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samedi 8 février 2014

Nuit, la nouvelle exposition du Jardin des Plantes jusqu'au 3 novembre 2014

Elle ouvrira ses portes au public le 12 février mais j'ai eu la chance de la parcourir en avant-première. La peinture n'est pas sèche, les cartels ne sont pas tous collés mais l'essentiel est en place et on sent tout le potentiel que recèle cette exposition, à la fois simple et informative, onirique et didactique.

La Nuit est explorée sous toutes les coutures : astronomie, biologie, éthologie, physiologie, anthropologie, neurologie, sans oublier l'imaginaire, en toute logique puisque le monde des rêves est associé à la nuit. C'est sur cet aspect que se clôture la visite.

Tout commence d'abord avec le ciel. Honneur à l'astronomie avec un plafond constellé d'étoiles qui constitue le paysage naturel de ceux qui vivent la nuit.
Le globe terrestre tourne sans relâche sur lui-même et autour d'une la très grosse étoile qu'est le soleil, projetant son ombre sur le mur et reproduisant (à grande vitesse, il ne lui faut pas 365 jours pour faire sa révolution) les phénomènes d'équinoxe et d'éclipse. Le point de départ de l'exposition a été volontairement pensé de manière immersive. Mais, pour être au plus près de la réalité, les murs témoignent de la pollution lumineuse qui empêche de voir le ciel comme nos ancêtres pouvaient le contempler. Excepté dans une partie de la Corse et du Quercy, on ne voit plus qu'une étoile sur dix. Et on apprendra quelques salles plus tard des conséquences dramatiques pour les oiseaux migrateurs dont les repères visuels sont ainsi altérés puisque les étoiles se détachent de moins en moins nettement dans une obscurité qui devient relative.
Sur ce morceau de ciel on repère Vega, la petite Etoile polaire, toujours située plein nord, Acturus, les Pléiades, Betelgeuse, reconnaissable à son éclat orangé dans les ciels d'hiver, et Sirius qui est la plus brillante de l'univers.

Composées pour 15% de fer et de nickel, les météorites sont froides. Elles ont passé quelques centaines d'années à l'humidité, ce qui les a fait rouiller. Elles sont lisses et noirâtres parce qu'elles ont brûlé lors de leur passage dans l'atmosphère. Mais elles n'ont pas perdu leur aura de mystère. on peut en voir de petites, entières, et une tranche de celle d'Esquel, trouvée en Argentine en 1951 où les cristaux d'olivine lui donne une allure de nougat géant. Quand on sait qu'elle mesurait un mètre et pesait 700 kilos on se dit que c'est un miracle que personne ne soit jamais écrasé par ces monstres.
On pourra s'exercer à nommer les planètes, à repérer la voix lactée et toutes les constellations qui sont présentes dans les ciels d'été ou d'hiver dans l'un ou l'autre des hémisphères. Car si on connait la Grande et la Petite Ourse on est un peu perdu lorsqu'on souhaite pointer Cassiopée (en haut à droite sur le cliché).

Un morceau de pierre de lune attirera les regards, sous haute protection vitrée. Ce n'est pas une nouveauté pour moi qui avais eu la chance d'en toucher un au Musée de l'Espace de Washington, il y a très longtemps. Les américains avaient alors abusivement planté leur drapeau sur ce satellite en imaginant qu'ils pouvaient se l'approprier.

Mais la lune n'appartient à personne !
Le visiteur est ensuite invité à déambuler parmi les animaux nocturnes. La grande surprise est de s'apercevoir que l'ours, le cerf et même le kangourou font partie de cette catégorie comme le raton-laveur. Et ils ont de bonnes raisons pour vivre ainsi : pour leur sécurité car ils sont moins visibles par leurs prédateurs, pour la fraicheur, pour se nourrir (ainsi l'hippopotame broute la nuit les prairies que les antilopes ou les zèbres ont parcouru en journée) ...
Sophie Grisolia, la conceptrice de l'exposition n'a eu qu'à puiser dans les collections du Museum pour mettre en valeur des espèces que l'on ne regardait plus.

Moins d'étonnement avec les oiseaux. Qui ne sait pas que chouettes et hiboux vivent la nuit ?

On apprendra par contre à distinguer les uns des autres avec un repère simple : le hibou possède des aigrettes au-dessus de ses yeux alors que ceux de la chouette sont cerclés d'une auréole de plumes noires, les faisant apparaitre surdimensionnés.

On verra la différence de taille entre petit-moyen et grand duc. Quant aux pelotes de réjection (et non pas de déjection comme je l'ai entendu) elles renseignent sur le menu dévoré par ces oiseaux.

On entendra aussi leurs cris sans provoquer la moindre peur.

On apprendra aussi que le lièvre a de très grandes oreilles et le lapin de plus petites.

Un conteur accompagne le public à intervalles réguliers jusqu'à la forêt des songes, en longeant des clairières bordés de pièces d'eau où de discrets poissons de nuit carnivores guettent leurs proies.

Les 5 sens sont sollicités. On sent le chèvrefeuille et la tubéreuse. On recule devant l'odeur du plancton qui régale les mouettes. On hume les parfums de la nuit, pas toujours agréables puisque la chauve-souris pollinise des fleurs qui exhalent une odeur de charogne. Notre odorat est bien pauvre en comparaison de la truffe du renard qui peut sentir une proie potentielle à 30 mètres de distance.

On découvre des plantes nocturnes, souvent blanches, qui se révèlent à la lumière de la lune.
On scrute les spectateurs avec les yeux d'un serpent, à travers l'œilleton d'une camera thermique à infra-rouge placée au ras du sol.

Nous suivons toutes les adaptations nécessaires à la vie nocturne, pour voir mieux, entendre et communiquer sans risques.

L'exposition nous apprend énormément de choses, certaines assez complexes comme la capacité d'écholocation de la chauve-souris et d'autres très simples, qui relève de l'évidence une fois qu'on le sait,  comme la différence de plumes des oiseaux diurnes et nocturnes. Ces derniers les ont dentelées de manière à leur assurer un vol silencieux pour ne pas éveiller les soupçons.
La visite se termine par des salles consacrées au sommeil. Avec des questions inattendues : tous les animaux dorment-ils ? Quelle est leur position favorite ? En boule au croisement de plusieurs branches comme l'écureuil ? Assis ou les pattes dans le vide comme les singes ? Serrés les uns contre les autres en dortoir comme la plupart des oiseaux ? A l'extérieur ou dans la protection d'une grotte comme l'ours.
L'homme a perdu 1 heure de sommeil en trente ans. C'est la conséquence de notre changement de vie avec l'intrusion de la télévision et des réseaux sociaux au plus profond de notre intimité. Les chercheurs craignent des altérations de nos capacités d'apprentissage et de nos facultés à engranger des informations dans notre mémoire. Ils sont 700 à 800 à travailler au Museum (pas tous sur ces questions là évidemment), nous rappelant que cet organisme n'est pas qu'un lieu d'exposition mais avant tout un espace de recherche.
On peut leur faire confiance s'ils nous disent qu'un chat rêve ou quand ils nous alertent sur le fait que nous dormons de plus en plus en couleur, sous l'influence des programmes télévisés et du cinéma.
Toute la poésie et la magie de la nuit sont respectées sans nuire à l'aspect scientifique avec une évocation de quelques monstres inoffensifs. La Nuit est à visiter en compagnie d'enfants, de jour ... comme de nuit lors de la Nuit des Musées où l'on devine que des surprises seront offertes à ce moment là.
En sortant on peut voir ou revoir la Grande Galerie de l'Evolution, sans craindre la pénombre qui l'entoure, pour des raisons de conservation des animaux présentés.

On peut aussi aller boire un thé à la menthe et se régaler d'une pâtisserie orientale sans se ruiner (c'est 2 pièce) dans le salon de thé de la grande Mosquée.
Des petits oiseaux y volètent à l'intérieur. Du jardin on voit le Museum.


Nuit, jusqu'au lundi 3 novembre 2014

Museum d'Histoire Naturelle
57 rue Cuvier
75005 Paris  tel 01 40 79 30 00

Ouverte tous les jours de 10 h à 18 h, sauf le mardi et le 1er mai.
Dernier accès aux caisses 45 minutes avant la fermeture.

Billet couplé avec la Grande Galerie de l'Exposition
gratuit pour les moins de 4 ans

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