircir son intérêt à la première occasion).

En théorie on servira avec des légumes croquants mais des panais, des navets et des carottes braisés ont fait l'affaire, avec le reste de pousses de bambou.
Dans un grand bol j'ai disposé des feuilles de salade et le coriandre ciselé. La menthe n'était pas encore assez haute pour être coupée. La ciboulette est venue en substitution (toujours selon le principe de Picasso), puis les nouilles, les légumes ...
... pas de cacahuètes sous la main, je mets des noisettes.

Et le dessert ? On ne peut pas dire qu'on ait de vastes possibilités. c'est ... tapioca ... ou tapioca ...

J'ignore pourquoi ma grand-mère en faisait souvent. Chez elle c'était en soupe que l'on découvrait les petits yeux. Je n'en étais pas "fan" parce que cela manque de goût. A tout prendre je préfère les perles du Japon, qui sont elles aussi à base de manioc, mais plus grosses. La texture compense à mon avis la fadeur.

Etant de bonne composition je me risque à travailler en dessert. Kirita le fait systématiquement tremper une heure dans l'eau froide. Une chose de plus à éclaircir. Sa recette préconise (p. 78) 30 grammes de tapioca 1 heure dans l'eau froide.
On fait cuire 8 minutes à l'eau bouillante sucrée de 20 grammes de sucre. On sert avec des lamelles de fruits du jacquier et on arrose de lait de coco froid.

Vous commencez à me connaitre : les choses ne se sont pas passée exactement de cette façon. Ma première erreur, je dis bien erreur parce que je n'avais pas compris le mode opératoire, fut d'égoutter le tapioca une fois cuit, croyant en toute bonne foi qu'on avait omis cette étape dans l'écriture de la recette (il n'était pas mentionné qu'il fallait égoutter après trempage alors que là c'était obligatoire).

Seconde erreur j'avais cuit dans une "certaine" quantité d'eau bouillante ... puisque je pensais égoutter. On distinguait plus le tapioca dans l'eau. Il s'était comme dissous. Et je n'ai jamais réussi à extraire l'eau. Le dessert n'avait pas grand goût.

Je n'avais pas de fruits du jacquier mais ce n'était pas très grave de remplacer par de la mangue et des kiwis.
Ne voulant pas rester sur un échec, même relatif, j'ai récidivé le lendemain en respectant les proportions. La photo témoigne d'un progrès. La compote de pommes ne s'effondre pas dans le verre et j'ai renforcé les arômes en ayant versé un peu de miel dans le fond.

Autant je peux improviser à partir des ingrédients que je connais bien parce que je sais "depuis toujours" comment les associer, autant le résultat n'est pas à la hauteur de mes espérances quand ce sont des produits inhabituels. J'ai une marge de progrès conséquente ...
Je ne dirai pas que je me suis régalée davantage à la seconde tentative. Mais j'étais prête à changer d'avis en dégustant celui que prépare Kirita. J'ai donc profité d'aller au théâtre un soir pas très loin du Cambodge pour y faire une halte. La cuisine y est réellement très savoureuse, pour un prix très très raisonnable (j'ai dîné pour 15 € c'est imbattable). J'avais apporté le livre avec moi pour m'aider à choisir sur la carte et noter les conseils de la spécialiste.
Je me suis arrêtée sur le Bo Bun végétarien, copieux et parfumé. Rien à voir avec le mien.

J'ai poursuivi avec un dessert au tapioca qui a confirmé mes "soupçons". Il est fait à base de perles du Japon et non le tapioca qu'on trouve sous la célèbre marque bretonne qui commence par un T. Il vaut mieux le savoir. Néanmoins je ne jette pas la perle à Kirita parce que j'ai vérifié en cuisine (c'est fou ce qu'on est gentil dans ce restaurant) et la mention tapioca figure sur le sachet. De toutes façons tapioca comme perles du Japon sont à 100% du manioc mais le rendu n'a rien à voir.
A savoir aussi, Kirita cuisine le midi et c'est sa maman qui officie le soir. Bravo Madame !
J'aime l'ambiance du Cambodge, tout près du canal Saint-Martin, dans une avenue qui a le calme d'une rue et qui est le premier restaurant ouvert dans le quartier. Mais s'il affiche complet vous pouvez risquer votre chance au Petit Cambodge, une rue plus loin. C'est la même carte, dans un décor disons plus moderne. J'y suis retournée dîner en août 2013. Quand c'est bon, on est fidèle. La lumière était meilleure pour prendre des photos. Vous allez saliver ...
Indochine de Luke Nguyen, Hachette pratique, octobre 2012
Le Cambodge, les Recettes du restaurant, de Kirita Gallois, Hachette cuisine, collection Eat Place, février 2013
Les Meilleures recettes d'Asie de Stéphan Lagorce, Hachette cuisine, mars 2013
Le Cambodge, 10 avenue Richerand, et le Petit Cambodge, 20 rue Alibert, tous deux dans le 10° arrondissement.

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