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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

samedi 8 juin 2013

Alice au Potager des Merveilles en création à Versailles

J'ai adoré réentendre les Fables de la Fontaine dans le Parc de Sceaux il y a 15 jours. J'attendais avec impatience la nouvelle mise en scène de Stéphanie Tesson, cette fois au Potager du Roi de Versailles. La jeune femme en est une fidèle habituée. Cela fait dix ans qu'elle s'y installe dans le cadre du Mois Molière avec Phénomène et Cie.

Cette année le nouveau spectacle-promenade propose un double circuit. Le premier, accessible à tous s'intitule Alice au potager des Merveilles. Le second est réservé à un public plus adulte et plus connaisseur avec le titre d'Alice à l'envers.

On peut enchainer les deux, dans l'ordre que l'on veut, sachant qu'alors on bénéficie du tarif réduit pour le second. J'aurais bien suivi les deux prestations mais je m'estime déjà heureuse d'avoir pu en voir une, dans des conditions assez spéciales puisque nous fûmes reclus sous la serre, pour cause de terrible orage.

Il fallait voir la densité des nuages bleu-noir qui se rapprochaient doucement. Stéphanie, juchée sur le diable qui permet aux jardiniers de déplacer plusieurs bacs à la fois, scrutait le ciel avec le souci de la sécurité de sa troupe comme des spectateurs.
Le bon coté des choses, c'est la réactivité de la compagnie. Donc qu'il pleuve, neige (allez savoir avec la météo qu'on subit depuis quelques mois ...) ou vente, le Potager du roi propose des solutions alternatives acceptables. Mais je rêve néanmoins d'y revenir par beau temps, pour effectuer ces spectacle-promenades sur mes deux jambes et en plein air.

Je ne vous dirai donc rien du décor dont je n'ai qu'une petite idée en regardant les espaliers à l'abri des murs d'enceinte, l'alignement des carrés vus de loin, le rouge flamboyant des énormes coquelicots, ou la promesse d'une abondance de graines qui se devinent déjà sur les plants de monnaie du pape.

Je vais vous raconter le spectacle tel que je l'ai vécu ... une sorte d'Alice à la Serre des merveilles ... qui  sera différent de ce que vous verrez mais qui a été un beau moment de partage et de plaisir.

C'est Natalia Ermilova qui nous mit dans l'ambiance en nous faisant chanter les comptines de notre enfance le temps que chacun prenne place sur les casiers de bois composant les gradins : une Souris verte, Frères Jacques, Au clair de la lune,  ... Pirouette cacahuète ... où notre choeur de spectateurs l'a surprise par sa connaissance exacte de tous les couplets. On aurait pu faire une soirée-cabaret.

Stéphanie Tesson nous a situé le contexte du début du "parcours" en nous demandant d'imaginer notre arrivée sur le carrefour, en bas des terrasses, sous un soleil plutôt chaud, et en nous confiant entre les mains du guide. Il poursuivit en nous précisant que nous étions en 1630 et des poussières, désigna un bosquet imaginaire contre lequel le chien Thermidor s'oublia, faisant sortir les pissenlits de leurs gonds, nous allécha avec la promesse de nous révéler moult secrets, et multiplia les jeux de mots pour nous mettre dans l'ambiance.
A l'en croire, et comme le lui a dit la baronne d'Abou Dabi, c'est en boudant qu'on devient bouddha. On va éviter l'exercice. Ce guide (Tomas Volatier) pas vert, à l'humour pas piqué des hannetons, c'est-à-dire fringuant et en bonne santé ... voulait nous faire plonger dans l'histoire avec un H majuscule. Il embraya donc avec la grande invasion d'une autre catégorie d'insectes, les doryphores, des ravageurs quasi carnassiers qui ont dévasté les champs de pommes de terre.
L'animal (Jean-Christophe Lecomte) est malgré tout sur un piédestal, immortalisé par la statue du Doryphore inconnu ... en mémoire au premier à avoir osé traverser le jardin pour conquérir Esmeralda, exquise pomme de terre primeur encore cultivée de nos jours sur l'île de Noirmoutier.
Dans le public, Alice (Pauline Belle) et le Temps perdu (Valentine Atlan) attendent leur tour pour entrer dans la ronde... Le Lierre (Diane de Segonzac) aussi, en face d'elles ...
C'est le lapin-Fromage (Benjamin Broux) qui surgit en retard, forcément. Le dialogue avec Alice est franchement surréaliste. Confondant "de" et "2" il se perd dans la gestion de son agenda, ne sachant plus avec qui, ni où il a rendez-vous.
Dans l'oeuvre de Lewis Carroll le lapin est constamment à la recherche du temps, faisant des propositions loufoques, mais sympathiques pour révolutionner les calendriers. Il est le porte-parole de l'auteur pour suggérer de fêter plutôt les non-anniversaires que les anniversaires pour la simple et bonne raison qu'il y en a 364 par an, ce qui est plutôt sympathique.
Nous suivrons ce lapin dans le jardin enchanté, parmi les oiseaux pour rencontrer d'autres étranges créatures. Comme le Temps perdu occupée à compter les nuages sur son ardoise d'écolière avant de se mettre à peindre la pelouse en rouge avant de nous envoyer des bulles de savon, de pensées ...
Sa tenue étonne ... la combinaison couleur chair est une illusion parfaite et le semis de fleurs champêtres pour cacher son anatomie est très élégant.  Très réussi aussi son maquillage et ses moustaches de chat.
Alice compte sur elle pour la mener vers les Merveilles car contrairement au Lapin, la gamine a de la suite dans les idées. les explications du Temps perdu sont précises et confuses à la fois : traverser la pelouse, tourner à droite, à gauche, à droite, prendre l'escalier (mais dans quel sens ?), continuer, à droite, à gauche, à droite, stop ....

La bonne question à se poser serait de savoir à quoi cela ressemble une Merveille ? A des hommes tout nus de forêt qui pousseraient dans les villes ? Moi Bouleau, pas Hêtre dit celui-ci (Léonard Matton, à gauche) en agitant ses branches pour se décoller du Lierre.
La jeune Alice nous entraîne en imagination dans sa recherche pour faire entendre l'appel des Merveilles par la Voix (Emmanuelle Huteau) et faire venir Marie en Toilettes, la Reine des Merveilles (Isabelle Mentre).
Marie minaude et ordonne une tea-party dans une ambiance So British ! une nouvelle fois prétexte à de savoureuses confusions avant qu'Alice ne dise au-revoir à tous les personnages.
En fin de compte (ou de conte, c'est vous qui voyez) une merveille, c'est le regard qui la fait. Certaines sont parties. Les autres sont partout. Chaque coeur est un vivant bazar de merveilles en devenir ... et ce spectacle est un joli moment à vivre en famille.
Stéphanie Tesson a réussi une nouvelle création qui s'inscrit dans la droite ligne des précédentes tout en créant la surprise. Ses textes sont de petits bijoux qu'on aurait envie de relire en dégustant un des jus de fruits préparés au Potager. Ou encore en refaisant le parcours à notre guise.
Il était trop tard ce samedi pour enchainer sur la seconde partie. Nous sommes allés dîner au coin de la rue, dans un restaurant qui, vu de l'extérieur ressemble à un fast food pour qui ne connait pas l'endroit. Et pourtant, ses formules buffet sont avantageuses, en qualité comme en prix puisqu'on peut cumuler deux buffets pour moins de 20 €.
Le décor de Monument café est contemporain et baroque à la fois, avec une vidéo sur les jardins de Versailles. Le service est attentionné et discret. Le carpaccio de poisson aux agrumes était délicieux comme la soupe de melon, après une salade de tomates multicolores très gouteuses.

Le chef privilégie les produits de saison, qu'il va chercher au Potager du roi ou à la Ferme de Gally. Il prépare aussi chaque jour ce qu'il appelle une "bizarrerie" culinaire : des escargots, des cuisses de grenouille ou de la tête de veau par exemple.
Création au Potager du Roi à Versailles dans le cadre du Mois Molière 2013, Durée de chaque spectacle : 1h
A partir de 6 ans…

Ecrit et mis en scène par : Stéphanie Tesson
Assistant à la mise en scène : Antony Cochin
Avec : Frédéric Almaviva, Valentine Atlan, Pauline Belle, Benjamin Broux, Sophie Carrier, Antony Cochin, Marguerite Danguy des Déserts, Natalia Ermilova, Rebecca Goldblat, Anne Habermeyer, Emmanuelle Huteau (chant), Jean-Christophe Lecomte, Léonard Matton, Isabelle Mentré, Diane de Segonzac, Philippe Sivy, Thomas Volatier.
Bonimenteur : Licinio Da Silva
Musicien : Pablo Penamaria

MONUMENT CAFÉ VERSAILLES, ouvert tous les jours
1 rue du Marechal Joffre, Quartier Saint-Louis
78000 Versailles, Tel : 01 39 66 07 12

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