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mardi 5 novembre 2013

Rodolphe Landemaine, boulanger d'exception

Rodolphe Landemaine a été pâtissier avant d'être boulanger mais son pain est tellement "incroyable" que je lui attribue avant tout ce métier qui demeure encore trop le parent pauvre de la gastronomie. D'ailleurs ne dit-on pas dans le jargon la "boulange" pour désigner cet univers ?

Je vous montre sans attendre sa spécialité (ci-contre) que j'ai failli engloutir dans le métro ...  C'est le pain fétiche de la maison, qui porte le nom de chaque boutique (on l'appelle le Clichy rue de Clichy), façonné de façon anarchique. La forte hydratation de la pâte accentue l’alvéolage de la mie et favorise le développement des arômes.
Vous auriez-vous les regards gourmands qu'on me lançait ... mais personne n'a osé répondre positivement à ma proposition de goûter. Le pain n'est pas encore un produit glamour. Les gens ne savent pas ce qu'ils perdent.
Enfin pas tous, parce que les clients de Boco apprécient le pain qui est livré quotidiennement par la Maison Landemaine, excellent même si ce n'est pas le Clichy (ou le Martyrs) que j'ai dévoré sans délai.  C'est d'ailleurs par cet intermédiaire que j'ai fait la connaissance de Rodolphe.

Les restaurants apprécient ce pain d'antan pour son goût acidulé, sa mie dense, sa croûte épaisse très caramélisée. Il est fabriqué avec un levain naturel plus acide, qui se conserve plusieurs jours.

L'homme est un peu "à part" dans l'univers. A plus d'un titre. De par sa formation, puisqu'il a passé un Bac scientifique. Il aurait pu devenir ingénieur des Eaux et Forêts ou botaniste. Rien ne le prédisposait à travailler dans la gastronomie. Il ne vous racontera pas la légende du petit garçon qui léchait la cuillère en bois de sa mamie en rêvant un jour de cuisiner pour les têtes couronnées.
Par contre il avait la volonté d'entreprendre et n'était pas attiré par de longues années d'étude. Il a estimé avec sagesse que rien ne vaut un "bon" métier manuel. Cà aurait pu être l'ébénisterie ou la charpenterie. Son père lui souffla un jour que la boulangerie était un secteur porteur. Rodolphe s'informa, comprit qu'il pourrait très vite s'installer et suivit le conseil paternel avec pragmatisme.

Le succès n'est pas arrivé par hasard. Quand Rodolphe dit avoir travaillé 15 heures par jour, 7 jours sur 7 pendant 10 ans on le croit aisément. Son parcours le confirme et il demeure loin des projecteurs qui hypnotisent les pipoles.

Parmi les relations paternelles il y avait en effet Monsieur Valadon qui n'est pas "que" boulanger à Pontoise, mais aussi Président de la Fédération de la Boulangerie, Pâtisserie & Chocolaterie auprès de qui Rodolphe effectuera ses deux ans d'apprentissage après le Bac Pro Alimentation, histoire de ne pas se spécialiser trop vite. Il enchaine ensuite avec les Compagnons du devoir pendant 3 ans, à Paris, Bruxelles et Reims, aux côtés d'artisans passionnés. Puis Ladurée auprès de Pierre Hermé pendant 2 ans, Paul Bocuse à Lyon, le restaurant gastronomique Lucas Carton (aujourd’hui Senderens), l’hôtel Bristol ou encore le traiteur Raynier-Marchetti.

Il s'installera d'abord en gérance dans le quartier de Tolbiac, en 2004, et à seulement 26 ans. Il s'accordera ensuite  une année sabbatique et puis fera ce qu'il appelle "le grand saut". Il avait effectué un stage dans la maison Feyeux, à l’enseigne des Poilpré, 56 rue de Clichy. Si bien que lorsqu'il appris que cette boulangerie de la rue de Clichy était à reprendre il sauta sur l'occasion, en ayant à coeur de remonter la boutique tombée en désuétude, ce qu'il fait avec sa femme Yoshimi Ishikawa, début 2007. La recherche de qualité y est quotidienne, avec intransigeance. Cela se joue à une cinquantaine de détails. Mais c'est le prix pour un succès grandissant qui a permis de doubler le nombre de collaborateurs en deux ans. Ils sont 140 à travailler dans les diverses Maisons Landemaine.

C'est dans le 9ème arrondissement que se trouve aujourd'hui le laboratoire Landemaine. Les sous-sols de la boutique commencent à être insuffisants et il est probable que la croissance passera par un déménagement.
Chacun s'affaire. Au salé, comme avec cette superbe tarte aux belles feuilles d'épinards, qu'au sucré. A commencer par les macarons. Plus de quinze nationalités travaillent de concert. Shiaru est née au Japon où elle a découvert la pâtisserie. Le stage de pâtisserie qu'elle a effectué en 2006 à l’ouverture de la première boutique Landemaine rue de Clichy a été concluant. Elle repart au Japon mais revient deux ans plus tard comme ouvrière d’abord puis comme adjointe du responsable ensuite.

Rodolphe Landemaine est fier de faire marcher l'ascenseur social. Il accueille les stagiaires en leur rappelant qu'il était à leur place il y a dix ans. "Le monde vous attend" leur promet-il ... à condition de ne pas ménager ses efforts.
Un peu plus loin ce sont des mignardises qui vont bientôt être livrées à un cocktail. Et bien entendu tous les gâteaux qui sont en boutique.
On y trouve le Montblanc que Rodolphe avoue être son dessert préféré. Il est bien sûr aux marrons, mais préparé à la façon japonaise : un biscuit noisette meringué, une crème aux marrons, des morceaux de marrons confits et une crème fouettée légère. Pour un résultat moelleux et légèrement craquant.
Mais aussi des tartes plus rustiques, dans des boites carrés, qui évoquent un fromage normand, en toute logique puisque le pâtissier est originaire de la Mayenne.
Selon les boutiques on trouvera, à coté des fondamentaux (une très bonne baguette tradition, la tourte de seigle, le pain d'antan et le pain maison) d'autres spécialités qui seront spécifiques. Le pain sportif est proposé rue des Martyrs. Pour manger du pain figue-citron il faudra monter rue de Clichy.
Les pains sont fabriqués dans chaque unité et le goût peut varier d'une boutique à l'autre parce que la flore naturelle du fournil a son importance.
La viennoiserie a toute sa place ... et bien entendu aussi les gâteaux de voyage sur lesquels Le Meilleur pâtissier a mis le focus dans sa première émission.

On trouve aussi des chocolats, et des sorbets artisanaux. Mais le plus étonnant fut, lors de ma visite, la découverte de l'intense activité d'une équipe de pâtissiers déjà à l'oeuvre pour les galettes des Rois. Il faudra en faire 10 000. Ce n'est pas en une semaine que ce serait possible.
Les fèves attirent mon attention. Ce sont des personnages de la série Monsieur Madame de Roger Hargreaves, des petits livres publiés chez Hachette Jeunesse et adorés des enfants depuis des années.
Je n'ai pas interrogé Rodolphe Landemaine sur ce choix mais je trouve que Monsieur heureux lui convient bien. 
Avec 7 boutiques parisiennes, une école de boulangerie, joliment appelée Ecole Levain d'Antan à Tokyo (Japon), le boulanger fait la démonstration que son secteur d'activité est réellement porteur.

Les Maisons Landemaine parisiennes :
123 rue Monge, 75005 Paris
56, rue de Clichy, 75009 Paris, 01 48 74 37 64
26 rue des Martyrs, 75009 Paris, 01 40 16 03 42
130 rue de la Roquette, 75011 Paris (le pain s'y appelle le Voltaire) 01 43 79 98 03
136 rue de la Roquette, 75011 Paris
121 rue de Charonne, 75011 Paris, 01 43 71 33 06
41 rue Oberkampf, 75011 Paris
28 boulevard Beaumarchais, 75011 Paris
2 rue Crozatier, 75012 Paris
4 rue du Poteau, 75018 Paris, 01 42 64 87 78
210 rue des Pyrénées, 75020 Paris

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