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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

jeudi 25 avril 2013

Voyager en Australie sans décalage horaire


Le décalage ... car il y a forcément un fossé culturel à franchir quand on s'aventure dans une autre contrée que sa terre natale sera gustatif. Et de taille. Je suis partagée entre la critique et la tolérance tant  les différences sont énormes.

Je sens malgré tout que je n'aurai pas pour Alison Thompson la même indulgence que celle que m'avait inspiré Katie qui a le mérite de cuisiner savamment rétro. Toutes deux australiennes, leurs associations culinaires se situent à l'antipode de notre art de manger.

La pâtisserie australienne est riche en matières grasses et en sucres de toutes catégories. Pour une fois, je parle d'un livre dont je n'ai testé aucune recette. Disons que je vais attendre un peu pour me lancer... les commentaires des uns et des autres me décideront sans doute. Je n'ai rien lu nulle part au sujet de ce livre. Et puis, pour le moment, j'ai d'autres urgences et d'autres motivations à être téméraire.

Ne vous laissez pas abuser par le titre : 180°, 200 recettes au four. La température requise pourra être de 160° ou de 200°. Il conviendra donc de lire jusqu'au bout avant de mettre le four en préchauffage. L'auteure est honnête : cela fait partie de ses conseils, tout comme celui de suivre la recette à la lettre la première fois avant de prendre des notes sur les changements que l'on voudrait lui apporter. Lit-elle dans mes pensées ?

Au cas où cela vous échapperait j'insiste sur la température du four, qui est celle d'un appareil à air pulsé. Arrêtez-vous à ses techniques de pâtisserie (p.3 et suivantes). C'est le genre de chose que l'on zappe un peu trop vite en perdant l'occasion de réviser ses bases et même d'en apprendre davantage, par exemple sur la conservation des gâteaux, pains et brioches congelés, celle des oeufs (on peu congeler les blancs mais pas les jaunes) ou le tempérage du chocolat.

J'ai retenu l'astuce consistant à prendre une passoire pour fariner et uniformément son plan de travail et de l'huile en vaporisateur pour graisser les plats. J'ai appris que la farine avec levure incorporée est une farine avec de la poudre à lever dans les proportions de 2 cuillerées à café de poudre pour 150 grammes de farine.

Par contre j'ai repéré des incohérences. Alison prévient que ses recettes sont élaborées avec des oeufs de 60 grammes mais elle annonce un poids de 50 grammes sur la page "bon à savoir" (p.14). La table des matières est un peu désordonnée. Pourquoi un chapitre "Desserts au four" (p.293) puisque tout est cuit dans cet appareil ?

L'honnêteté me pouse à attribuer quelques bons points. Alison rend au Limousin la paternité du clafoutis (p.301), allant jusqu'à préciser qu'on le désigne là-bas sous le nom de "milliard". J'ai un doute sur sa version ayant recours à la noix de coco et l'intérêt de casser 10 oeufs. C'est beaucoup pour un dessert rustique. On retrouvera aussi la noix de coco sur le crumble. Pas de doute que les Australiens aiment cette noix.

J'ai appris que la Pavlova n'avait pas été inventée en Russie mais en Australie, certes en l'honneur d'une ballerine russe voyageant jusqu'à la Nouvelle-Zélande (p. 305). Nouvelle surprise en découvrant du vinaigre blanc parmi les ingrédients de la meringue. Je guette la réaction de Dorian dont c'est le dessert fétiche.

Son pudding au citron (p. 309) est surprenant lui aussi puisqu'il est sans raisin de Corinthe, graisse de rognon de boeuf ni pain ou gâteau rassis. Le pain perdu au four (p.321) ou le gâteau au pain (p. 332) sont plus proches de l'idée que je me fais du pudding.

Et que dire de ses Florentins (p. 274) que je n'avais jamais vus sous cet angle. Pour être du revisité c'est du revisité.

Ensuite, c'est la rubrique "Gâteaux" (p.323) qui m'a étonnée. En quoi seraient-ils différents des desserts au four ? Le mystère est vite levé : à de très rares exceptions l'intitulé comporte systématiquement le mot "gâteau"

On y trouve le quatre-quarts, plutôt classique, quoique recouvert d'un glaçage, le gâteau à l'abricot au streusel, à la banane et à la crème au beurre ... chacun est surmonté d'un topping, ganache, crème au mascarpone ou autre combinaison du même acabit.

Le livre est lourd, plus d'un kilo, et les pâtisseries sont à son image. Le moelleux aux dattes et à la sauce caramel (p. 318) est un peu trop généreux. Mais d'une certaine manière je suis attendrie par la mollesse de ces énormes gâteaux à étages, richement fourrés et tartinés. A cet égard le Lamington (p. 367) m'a semblé emblématique.

Je salue la compilation de quelques recettes originales comme les gâteaux à la courgette (p.335) que l'on a vu fleurir sur tant de blogs l'été dernier et qui ont étonné plus d'un convive lors de ces pique-nique où les bloggeurs aiment se retrouver. Je en suis pas convaincue par la liste des ingrédients. Il faut mélanger du bicarbonate et de la poudre à lever, des germes de blé et des cacahuètes pilées, du sucre en poudre et de la cassonade (500 grammes de sucre au total pour 375 grammes de farine on glisse dans le cinq-quarts) ... sans parler du quart de litre d'huile végétale. Je vais attendre que quelqu'un se lance avant moi dans l'aventure.

Arrivent ensuite les cakes où là je me suis carrément perdue (p.347 et suivantes). Comment choisir entre le cake aux fruits "absolument sublime" de l'arrière grand-mère, "l'enchantement" du cake aux fruits et à l'ananas de la maman, et la version sans gluten "incomparable" de la page 417 ? Les photos se ressemblent tellement qu'on les dirait sorties du même moule.

Autre interrogation avec le gâteau aux carottes, visuellement identique page 352 et 409. Si j'ai bien compris qu'il y avait la version "normale" et celle sans gluten j'aurais aimé qu'on explique en quoi cela modifie autant les proportions de sucre, de raisin et de carotte. Je ne peux pas me déterminer entre les deux, d'autant que je ne sais pas à quoi pense Alison quand elle suggère l'emploi de "farine blanche sans gluten"... 

Les biscuits et bouchées rassemblent des surprises alléchantes. Je me lancerai bien dans une fournée de Lavash (p. 226)vpour un prochain apéro histoire de changer des gressinis. J'ai été amusée par les Anzacs (p. 238), acronyme d'Australian and New Zealand Army Corps, unissant des soldats qui combattirent les Turcs pendant la Première Guerre mondiale. Ces gâteaux étaient censés leur rappeler la douceurs de leur patrie. Je l'aurais parié ... il y a de la noix de coco dedans.

Si la mélasse ne vous effraie pas, risquez vous dans les Brandy snaps (p. 261), version australienne des cigarettes russes. Et puisque vous avez renoncé à compter les calories, poursuivez avec un Panforte au chocolat (p. 265) ... et au miel, à la cannelle, aux figues et aux amandes ... Ou pourquoi pas un Garibaldi (p.266) qui serait un gâteau de régime, enfin tout est relatif.

J'ai retenu la Babka au chocolat et aux noisettes qui rappelle la Pologne (p. 208) et je passe sur la tarte aux noix et au caramel, à la mélasse, ou à la citrouille. Au final cette promenade parmi les recettes préférées d'enfance, de la famille et des proches d'Alison Thompson m'a plutôt réjouie et bien fait voyager.

Voilà un livre qui serait fort utile aux 17 candidats français en lice pour le "meilleur job du monde". En effet l'Australie offre cette année 6 emplois dans le tourisme à qui saura le mieux faire la démonstration qu'il connait le pays par coeur et qu'il est prêt à le défendre becs et ongles. Le jury s'attendant à être bluffé a donné pour seule contrainte : the sky is the limit .

180°C – 200 recettes au four d'Alison Thompson , Photographies : Adrian Lander, Hachette cuisine, Février 2013, Prix : 29,90 €

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