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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

samedi 29 mars 2014

Jupe obligatoire au Théâtre du Gymnase

Je suis allée voir Jupe obligatoire au Théâtre du Gymnase et tout au long du spectacle je me suis dit que cela me rappelait un film que j'ai vu il y a près de dix ans et dont j'ai cherché le titre pendant un moment.

Ça m'est revenu depuis, 7 ans de mariage, avec Catherine Frot, Didier Bourdon, Jacques Weber ....  et c'est légitimement que les deux se répondent puisque c'est Nathalie Vierne, la scénariste du film qui a écrit la pièce, en collaboration avec Dominique Coubes qui se trouve être le directeur artistique du théâtre.

Le spectacle n'est d'ailleurs pas nouveau. Il fut un gros succès en 2007, dans ce même théâtre, puis au Palais des glaces et au Festival d'Avignon.

Les auteurs ont voulu reprendre la pièce en modifiant très nettement le début et la fin pour affirmer davantage la liberté féminine et la découverte du plaisir et surtout l'inscrire dans l'air du temps, à un moment où on commence à rediscuter le droit à l'avortement, et après le vote du mariage pour tous.
Pour résumer le début, France, "la trentaine raffinée", scénariste de films d’auteur doit faire face à de gros problèmes financiers. Elle obtient de Bernard, son ex et producteur de films à succès, l’écriture de son prochain scénario. Malheureusement elle ne connait pas le sujet imposé qui est le monde échangiste et le libertinage. France, soutenue par son maître spirituel, Maître Dong, se documentera sur Internet.
Bernard estime le résultat catastrophique. Il impose à France de suivre les conseils de alors de faire appel à Sharon pour aider France. Très expérimentée sur le sujet, cette délicieuse "bimbo", fréquente les clubs échangistes et autres soirées VIP … La rencontre des deux femmes que tout oppose, va bouleverser leur vie.
N'ayant pas vu la version précédente je ne peux juger que sur la seconde, où je n'ai pas bien perçu le "vrai message de liberté" annoncé par les auteurs, surtout dans la fin (que je ne raconterai pas) mais qui se situe aux antipodes de ma conception de la liberté. Difficile d'imaginer une chute plus macho et plus convenue. Il est peu légitime de donner le beau rôle à Bernard, l'ex-amant impuissant. Alors qu'il y avait le potentiel de faire jouer, par exemple, un rôle plus important au personnage de Maître Dong, une fois qu'on a révélé son identité.

Si on attend une pièce sur le libertinage, comme l'affiche le suggère avec élégance, on sera tout autant déçu. Il y a peu de sensualité malgré un très joli déshabillé porté par le personnage de France. Mais si on cherche à passer une heure trente en compagnie d'excellents comédiens, se donnant la réplique au quart de poil, et si on a envie de rire franchement sans arrières-pensées sociologiques alors Jupe obligatoire est un spectacle que je vous recommande.

Les quatre acteurs sont formidables. Il faut dire que chacun a un palmarès cinématographique impressionnant, y compris Lilou Fogli qui est la plus "jeune" sur les planches. Ils ont ce qu'on appelle du métier. C'est du pur plaisir que de les voir se donner la réplique.

Jupe Obligatoire
Mise en scène de Nathalie Vierne
Avec Olga Sekulic, Lilou Fogli, Thierry Samitier et Ludovic Berthillot
Du mercredi au samedi à 21h
Théâtre du Gymnase, 38, boulevard de Bonne Nouvelle, 75010 Paris
www.theatredugymnase.com

vendredi 28 mars 2014

Conférence à Omnivore autour des problématiques d'ouverture d'un restaurant avec Badoit

La Bourse de la création Badoit soutient les jeunes talents depuis 33 ans. Elle a décidé à l'occasion du festival Omnivore d'organiser une conférence autour des problématiques d'ouverture d'un point de restauration.

Le partenariat entre Omnivore et Badoit a permis de mettre au goût du jour cette Bourse de la création au profit de jeunes chefs confrontés à des difficultés financières. L’aide s’est accentuée depuis deux ans avec un vrai accompagnement en conception et en communication.

A cette occasion ce sont (de droite à gauche sur la photo ci-contre) Thierry Marx, chef du Mandarin Oriental, Kristin Frederick, la créatrice du Camion qui Fume et Steven Ramon, candidat de Top Chef, qui ont débattu du sujet dimanche après-midi sur la Scène sucrée du festival, en répondant aux questions de Marie-Laure Fréchet, journaliste culinaire et animatrice de la Scène sucrée pour la seconde année.

C'est avec beaucoup de simplicité que Thierry Marx a confié avoir traversé toutes les formes du succès à la faillite avant de devenir une icône dans l'univers de la restauration. Lui s'est lancé seul et il fallut convaincre des partenaires. Il obtint certes sa première étoile en huit mois mais ce fut une victoire à la Pyrus. Le banquier a une règle à calculer et le dépôt de bilan n'a pas pu être évité cette fois là.

Kristin Frederick est une nouvelle star à la tête de deux food trucks à burgers, deux "Camions qui fument" qui sont devenus emblématiques de ce que peut faire un chef dans un camion itinérant. Se sont alors posées des questions comme celle de savoir quelle somme le particulier serait prêt à dépenser pour manger du « bon » dans la rue. Ce fut le succès qu'on connait. Et, depuis, la jeune femme a ouvert un Freddie's Deli qui lui n'a rien d'itinérant.

Steven Ramon va ouvrir dans quelques semaines son premier restaurant, ce qui fait de lui un exemple de la problématique. Il a évolué pendant près de 10 ans dans un seul restaurant, "La Laiterie" de Lambersart, qu'il a vue couronnée d'une étoile Michelin, juste avant que son patron, Benoit Bernard ne le cède à un investisseur. Arrivé commis il en sortira Chef de Cuisine pour se lancer dans l'aventure top chef.

A la question de savoir s’il existait un profil type pour espérer postuler à bon escient, Thierry Marx a insisté sur le nécessaire cumul de compétences de quasiment trois personnes alors qu’on n’en financera qu’une seule : le savoir-faire, le savoir faire-faire et le faire-savoir.

Il faut aussi déterminer son projet avec le plus de précision possible parce que, dit-il, si on laisse trop d’incertitudes c’est une mer à traverser.

Pour Kristin il est capital de comprendre la réalité du métier sans toutefois perdre son potentiel de réaction. Ainsi elle-même se croyait prête ... mais par exemple pas pour le volume de clients qui s'est présenté. Elle ne savait alors pas gérer deux heures de queue. Thierry Marx approuve en estimant qu'ouvrir un restaurant est plus facile que se lancer dans l'itinérant.

Steven de son coté estime avoir un avantage car il "pense déjà comme un patron". Son but a toujours été de s’installer même s’il ne s’était pas fixé une date. Et il est entouré de gens qui partagent sa passion.

Thierry Marx souligne qu’il est très important de réfléchir en amont à ce qu’on est prêt à abandonner de son environnement pour avancer. Parce qu’un tel projet sera forcément chronophage. Si on n’est pas disposé à travailler 7 jours sur 7 pendant les deux premières années il est inutile d’envisager de commencer (tous les chefs d’entreprise que j’ai rencontrés m’ont fait la même confidence). A dire vrai c’est même 120% serait plus proche de la réalité. Faire la cuisine, qui est la partie la plus satisfaisante, ne représentera pas plus de 30% du temps, ce qui implique de pouvoir supporter la frustration et d'être capable de raisonner en projet de vie.

Il ajoute que "ça va être compliqué" si on est déprimé au premier découvert en affirmant qu'il n'y a pas de dramaturgie de l'échec. Cela n'empêche qu'il est essentiel de monter un business-plan qui laisse peu de place au hasard adossé à un rétroplanning efficace.

C'est pourquoi il est important d'emmener avec soi son entourage dans le projet. celui qui sait se constituer un réseau dans divers champs de compétences est mieux loti : il bénéficiera de conseils sans devoir mettre systématiquement la main au portefeuille.

Quant aux diplômes, on dira qu'ils sont des facilitateurs. Le banquier regardera aussi le nombre d'années passées en entreprise. Celui qui gagne n'est pas forcément le meilleur mais sa volonté de ne pas perdre doit être sans faille.

Thierry Marx est convaincant aussi par les chiffres qu'il avance. Sachant qu'il existe 170 000 restaurants il est difficile d'exploser dans une telle masse si on n'amène pas un quelconque relief. Hors de question de se lancer en "faisant le coup du terroir". Personne ne va plus au restaurant parce qu'il a faim mais pour passer des moments d'émotion.

La cuisine doit être une histoire; le projet est forcément hollistique. Avec trois fondamentaux : le sourcing de produits de qualité, la gestion du client et l'identité de l'accueil. Et cela en 3 ans alors qu'autrefois on avait 30 ans pour réussir, même si la politique des petits pas demeure valable.

Les cuisines étaient alors fermées. Elles se sont ouvertes et se sont même déplacées carrément au centre de la salle. Il faut oublier les stéréotypes périmés. Le client veut désormais "voir la main qui le régale". Le chef enfermé dans sa cuisine avec un torchon (sale qui plus est) n'a plus cours. C'est même lui qui va (aussi) servir, ce qui permettra une réduction des coûts de main d'oeuvre.

Le déjeuner gastronomique ne cesse de décliner depuis vingt ans. On veut maintenant déjeuner en 45 minutes, café inclus. La carte n'a plus besoin de s'allonger d'une vingtaine de plats. Sept suffiront avec cinq plats et trois desserts.

Il évoque le lauréat 2013 qui va faire un estaminet ambulant en faisant parler son coeur. Thierry Marx qui connait bien les contraintes de la profession estime à 7€ le prix moyen de départ en cuisine de rue, sachant qu'avec une bonne proposition on peut espérer sortir à 20.

Kristin Frederick a voulu rendre hommage aux réseaux sociaux qui permettent de remplir une salle qu'elle soit dans le 1er ou le 20ème arrondissement. Le nom de Camion qui Fume, qui semble si juste, lui a été soufflé par son mari qui avait noté que chaque ville a son Chien qui fume, quand ce n'est pas un autre animal. L'appellation s'inscrivait spontanément dans la mémoire collective. Et c'est une véritable communauté qui s'est créée.

Mais attention, l'effet serait à double tranchant pour qui ne tiendrait pas la promesse qui ne doit surtout pas être virtuelle. Cela étant il n'y a pas de cuisine illégitime ... sauf celle qui n'a pas de client.
Je vous signale que l'appel à candidature se poursuit jusqu'au 15 mai sur le site Internet badoit.fr. Faites le savoir autour de vous.

jeudi 27 mars 2014

Une collection de trésors minuscules de Caroline Vermalle

L'année dernière j'avais été séduite par L'île des beaux lendemains et j'avais découvert l'auteure, Caroline Vermalle avec plaisir au Salon du livre. Je ne l'ai pas vue cette année mais je viens de terminer son quatrième roman, Une collection de trésors minuscules qui, tout en étant très différent du précédent, m'a également plu.

Son éditeur, Belfond, a conservé la typographie si particulière du précédent livre. Néanmoins Caroline Vermalle a réussi à renouveler son style et la manière de présenter les personnages.

Nous avons quitté le bord de mer estival pour nous retrouver dans la brume et les frimas de l'hiver, en région parisienne. Sous prétexte d'une enquête pour comprendre l'objet d'un étrange héritage nous accompagnons des personnages au caractère très affirmé dans des paysages qui ont été le décor des toiles des Impressionnistes.

Il y a Frédéric, brillant avocat de trente ans qui collectionne les succès et les tableaux jusqu'à ce que la chance tourne et qu'il se retrouve quasiment sur la paille. Il y a Pétronille, son assistante dévouée mais un peu gaffeuse qui sera vite dans les choux ... des petites douceurs qu'elle ira distribuer auprès des nécessiteux.

ll y a Dorothée, la soeur de Pétronille, jamais à cours d'énergie. Et d'autres personnages qui surgissent dans la neige au fur et à mesure que Frédéric et/ou Pétronille suivent la piste d'un héritage assez particulier : une étrange carte aux trésors et quelques tickets de métro qui les mèneront de Saint-lazare à Notre Dame, du paysage d'hiver extraordinaire de pâleur et de pureté de la Débâcle à Vétheuil au jardin de Monet à Giverny puis à l'étage du musée d'Orsay qui recèle la plus grande collection d'oeuvres impressionnistes du monde, et nous avec, juste à coté de cette horloge qui me fait désormais penser à Hugo Cabret.
Le titre est fidèle à la quête des protagonistes qui, à l'argent, vont finalement préférer gagner un bonheur personnel une fois achevé un jeu de pistes à rebondissements : tout le monde en veut du bonheur, mais le bonheur n'est pas la même chose pour tout le monde (p. 69). Le lecteur se retrouvera dans cette quête universelle qui est décrite avec précision (p. 218).

L'essentiel de l'action se déroule en hiver. La neige tombe, métaphore de la perte puisqu'il n'y a que dans la neige qu'on peut voir la trace des pas des personnes qui sont parties (p. 261) comme on le perçoit dans la Pie de Monet.

Parallèlement on prendra une leçon de civisme et de tolérance (p. 118) qui laisse supposer que derrière le roman l'auteur a tenu à faire passer quelques messages.

Une leçon de bienveillance également pour comprendre ceux qui un jour "font des choix terribles" au risque d'impacter l'avenir. Pourvu qu'ils aient le courage de devenir ce qu'ils sont à présent.

Il n'y a qu'une chose sur laquelle je ne "suis" pas l'auteure. Ne croyez pas qu'on puisse rouvrir un cadenas qu'on aurait accroché à la rambarde du Pont des Arts. Inutile d'en conserver la clé. Les services de la voirie municipale débarrassent régulièrement le pont de ces objets dont le poids serait vite fatal. Faites l'expérience, repassez quelques semaines plus tard, votre cadenas aura disparu.

Une collection de trésors minuscules de Caroline Vermalle, Belfond, sortie le 13 mars 2014

mercredi 26 mars 2014

Aimer, boire, chanter, le dernier film d'Alain Resnais

Je suis allée voir le dernier film d'Alain Resnais. Sa projection en avant-première avait fait grand bruit. Forcément, c'était le soir-même de son enterrement. J'étais en quelque sorte aux première loges pour suivre l'arrivée des invités puisque l'entrée de l'UGC des Champs-Elysées est aussi celle du Lido où se déroulait la soirée des Globes de Cristal que je suivais en direct cette année.

Le titre du film aurait du être La vie de château. Ce fut Aimer, boire et chanter.

Aimer, boire et chanter, c'est notre raison d'exister. Il faut dans la vie un brin de folie ... telles sont les paroles avec lesquelles le cinéaste conclut son film à travers la chanson  interprétée par Lucien Boyer sur une musique de Johann Strauss ... en 1935, preuve s'il en faut qu'Alain Resnais "connaissait la chanson".

Le brin de folie, c'est sans doute la petite taupe (il y a toujours un animal dans les derniers films de Resnais) qui émerge de terre de temps en temps. A la troisième taupe, le film est achevé.

Alain Resnais désirait couper court à toute velléité de récompenses chez ses acteurs. Il leur offrait des lézards à la fin de chaque tournage à défaut d'espérer un César ou un Oscar. Il venait lui-même de recevoir un Ours au Festival de Berlin avec le prix du "film qui ouvre de nouvelles perspectives au cinéma" et, à l’unanimité, le Prix de la critique internationale.

Pourtant une lecture attentive des critiques de son film témoigne qu'il n'a pas été jugé avec complaisance par l'ensemble de la profession. Sorj Chalandon (Le Canard Enchainé) a vu un film qui fait peine. D'abord parce qu'il est ennuyeux à mourir. Ensuite parce qu'il est signé Alain Resnais et que le réalisateur vient de mourir à 91 ans. (...) C'est triste. Alors on a pas trop envie de tailler un posthume à Alain ...

Tout en admettant qu'Alain Resnais reste l’un des cinéastes majeurs du XX°, Damien Leblanc, dans le magazine Première, juge qu'il laisse ses acteurs se noyer dans un pur vaudeville, qui ne bénéficie cette fois d’aucune distance ludique. (...) Le programme épicurien du titre constitue alors un ultime mensonge, tant ce voyage au bout de l’ennui s’avère pénible.

Son jugement est erroné. On ne s'ennuie absolument pas tant les acteurs mettent tout en oeuvre pour incarner leurs personnages. Le réalisateur pousse loin la métaphore consistant à abattre des cloisons. Il est vrai cependant qu'une fois qu'on a compris que Resnais veut réconcilier cinéma, théâtre et bande dessinée on se lasse du procédé consistant à sandwicher des images de décors naturels tournées sur des routes de campagne dans le nord de l’Angleterre avec une planche d’illustrations dessinée par Blutch puis un décor de théâtre, ceint de toiles de bâche peintes par Jacques Saunier avant de venir en plan rapproché sur un des trois couples de la pièce, puis sur un seul acteur devant un fond numérique contrasté, sans aucune référence.

C'est bien davantage du théâtre filmé qu'il nous donne à voir. Il faut lui reconnaitre le mérite de réinventer le vaudeville jusque là caractérisé par des claquements de portes ouvrant sur des couloirs. C'est d'ailleurs cette créativité et ce mélange des genres que d'autres critiques saluent avec force.

Resnais adapte pour la troisième fois (après Smoking /No Smoking en 1993 et Coeurs en 2006) une pièce d’Alan Ayckbourn, Life of Rileysur les couples, le tissu qui relie les hommes et les femmes, la trahison en amour, la fidélité en amitié. C'est le dramaturge Jean-Marie Besset qui a fait la traduction et l’adaptation.

Personnellement j'ai regretté la minéralité des décors après avoir cru qu'on se baladerait dans le Yorkshire et la ville de York. J'étais dans cette attente dès le générique, espérant découvrir les décors  du dernier livre de Pamela Hartshorne, chroniqué il y a un mois.

Je me suis demandée si les comédiens avaient conscience de tourner dans le "dernier" film du cinéaste. On aura beau dire qu'ils n'étaient que six (exceptons la dernière scène avec Alba Gaia Bellugi dans le rôle de Tilly) ils sont dirigés de main de maitre avec une précision absolue.

Il y a un autre personnage jamais là, mais toujours présent , qui "plane" sur le récit comme il le fait sur l'affiche, en complet veston, comme un oiseau de proie ou un ange sans ailes au-dessus de six silhouettes apeurées, serrées les unes contre les autres. C'est Georges, métaphore du metteur en scène. On ne le voit pas dans le film mais on nous montre sa maison : envahies d’herbes folles, signifiant l’imminence d’un retour à l’état de nature par le pourrissement.

Car George est atteint d'un cancer foudroyant et n'a sans doute plus que quelques semaines à vivre. Ami d'enfance, amant lointain, mari ancien, George est multiple et chacune des trois femmes acceptera de mettre tout en oeuvre pour adoucir ses derniers jours, quitte à faire surgir des jalousies et à réveiller des souvenirs jamais avoués.

Dans la dernière scène la caméra filme en plongée le cercueil de l'invisible près duquel se recueillent les acteurs. Une voix off résume l’épilogue : celle de Gérard Lartigau, disparu le 13 mars, douze jours après Alain Resnais…

La projection du film le soir de l'enterrement d'Alain Resnais a dû provoquer plus d'une émotion.

Le réalisateur est parti alors qu’il travaillait sur un nouveau projet. Son titre : Arrivée-départ est-il à considérer avec l'humour dont il ne se départissait pas ?

Aimer, boire et chanter, un film d'Alain Resnais
avec Sabine Azéma, Hippolyte Girardot, Caroline Silhol, Michel Vuillermoz, Sandrine Kiberlain, André Dussollier et Alba Gaia Bellugi.

mardi 25 mars 2014

A la périphérie de Sedef Ecer, mis en scène par Thomas Bellorini

Dans la famille Bellorini je connaissais Jean dont j'avais vu il y a quelques semaines la Bonne Ame du Se-Tchouan, de Bertold Brecht.  Voici maintenant Thomas qui met en scène À la périphérie, un texte de Sedef Ecer, en faisant appel à son frère pour les lumières.

Jean excelle effectivement à créer des atmosphères alors que Thomas signe pour partie la musique (comme il l'avait fait pour la pièce de Brecht).

C'est dans un théâtre de la banlieue parisienne que cela se passe, dans la salle de l'Aéroplane, du Théâtre Jean-Vilar de Suresnes (92). L'extérieur n'a rien à voir avec le décor qui investit une scène plus directement inspirée par La Courneuve que par l'Ouest parisien.

C'est l’histoire de Dilcha et Bilo, (Anahita Gohari et Christian Pascale), un couple de jeunes gens qui ont quitté leur campagne pour le bidonville de "la colline des anges et des djinns", quelque part en Turquie, en bordure d'une décharge et d'une usine toxique.
L'histoire se répète à vingt-cinq ans d'écart pour Tamar et Azad si ce n'est que si leurs parents écoutait les prédictions d'une tzigane, les jeunes s'accrochent au pouvoir de la télévision pour réussir à changer de vie. Surtout elle, Tamar (lumineuse Lou de Laâge) parce que lui (Adrien Noblet) fera davantage confiance au cousin d'un ami qui ...
Sedef Ecer est turque. Elle est romancière, auteure dramatique, scénariste (notamment pour le prochain film de Russel Crowe, The Water Diviner), traductrice, journaliste, et comédienne.

Elle a écrit en français (Éditions de l'Amandier) un texte qui interroge sur l'altérité et l'intolérance, sur la trace, les racines, et la fatalité. La beauté des images illusionne un temps le spectateur qui s'imagine que le destin s'infléchira. Mais nous ne sommes pas dans l'univers des contes. Ce n'est pas en déplaçant la pauvreté qu'elle se réduit. Le miroir a changé et les alouettes continueront de se brûler les ailes.

Thomas Bellorini a réuni sur le plateau, autour de Sedef Ecer et Zsuzsanna Varkonyi (qu'il connait de longue date) une troupe qui a pour dénominateur commun une formation à l'Ecole Claude-Mathieu. Chacun remarquera cette très jeune comédienne au parcours professionnel déjà impressionnant, Lou de Laâge, avec une nomination très méritée comme César du meilleur espoir féminin pour son rôle dans le film Jappeloup. Elle aurait pu l'emporter mais la compéttion était terrible face à Adèle Exarchopoulos pour  La Vie d'Adèle.
Kybélée aux pouvoirs magiques (Zsuzsanna Varkonyi) est l'incarnation même de la bohémienne. Elle s'accompagne à l'accordéon et son interprétation de chants tziganes est à elle seule un voyage.

La musique occupe un espace essentiel. On la doit aussi à la violoniste (et guitariste) Céline Ottria qui a une vraie présence. Et bien entendu à Thomas Bellorini qui a supervisé l'ensemble et qui déclare que la musique rend l’émotion universelle et permet de dépasser les frontières, capable de prendre le relais quand les mots ne suffisent plus. C'est lui qui a eu l'idée de faire chanter, en turc, La Vie en rose à Sultane (Sedef Ecer) ... des paroles qu'on ne prendra pas au pied de la lettre, pas plus que les gerberas qui poussent dans les boites de conserve ne feront illusion. Les protagonistes ne sont pas dans le jardin d'Eden.
Sous un air de faux documentaire A la périphérie est un spectacle très coloré, musical et charnel, servi par des comédiens excellents. Quelques pointes d'humour jaillissent. On aurait peut-être attendu qu'après les paillettes et l'exposition d'un bonheur éphémère surgisse une autre fin qu'un constat d'impuissance.

À la périphérie. Théâtre Jean-Vilar, 16, place Stalingrad, Suresnes (92). Tél: 01 46 97 98 10. Du lundi au jeudi à 21 h. Jusqu'au 27 mars

Texte : Sedef Ecer
Mise en scène : Thomas Bellorini
Avec : Sedef Ecer, Anahita Gohari, Lou de Laâge, Adrien Noblet, Christian Pascale, Céline Ottria, Zsuzsanna Vàrkonyi
Lumières : Jean Bellorini
Musique : Zsuzsanna Vàrkonyi, Céline Ottria, Thomas Bellorini
Scénographie : Thomas Bellorini, Victor Arancio

Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Pierre Dolzani

dimanche 23 mars 2014

Le Salon du Livre 2014 ...


(mise à jour le 11 mai 2014)

Dimanche soir, le Salon du livre s'achève et le bilan est semble-t-il très positif. Il suffit de jeter un oeil sur les étagères qui se sont vidées. Les piles ont fondu.

Rien d'étonnant. J'ai vu des dizaines de fans, un livre à la main, faire le pied de grue pour quelques secondes de partage avec leur auteur préféré.

Ce qui était amusant c'était d'écouter les petites phrases. Entre celui qui n'a pas reconnu une figure ultra médiatisée, cet autre si déçue que sa "vedette" ne ressemble pas (ou plus) à la photo qu'elle préfère renoncer à la dédicace ("Ah, ça, mieux vaut l'image !"), ou celle-ci qui ne cherche qu'à se photographier à coté d'une figure emblématique du show business, pour dare dare poster sur les réseaux sociaux, quitte à s'infiltrer de force dans une conversation, et surtout ne même pas faire semblant de s'intéresser à la personne en tant qu'auteur. Lire son livre ? On n'y pense même pas.

Vous aurez compris que tous les visiteurs n'ont pas des motivations littéraires. Cette année était un peu spéciale pour moi. J'y suis allée pour voir et revoir les auteurs que je connais (et réciproquement) et ce ne sont pas nos conversations que je vais déballer ici. Ces moments de partage, en particulier le soir du vernissage, sont des instants privés.
Je suis heureuse d'avoir pu voir ou revoir des personnes dont j'ai chroniqué les romans ces derniers mois comme Ariane Bois, Véronique Olmi dont le prochain titre sortira en janvier, Philippe Mathieu, Cookie Allez, Caroline Sers, Valérie Clo, Xavier de Moulins, Gilles Paris, Laura Berg, Brigitte Giraud, Sophie Adriansen, les auteurs de l'Ecole des loisirs (qui prépare déjà à fêter en 2015 son cinquantième anniversaire) ou du Square culinaire.

J'ai même fait la connaissance d'auteurs dont je vais lire les ouvrages dans un futur proche. Ces rencontres m'ont davantage intéressée que l'inauguration proprement dite, jeudi soir, par la présidente argentine, Cristina Kirchner et le premier Ministre français Jean-Marc Ayrault. 

A deux ou trois exceptions, je préfère aujourd'hui adopter l'oeil du visiteur lambda pour vous montrer ce que vous auriez pu voir si vous vous étiez égaré dans les allées, Porte de Versailles, et j'ai bien davantage tiré le portrait d'inconnus que de mes écrivains préférés, à deux ou trois exceptions près, comme je viens de l'écrire.

Egaré est le mot juste. Le repérage des stands au-delà du nombre 50 est toujours très compliqué, avec un chamboulement de l'ordre alphabétique qui provoque l'énervement. Mais même dans les hautes eaux j'ai remarqué une jeune auteure -dont je garde le nom secret- qui partait systématiquement dans le mauvais sens avant que je la remette sur le droit chemin.

Je n'ai pas mesuré la longueur des files mais il me semble qu'elle fut très longue pour Douglas Kennedy (chez Belfond), un peu moins étendue devant la table de Dominique Besnehard, immense en face d'Eric-Emmanuel Schmitt (chez Albin Michel) ... signant aussi bien la Trahison d'Einstein que les Perroquets de la Place d'Arezzo.
Le Salon du livre peut être cruel pour certains. J'ai remarqué quelques célébrités désoeuvrées devant une table vide. J'ai constaté combien les nombreux visiteurs se précipitent sur… les personnalités les plus médiatiques dans un mouvement de cohue qui lui-même aimante d'autres badauds. Bel attroupement devant Mazarine Pingeot (chez Julliard) qui, hélas pour elle, suscite davantage de remarques sur sa parenté que sur son travail d'écriture.
On voyait de surprenants groupes, affalés dans les allées, prenant leur mal en patience. Dans ces cas là il faut reconnaitre qu'avoir un bon roman à portée de main, ça aide à supporter l'attente. Il m'a semblé qu'avant espérer dire deux mots à Marc Lavoine à propos de "1er Rendez Vous" (Editions de la Martinière) il faudrait bien une bonne heure de patience.
Cécilia Attias m'a paru très studieuse ... appliquée à "bien" dédicacer ... une Envie de vérité, chez Flammarion.
... tandis que des lecteurs avaient décidé de s'offrir une retraite loin du brouhaha, de pique-niquer en toute discrétion derrière les stands, et de lancer des discussions. Me croirez-vous si je vous dis qu'à quelques mètres c'est la cohue dans des allées trop étroites ?
L'équipe de Babelio avait disséminé des extraits des critiques de ses membres sur ce qu'ils appellent les éditeurs partenaires. On m'a parlé de 500 cartons mais je n'y ai pas retrouvé un bout de mes chroniques. Je n'ai pas trop cherché tout de même. Un livre a attiré mon attention, réveillant une forme de culpabilité. J'avais promis de le lire. Il le mérite d'ailleurs et puis d'autres sont venus ...
C'est en cherchant Babelio que j'ai été orientée vers le stand MyBOOX où j'ai participé à un Speed Booking. Nous fûmes une dizaine à nous relayer de table en table pour nous convaincre les uns les autres de lire les livres que nous avions élus. Ce petit jeu littéraire pouvait rapporter de grands romans parus cette année ainsi que des liseuses Kobos Aura aux trois participants qui avaient obtenu les plus de voix.

Nous disposions de 90 secondes chrono pour faire l'article à un autre participant, et cela 9 fois de suite, avec ou non le même livre. Après chaque confrontation, on attribuait une note sur un petit formulaire avant de passer au concurrent suivant, et ainsi de suite, jusqu’à avoir rencontré tous les joueurs. Je n'ai pas remporté le premier prix mais, en me classant dans les trois premiers, je suis repartie avec plusieurs livres ... grâce à mon pouvoir de conviction et donc mon honneur de bloggeuse fut sauf. J'ai surtout eu envie de découvrir certains livres dont on a réussi à me persuader qu'ils me manqueraient.
Irène Cao (chez JC Lattès) était venue d'Italie pour présenter la trilogie italienne qui va bientôt détrôner 50 nuances de Grey et dans laquelle je vais prochainement plonger, en commençant par Sur tes yeux, une occasion de retourner virtuellement à Venise.

Chez Buchet Chastel, JM Erre savourait encore le succès de son passage à la Grande Librairie le soir de l'inauguration. Sophie Van der Linden confiait qu'un nouveau roman était fin prêt, dans un style radicalement différent de la Petite fabrique du monde. On peut faire confiance à son talent. Il s’appellera "L’incertitude de l’aube", paraîtra le 21 août, et je pense pouvoir vous en dire plus sur le sujet à la fin du mois de mai.
Andrès Neuman était venu spécialement pour Parler seul, un des derniers livres à m'avoir bouleversée. Il balaie mes scrupules à cette manie de vouloir se faire photographier à coté de x ou y. Il est manifestement si heureux ce soir que j'accepte.
C'est sans complexe que j'enchaine avec Dominique Dyens (chez Héloïse d'Ormesson), dont j'ai beaucoup apprécié Lundi noir, et dont je suis en train d'achever La femme éclaboussée, à paraître début mai dans la nouvelle collection Suspense au féminin.
C'est Norman Ginzberg qui a fort galamment insisté pour prendre le cliché. Si j'avais déjà lu Arizona Tom nous aurions "posé" tous les trois ... Ce livre apparaitra bientôt sur le blog.
Nadine Monfils (chez Belfond) reprenait la conversation avec un lectorat très fidèle qui navigue comme elle entre Bruxelles et Paris. Très reconnaissable à ses tenues vestimentaires, souvent vêtue de rose, elle orne ses dédicaces de jolis petits dessins et conseille d'aller au festival du film fantastique de Bruxelles. Après avoir envoyé le Commissaire Léon enquêter sur Il neige en hiver et le Silence des canaux elle retrouve le personnage ultra déjanté de Mémé Cornemuse qui cette fois prend des vacances à Hollywood. J'en parlerai bientôt.
J'ai fait connaissance avec Murielle Magellan (chez Julliard). Elle m'avait surprise en s'abonnant à mon fil Twitter @abrideabattue alors que je n'avais encore rien chroniqué à son sujet. Je découvre une femme très sympathique, que je vais très prochainement revoir à propos de son dernier livre, N'oublie pas les oiseaux. Elle m'a raconté avoir expérimenté elle-même cette situation particulière de ne pas ressembler à la photo qui était affichée grand format au-dessus de sa tête. Elle se souvient du regard de la lectrice balayant l'espace, allant de la photo à son visage ... persuadée que la personne qui était en train d'écrire sur son livre ne pouvait être qu'une imposture.
J'ai la tentation de paraphraser le titre du dernier livre de Anna Gavalda (chez le Dilettante) La vie en mieux (3ème place au box-office des ventes cette semaine) en lui décernant la palme de la dédicace "en mieux". Elle est la seule à prendre à ce point soin de son lectorat : deux assiettes de bonbons et surtout un confortable fauteuil, histoire de se sentir dans une certaine intimité. Et tant pis pour tous ceux qui attendent pendant que l'heureux élu tape l'incruste. Je ne vous montre pas la queue ... qui s'allonge sur plusieurs stands.
Antoon Krings (chez Gallimard) prenait le temps de croquer des insectes fidèles à son univers.
Claudie Gallay (Actes Sud) s'apprêtait à se mettre à table, pour dédicacer une Part de ciel (dont je viens de commencer la lecture). Elle m'apprend que son prochain roman, Détails d'Opalka, sortira dans quelques jours. La voici en conversation avec Frédérique Deghelt qui fait partie des 6 derniers finalistes pour le Prix de la Maison de la Presse 2014 (qui sera décerné au Centre national du Livre le 21 mai) avec Les brumes de l'apparence. J'avais beaucoup aimé La Vie d'une autre et j'avoue que je lui souhaite de l'emporter.
Certains auteurs étaient empêchés de dédicace, comme Sandra Mézière (chez Numerklire), que j'ai connue lorsque nous étions toutes les deux jury du Grand Prix des Lectrices de ELLE. Ses publications sont sur téléchargeables à partir d'un serveur. Ce mode de lecture est en pleine expansion mais j'avoue ne pas avoir encore pris le temps de l'explorer malgré mon envie de lire en particulier un de ses romans, Les Orgueilleux.
Le Salon du livre est aussi l'occasion de découvrir des opérations autour du livre, comme le Camion des Mots, ou le programme Nouveaux talents qui accompagne et révèle les écrivains de demain.
J'ai assisté à des séances d'analyse de manuscrits absolument passionnantes au cours d'une session du Labo de l'écriture de la Fondation Bouygues Telecom. Bruno TessarechClaire Silve (éditrice chez Editions JC Lattès) et Claire Debru (aux éditions NiL) ont analysé sans concession les 4 premières pages de premiers romans en cours. C'était passionnant ... et instructif.
Nous avons clos cette soirée par un moment convivial entre bloggeurs (merci Sophie) toujours agréable de retrouver ceux qu'on lit par voie électronique, pour deviser sans intermédiaire.
On voit ensuite le Salon sous un autre angle ... encore animé ici ou là sur les stands où les fêtards s'attardent, sans se préoccuper des chariots de ménage déjà en action. L'ambiance est sans comparaison avec celle du salon de l'agriculture, vivant jour et nuit à plein régime, mais il y avait tout de même une effervescence palpable.

A ceux qui estiment que je suis une "grande" lectrice j'ai envie de répondre que non. La production est immense et j'ai toujours un rayonnage de retard. Ainsi je n'ai ouvert aucun des 30 livres en compétition pour le Prix Orange du Livre 2014. Je repars avec La Petite communiste qui ne souriait jamais de Lola Lafon, chez Actes Sud (gagnée au Speed Booking). Avec La Fin du monde a du retard et N'oublie pas les oiseaux, j'aurai lu pile un dixième. Y aura-t-il le gagnant parmi eux ?

Je crois que je vais céder à la tentation de me connecter sur My Little Book Club pour lire en ligne le premier chapitre des autres même si c'est un peu bizarre que ces trois jours sur le Salon me renvoie finalement sur la toile.

samedi 22 mars 2014

Alain Milliat au Festival Omnivore avec 39 références de jus de fruits et de légumes

Pour une première présence sur le festival Omnivore, Alain Milliat a décidé de venir avec la totalité de sa gamme : 39 références de jus de fruits et de légumes, tous plus tentants les uns que les autres.

Et c'est avec un large sourire que celui qui avoue être "le plus mauvais commercial de la boite" recueillait compliment (mérité) sur compliment.

Je connais la marque depuis quelques années. Ma découverte d’un jus de carottes à l’occasion d’un brunch à l’Hôtel Murano m’a définitivement convaincue. Je n’ai eu de cesse, depuis, de tanner mes amis épiciers et épicières pour qu’ils et elles référencent la marque.

La maison produit de façon artisanale des Jus et Nectars de fruits, mais également des confitures et compotes de fruits, principalement avec des fruits frais, qui se caractérisent par une palette aromatique composée de goûts naturels et authentiques, en reflétant les caractéristiques du fruit frais. Le secret est à la fois simple et complexe. Chaque produit est la résultante de 3 données qui ne varient pas : une variété, un producteur, une région.

Ainsi en matière de pomme, de raisin ou de tomate il y a autant de propositions que de variétés. Le gourmet peut choisir entre Jus Raisin blanc Sauvignon, Raisin rosé Cabernet, Raisin rouge Merlot, Tomate jaune (qui vient de Marmande), Tomate rouge (qui vient de Marmande aussi), Tomate noire de Crimée (qui vient de la Drôme). Côté nectars on a aussi une alternative entre Fraise et Mara des Bois, entre Pêche blanche, Pêche de vigne et Pêche jaune.

La gamme de fruits exotiques est moins vaste mais on trouve tout de même ananas, banane, mangue, litchi (qui vient de La Réunion), mandarine (qui vient de Sicile et dont l'amertume est à peine perceptible), fruit de la passion (qui vient de Panama).
Tout a commencé en 1997 avec la création de six références à partir des propres vergers d'Alain Milliat. Une soixantaine de sommeliers des Relais & Châteaux sont sollicités pour déguster ces créations et donner leurs avis. Le plébiscite est total. La gamme n'a cessé, depuis, de s'allonger, avec de nouvelles saveurs lancées chaque année en fonction des récoltes et des nouvelles découvertes fruitières.

Un process de fabrication rigoureux et bien rodé :
Contrairement aux jus et nectars industriels qui reproduisent tout au long de l’année des saveurs uniformes, les produits Alain Milliat revendiquent d'être différents à chaque saison parce qu'ils sont très proches de la matière première. Leurs goûts et textures varient selon les années et les aléas climatiques. 

Alain Milliat choisit ses zones de production et préfèrent appliquer les méthodes les plus simples : cueillette précoce des fruits pour une meilleure fraîcheur aromatique; répartition des fruits sur l'arbre pour plus d'ensoleillement et un meilleur développement aromatique, vieillissement des fruits sur l'arbre pour un parfait équilibre entre l'acide et le sucré.

Il utilise ensuite une pasteurisation légère pour mettre en bouteille l'essence des fruits qui évoqueront en bouche toute la définition aromatique par exemple de la Griotte (qui vient de Charleval en Provence), et qui est un des nectars les plus vendus, ou de la rhubarbe (qui vient de Picardie) et qui est cueillie en deuxième coupe, pour être moins acide. La sève (ce n'est pas un fruit) est sucrée à seulement 75 grammes. Les chefs aiment la transformer en gelée et les barman ont toujours des idées de cocktails.

Alain Milliat qui dit "démarrer" sur la rhubarbe ne s'arrêtera pas aux premiers résultats. Il compte faire plusieurs propositions en terme de couleur.

Il a mis au point un nouveau système d'extraction pour la poire et la pomme Cox Orange qui a été elle aussi une des meilleures ventes en 2013. Il est toujours en recherche, surtout dans le domaine des agrumes qui, pour lui, est le plus difficile. C'est bien pourquoi il peut être fier de son jus de mandarine (très demandé en ce moment), extrait et surgelés sur place, en Sicile, à partir de lots choisis et qui ne subissent qu'une seule pasteurisation ultérieurement en France, donc un unique choc thermique (quand les industriels en font deux).

En règle générale on ne rajoute rien. Il faut tout de même un peu de vitamine C pour éviter l'oxydation de la Cox Orange, 4 grammes de sel dans le jus de tomates, un jus de citron dans la carotte.

Ne pas céder à la dictature des DLC :
Quand la récolte est achevée, le produit affichera bientôt la rupture. C'est là encore une des particularités de la maison. Quand il n'y en a plus, on n'en vend plus. Alain Milliat a du abandonner le jus de tomates green zebra, n'ayant pas pu retrouver une matière première de qualité satisfaisante depuis 2011. Il s'est mis de coté les quatre derniers cartons pour sa consommation personnelle, ce qui prouve au passage que les dates limites de consommation ne sont pas une dictature.

Dans ce domaine il faut savoir ce qui exige de vieillir, comme la groseille qui doit attendre au moins trois mois, ce qui gagne à vieillir, comme la pomme ou le coing, ou même la griotte que l'on pourrait servir "vintage", ce qui supporte d'attendre, comme l'abricot ou les raisins (jusqu'à une année), de ce qui évolue mal, comme la fraise ou la framboise qui après 3 mois ont perdu beaucoup de leurs qualités.

La DLC est de 3 ans sur tous les produits pour satisfaire l'exigence du marché japonais qui est d'un minimum de deux ans.

Différents modes de dégustation :
Pour ce qui est des tomates, la noire de Crimée est tout de même très agréable. A 17 heures il proposait une dégustation de Bloody Mary avec ce jus là, très agréable en terme de texture et d'équilibre de saveurs, presque sucrées.
Il faut savoir que, dégustés à température ambiante, les défauts éventuels de tous les jus et nectars seront révélés. Leurs qualités sont mises en avant à 15° pour la plupart, 12° pour les raisins. Alain Milliat aimerait qu'on ne mettent jamais de glaçon, pour ne pas casser l'équilibre organoleptique.

Beaucoup de cocktails sont inventés avec la gamme. Par exemple une association cassis noir de Bourgogne et thé vert Sencha pour la clientèle japonaise de Jean-Paul Hévin.

Une gamme qui s'étend à des confitures et des ketchups :
La confiture de tomates vertes est une merveille. Pourtant, malgré l'enthousiasme que j'ai pour cette maison,  je n'étais pas convaincue a priori.

On trouve la même précision que pour les boissons avec mention de la variété, comme la figue violette, les fraises Sengana, le raisin muscat Alexandrie.

Je vous ai parlé de tout cela en détail sans le moindre sadisme : tout est disponible à emporter ou à consommer sur place dans la boutique qui s'est ouverte au 159 rue de Grenelle, Paris 7ème - 01 45 55 63 86, du mardi au vendredi de 11h à 15h et de 18h à minuit. Le samedi de 9h à minuit et le dimanche de 10h à 18h.

Autre article sur Omnivore 2014 : Florent Ladeyn sur la Scène salée

vendredi 21 mars 2014

Le Salon du blog culinaire se parisianise ...

Le salon du blog culinaire est depuis plusieurs années un rendez-vous incontournable pour les blogueurs culinaires qui ne reculent pas à aller à Soissons, la ville natale du Salon, tout simplement parce que s'y trouve le lycée hôtelier où exerce son fondateur, Damien Dusquesne, sous l'égide du site culinaire 750g.com.

J'avais rendu compte de la 6ème édition par ce billet, centré sur Philippe Conticini qui en fut le parrain et celui-ci pour relater d'autres temps forts du week-end.

Après le succès de la 6ème édition en novembre dernier, l'équipe continue sur sa lancée avec le Salon du Blog Culinaire, une journée à Paris #3 qui aura lieu le samedi 12 avril, sur les 450m² de la Galerie Nikki Diana Marquardt, située au 9 place des Vosges. Le programme, riche en ateliers participatifs et interactifs entre passionnés de gastronomie et professionnels, sera dédiée aux blogueurs culinaires et à la communauté gourmande de 750 grammes.

La volonté est de créer un événement sur Paris avec pour objectif de faire se rencontrer tous les passionnés de cuisine, autour d’une journée gourmande, sur le thème de l’échange, de la gourmandise  et du partage.

Les visiteurs seront invités à mette en pratique les conseils qui leurs seront prodigués et à partager leur savoir, à travers différents ateliers…
C'est encore Philippe Conticini, chef pâtissier d’exception, qui sera le parrain de cette nouvelle édition.

Le salon n'aurait pas lieu sans des partenaires comme Interfel et Terre Exotique
- Interfel : pour que les fruits et légumes frais n’aient plus aucun secret pour personne. Il nous reste encore des choses à apprendre sur leur consommation, leur préparation, leur conservation. On attend qu'on nous donne envie de nous lancer dans des recettes à base de fruits frais avec l’arrivée du printemps !

- Terre Exotique : pour faire voyager les papilles, découvrir les civilisations et la gastronomie du monde.

Retrouvez toutes les informations sur www.salondublogculinaire.com et restez connectés pour plus d’informations !

Pour vous inscrire : c'est ici 

jeudi 20 mars 2014

De bons légumes pour une journée sans viande.

Journée sans viande aujourd'hui ... certes c'est un peu idiot de consacrer 24 heures à ceci ou cela mais si ça peut s'accompagner d'une prise de conscience applaudissons.

Avec de très bons légumes c'est même un régal. Et puis il fat bien une idée pour célébrer le premier jour du printemps qui, cette fois-ci ne tombe pas le 21 mars.

La journée internationale sans viande existe depuis 1985. Elle a une origine américaine puisqu'elle est promulguée par l'association FARM qui milite pour une alimentation sans viande et se propose de lutter pour le respect des animaux, la préservation de la planète et l'amélioration de la santé humaine.

Ce soir je vous propose donc une recette de circonstance.

Il faut d'abord cuire des légumes racines (le terme fait savant au moment de passer à table) comme les carottes et des panais, de préférence braisés, dans une sauteuse antiadhésive et sous couvercle. N'oubliez pas de rajouter de l'eau dès que le risque de brulure se fait sentir. Comme le dit Thierry Marx, mieux vaut une bonne eau qu'un mauvais bouillon-cube bourré de glutamates.

Ensuite on fera de même avec quelque chose de vert. J'ai une préférence pour le chou Romanesco qui se passe d'être blanchi (ébouillanté) avant cuisson.

J'ai mixé la moitié des carottes avec une tomate fraiche (pour donner un peu d'acidité) et une demi briquette de tofu, jusqu'à avoir une consistance à mi-chemin entre sauce et purée. J'ai salé et poivré.

J'ai servi comme on aurait fait avec un aioli. Le petit bol de sauce au centre et les légumes tièdes autour. Comme si c'était des mouillettes ...

mardi 18 mars 2014

La dame de la mer, une pièce d'Ibsen mise en scène par Omar Porras

Marc Jeancourt, le directeur du théâtre La Piscine de Chatenay-Malabry (92), se devait de présenter le contexte de l'arrivée de cette Dame de la mer sur la scène de son théâtre.

Il avait bel et bien programmé un spectacle d'Omar Porras mais il devait s'agir initialement de quelque chose autour du Grand Guignol.

Sauf que le metteur en scène n'avait pas achevé ce travail. Par contre il avait entrepris la mise en scène d'une oeuvre méconnue d'Henrik Ibsen que Marc a été invité à venir voir à Genève, au théâtre de Carouge, au cas où, et qu'il a décidé immédiatement de prendre.

Les abonnés ont eu le choix de suivre cette proposition ou de se reporter sur un autre spectacle. Après avoir assisté au spectacle je peux dire aux frileux qu'ils ont eu carrément tort. J'avais beaucoup apprécié sa version de l'Eveil du printemps de Wedekind. Cette fois je suis carrément fan. Parce que c'est un moment de grâce qu'il nous offre.

Pour résumer Ellida a autrefois aimé un homme qui a dû fuir. Elle ne l'a jamais oublié mais elle a refait sa vie, comme on dit, avec un médecin et élève deux belles-filles qui lui sont plutôt hostiles. Son époux l'adore. Elle est restée amoureuse du marin qui,un jour resurgit. Que choisira Ellida ?

Au début du spectacle, le plateau est nu, ceint d'un cyclo sur lequel s'imprime un ciel d'un bleu profond qui pourrait aussi être l'océan où Ellida va se baigner chaque jour. Un piano à queue grand ouvert attend un musicien. C'est tout.

La musique a une importance capitale. Les mélomanes reconnaitront un air de Peer Gynt qui sera joué en boucle. Comme le dit le metteur en scène la musique traversera le spectacle comme une charrue dans la mer. Omar, qui ne manque pas d'humour, aurait voulu disposer d'un orchestre mais la limite de ses moyens lui imposa de choisir un seul instrument. Ce fut le piano et Didier Puntos, qui est d'abord un musicien, s'est révélé comme acteur. Omar a bien conscience qu'il lui demande beaucoup. Le spectateur n'y prend sans doute pas garde mais qu'il accepte de pousser le piano  en coulisses lorsqu'il n'a pas de raison de rester sur scène est un vrai défi. Il le fait seul, à mains nues  en prenant le risque de se blesser les doigts.

Ibsen est réputé pour être un des premiers auteurs féministes. Dans son théâtre les femmes ont le choix de leur destin. Une autre des caractéristiques de son écriture est qu'elle est traversée par les personnages fantastiques qui sont familiers en Scandinavie. Le surnaturel est pour lui quelque chose de familier. La frontière entre les vivants et les morts n'est jamais étanche.

La scénographie conçue par Amélie Kiritzé-Topor conjugue tous ces aspects. Les apparitions et disparitions de la maison, fragile coquille de noix ouverte aux éléments, rythment les scènes réalistes avec les autres, où Ellida est envahie par la folie.

Omar Porras explore les origines du sentiment amoureux qu'il mesure à la raison. Il fait du théâtre pour trouver la petite lumière de l'âme qui va être utile aux autres. Ellida est dans le dilemme du choix amoureux, éprouvant avec douleur sa capacité de regarder l'amour dans toutes ses couleurs.

La mise en scène fait vivre ce quelque chose d'invisible qu'on ne maitrise pas, que certains appellent esprit, quand d'autres invoqueront la magie, ou encore la foi. Des images surgissent sur le fond de scène, hallucinations, levers de soleil ou éblouissements, toujours différents d'un soir à l'autre.

Et quand on s'extasie de la précision de l'emploi des fumées qui, pour une fois au théâtre, n'est pas anecdotique mais essentiel, le metteur en scène souligne combien ces moments sont fragiles.
S'il fallait en retenir une leçon ce serait d'être davantage sincère avec ce qu'on ressent qu'avec ce qu'on pense. parce que, comme l'écrit Ibsen ce n'est pas parce qu'on ne comprend pas un sentiment qu'il n'en est pas réel.

A la fin Ellida comprendra qu'elle est entièrement maitresse de sa destinée. A méditer.
La Dame de la mer a été créée en France 1964 par Sacha Pitoëff, au Théâtre de l'Œuvre. Elle a été peu montée. le hasard du calendrier fut qu'elle a été programmée en octobre dernier au Théâtre Montparnasse  dans la mise en scène de Jean-Romain Vespérini, avec notamment Jacques Weber, et Anne Brochet. Je n'ai pas vu cette version mais celle d'Omar Porras me semble si juste qu'il me serait difficile d'en apprécier une autre, surtout si l'aspect onirique est atténué au profit du traitement essentiel de la condition féminine entre amour et liberté. Car chez Ibsen c'est la liberté qui rend la femme disposée à s'attacher.

Les deux heures du spectacle sont un enchantement. Et pourtant il y a des scènes comiques, évoquant le cinéma et les magazines des années cinquante, des belle-filles maniérées comme des pestes, mais rien n'est gratuit.

Omar Porras parle facilement de son travail. On le voit ici discuter avec Marc Jeancourt ... peut-être de l'emploi de la carte blanche qui lui est offert samedi 23 mars. Il parait qu'il promet de faire danser tout le monde en Salle des Machines sur les mêmes airs qu'on pourrait entendre si on allait à Bogota, rumba, mango, boléro et chachacha.

La dame de la mer, une pièce d'Henrik Ibsen mise en scène par Omar Porras

Assistant à la mise en scène Jacint Margarit
Adaptation Omar Porras et Marco Sabbatini
avec Sophie Botte, Philippe Cantor, Olivia Dalric, Paul Jeanson, Serge Martin, Jeanne Pasquier, François Praud
Musicien Didier Puntos
Scénographie Amélie Kiritzé-Topor
Maquillage et coiffure Véronique Nguyen
Lumières Mathias Roche
Création son Emmanuel Nappey
Costumes Coralie Sanvoisin
Accessoires Laurent Boulanger

au Théâtre de la Piscine du 18 au 22 mars 2014 (relâche 21 mars)
Ensuite en tournée en Suisse à Morges / Théâtre de Beausobre le 2 avril 2014 puis à Monthey / Théâtre du Crochetan le 11 avril 2014

La photo qui n'est pas logotypée A bride abattue est de Marc Vanappelghem.

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