Publications prochaines :

La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

mardi 2 juillet 2013

Ikra, un restaurant franco-russe à Paris, boulevard Raspail

Il faudrait que je l'écrive comme son concepteur l'a pensé, avec un R inversé mais mon ordinateur n'est pas formaté pour ...

Commençons pas le bar. C'est Micha Korotkov qui officie. (On prononce Mika). Il est né au Nord du cercle arctique, dans la ville de Mourmansk, mais il parle français parfaitement et se départit rarement d'un large sourire. Il a l'âme d'un méridional.

Ikra signifie caviar en russe et Mica a eu l'idée d'en décliner le principe dans ses cocktails. Chacune de ses créations associe des perles réalisées grâce à l’alchimie révélée dans la cuisine moléculaire ...

Elles sont plus grosses que des oeufs de poisson, et sucrées bien entendu. Voilà pourquoi les verres s'accompagnent d'une longue cuillère pour pêcher l'ingrédient au fond de la boisson.

Les noms évoquent la Russie avec en premier l'Ikra, composé de vodka, champagne, crème de pêche et perles de litchi, à moins de préférer un Russian Gigolo avec amaretto, ananas, abricot, fraise et perles de fraise.

Avec un choix de 47 cocktails il y a de quoi faire tourner toutes les têtes !

L'établissement propose également un excellent choix de vodkas russes, avec cette fois des perles de truffes, à consommer avec modération évidemment, et sans casser les verres ! Les connaisseurs compareront avec le bar du Murano, connu pour l'étendue de son choix en ce domaine.

Il y a plusieurs points commun avec ce grand hôtel. La combinaison rouge et blanche de la décoration, et l'ambiance musicale. Ikra a d'autres atouts : une ambiance franco-russe, une carte homogène, un service chaleureux qui en font un spot très tendance où on peut croiser en voisins des gens comme vous et moi, beaucoup de russes vivant à Paris, et quelques célébrités venues en voisins comme Benjamin Biolay et Vincent Lindon.
Le dépaysement du bar, extrêmement scintillant, se décline en salle, que ce soit sous une coupole aux étoiles dorées ou devant les murs miroirs qui explosent de points lumineux. Malgré tout l'ambiance est intime, surveillée par les ombres de Youri Gagarine, ou de Rudolf Noureev. 

Je signale que le chorégraphe, décédé à l'âge de 54 ans, est enterré au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois, dans l'Essonne. C'est un décorateur qui avait souvent collaboré avec lui, Ezio Frigerio, qui a assuré la conception et la réalisation de sa tombe qui est peut-être la plus belle que j'ai jamais vue.

Elle est entièrement revêtue de mosaïque, donnant l'illusion qu'un immense kilim aux couleurs éclatantes a été jeté sur le marbre. Ce tapis recouvre les malles de l'errance dans la tradition orientale.

Passons à table où un petit gaspacho est servi systématiquement en guise de rafraichissement. Je ne parlerai pas des vins end étail. C'est un avis personnel mais je me contente d'eau quand j'ai commencé avec un cocktail. J'ai tout de même remarqué sur la carte quelques noms sympathiques : Brouilly, Macon, Petit Chablis ...
La carte a été conçue six mois avant l'ouverture, somme toute récente (novembre 2012). Tout est frais et préparé à la demande. Il sera donc normal d'attendre un peu l'arrivée des assiettes qui bénéficient d'un monte-plat puisque les cuisines sont en sous-sol. Rassurez-vous, on ne sent pas le temps passer, question d'ambiance ... et de musique.
Ce serait dommage de snober les spécialités russes mais c'est possible. N'oublions pas que ce restaurant se réclame franco-russe. Salade de tomates anciennes ou foie gras sont à la carte à coté de belles salades composées. Mais goutez "au moins" les champignons à la russe, qu'on vous servira comme il se doit avec des cornichons malossol.

Impossible de snober à mon avis le saumon gravlax du chef qui est cuit entier au sel, et préparé avec des agrumes et des baies roses, accompagné de blinis encore tièdes. Si vous n'aimez pas le saumon d'autres poissons fumés existent à l'assiette, anguille, haddock, hareng et truite fumé, toujours avec des blinis, comme il se doit.
Pour l'exotisme, on choisira le Chouba, surnommé "hareng caché sous sa fourrure". C'est un mille-feuille de hareng, pommes de terre, carottes, betteraves et recouvert d'une mayonnaise légère. Léger, joli et délicieux.
Le service est assuré par Micha quand le bar lui laisse du répit ou par Sabrina, tout autant charmante. Joseph, alias Sosso arrive aux environs de 21 heures et se met aussitôt au piano. D'autres soirs il jouera plutôt du jazz manouche ou tsigane. Mais c'est aussi un excellent guitariste espagnol classique. Ce géorgien qui parle 8 ou 9 langues et qui a vécu en Russie, en Espagne et aux USA connait tous les genres musicaux.

Quand vous viendrez ce sera peut-être lui, ou bien Igor, un virtuose du violon, Olivier, un pianiste au répertoire plus classique ou Svetlana, à la fois pianiste et chanteuse, qui assureront l'ambiance musicale. Pas un jour sans musique en tout cas.
On peut opter pour un poisson. Le chef propose un beau pavé d'esturgeon sur une compotée de chou. Mais les viandes sont plutôt tentantes. Là encore on ne courra pas de risque en optant pour l'Ikra burger,
légèrement relevé dans son pain tradition, bacon, copeaux de cantal, servi avec des frites.

Tant qu'à jouer la carte russe, choisissez la véritable Kotlety de babouchka. Ce sont des boulettes de boeuf, posées sur un mélange de riz et d'épinards, qui ferait aimer ce légume à tous les enfants. Difficile de faire plus traditionnel même si en Russie ce sont plusieurs viandes qui sont hachées avec des épices, estragon, paprika et persil. Ici ce n'est que du boeuf, mais c'est très réussi.

L'association riz-épinards est un clin d'oeil à l'influence turque, nostalgie personnelle d'Alain Kocer, le propriétaire de l'enseigne.

En général, le chef, qui est un jeune cuisinier né à Toulouse d’une famille aveyronnaise, s'est inspiré de plats traditionnels russes qu'il a revisité à sa façon. Mais pour figurer à la carte il a fallu que Micha le teste et l'approuve.
Clément Bouldoires a travaillé au Sheraton Park Tower à Londres, à la Fontaine de Mars. Il a eu la chance d'être aux cotés de belles personnalités comme Joël Robuchon et Flora Mikula avant de diriger la cuisine d'Ikra. Cela me rappelle un souvenir personnel ... un tournage avec Flora Mikula et Julie Andrieu à Bordeaux pour y cuire un sauté d'agneau comme en Provence. C'était il y a 4 ans, mais l'épisode a été rediffusé à de multiples reprises ces derniers mois sur Cuisine +.

Si Clément avait été là le soir de ma venue, nous n'aurions pas discuté uniquement "cuisine".

On peut aussi expérimenter le Carré d'agneau au caviar de Baklagan sur des carottes glacées au cumin, et un caviar d'aubergine. Ou encore (comme sur la photo) un Chachlik de quasi de veau et ses légumes de printemps.

Zakouskis et Pirogkis aux crevettes sont également de bons choix.

En hiver, la carte s'adapte à la saison. C'est le moment idéal pour le bortsch, le boeuf Strogonof ou le Koulibiac. Par contre, ce qui est immuable, c'est l'usage de la terrasse qui prolonge la salle. Du coup l'ambiance change, en fonction de l'endroit où vous êtes assis, et les lumières évoluent aussi au cours de la soirée.
Si vous vous sentez de taille sans pour autant être du niveau de Kaspar Kasparov, vous pourrez peut-être faire une partie rapide d'échecs avec Micha ou avec Alain Kocer. Le jeu ne trône pas sur le bar mais il demeure à portée de mains et Alain reconnait se faire encore battre souvent ... Les deux hommes se sont connus par les échecs et c'est au fil des parties qu'ils ont bâti le projet du restaurant. Il leur fallu tout de même une dizaine d'années avant de le concrétiser. Trouver l'emplacement idéal ne fut pas le plus simple. Comme souvent, les coïncidences donnent un coup de pouce au destin. C'est la femme d'Alain qui mit son mari sur la piste en dénichant l'endroit, à deux pas de l'Alliance Française où elle apprenait notre langue.

Micha conjugue plusieurs talents : le théâtre, les échecs et la mixologie. Il avait déjà dirigé un restaurant et il connait bien la Russie. Ikra lui correspond pleinement.

Alain Kocer est architecte de formation et Ikra est son premier restaurant. Sa principale activité  fut longtemps d'être bâtisseur de centres hôteliers. Il a signé l'architecture du Club Med Kabira au Japon et a développé l’Holiday Inn Paris Auteuil ou encore l’hôtel Abba Montparnasse. 

Il a depuis un autre projet. C'est un hôtel 4 étoiles luxe de la rue de Gramont dans le 2ème arrondissement, ex Métropole Opéra, qui va devenir le Lyric Hotel avec la musique pour fil conducteur. On pourra y retrouver une reproduction du plafond de l'opéra Garnier exécuté par Marc Chagall Chaque chambre correspondra à l'atmosphère d'un opéra.  

En dessert, des spécialités russes, évidemment, comme la Vatrouchka aux poires, un gâteau de faisselle et fromage blanc avec chantilly au chocolat, ou encore le Citron dans tous ses états qui rencontre un succès énorme.  Cette mousseline de citron, écume de vodka et citron vert est aérienne et rafraichissante.

Clément sait faire preuve d'imagination. Son Macaron géant au piment d'Espelette, fruits de saison et Chantilly n'a rien à envier à une Pavlova.

Si la canicule persiste on appréciera les glaces et sorbets (Movenpick) ou une nage de fruits frais et ses sorbets. Les indécis ou très gourmands se satisferont de la farandole de desserts qui en associe plusieurs, en portions réduites.
La soirée pourra encore se prolonger. Sosso est toujours au piano. L'instrument, rouge vif, a été choisi par Alain qui est un mélomane averti. La Russie n'est plus une destination lointaine, mais elle demeure encore synonyme de dépaysement. L'ambiance fut électrique le soir du 12 janvier, pour le nouvel an russe. Suivez donc le calendrier orthodoxe si vous recherchez l'insolite.
IKRA, 119 Boulevard Raspail, 75006 Paris, à l’angle de la rue Huysmans
Métro Notre Dame des Champs, Tél. : 01 45 48 12 33
Ouvert tous les jours de 7h30 à 2h (23h30 pour la dernière commande)
L’happy Hours se pratique de 15h à 20h avec une offre de cocktail à 5€
Formule déjeuner avec entrée & plat ou plat & dessert à 14,90 €
Brunch dominical à 19,50 € (et il est lui aussi musical)
Service voiturier

Aucun commentaire:

Articles les plus consultés (au cours des 7 derniers jours)