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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

dimanche 31 août 2014

Pique-nique littéraire annuel pour Babelio

Quatrième édition pour les "babelistes" qui se sont retrouvés ce dimanche dans les Jardins de Bercy, en bordure du Jardin Yitzhak Rabin et avec un temps d'une clémence devenue rare en cette fin d'été.

Si les lecteurs aiment partager leurs découvertes de papier ils n'ont pas l'habitude de faire nappe commune. Ce n'est pas par mauvaise volonté mais par manque de spontanéité que chacun (ou presque) s'était préparé "son" sandwhich ou "sa" boite de salade, sans songer à se munir d'une simple assiette.

C'était alors compliqué de proposer de faire goûter un plat ... Du coup la première partie de la rencontre a été un peu étrange, même si, assez vite, des solutions ont permis aux petits plats de circuler entre les groupes. Il y a sans conteste un espace de progression à exploiter.

L'ambiance était cependant très sympathique et les nouveaux venus n'ont pas regretté le déplacement.
Quelques personnes se sont glissées parmi nous pour profiter de l'occasion et faire la publicité sur leurs activités ou leurs publications.
Il y eu ainsi des militants de Book Crossing, une des associations prônant l'abandon des livre à l'air libre afin que d'autres lecteurs s'en emparent. Un astucieux système de traçabilité permet de suivre le chemin parcouru.
Nous avons donc été incités à rejoindre le mouvement en choisissant un ouvrage parmi ceux qui ont été déposé sur l'herbe.
Les quizz ont cette année encore titillé les neurones. On les a trouvé faciles, même le second annoncé comme ardu. A moins que ce ne soit le niveau de révision des participants qui soit en cause pour expliquer que tant d'entre nous ont déclarés 10 réponses sur 10.

Les questions subsidiaires furent donc déterminantes pour désigner les gagnants d'une Babelio Box. (des livres bien sûr mais aussi des tee-shirts, des sacs en tissu ...). LiliGalipette fut de ceux-là, ce qui n'a surpris personne. Nous n'avions pas concouru en solo et les gagnants ont partagé leur lot avec fair-play avec les membres du groupe qu'ils avaient composé.
Autre tradition désormais : la loterie de livres. Chacun était venu avec un ouvrage (de la valeur d'un livre de poche) empaqueté et dédicacé. La moisson fut collationnée dans un grand sac, où les mains ont plongé laissant faire le hasard. J'ai tiré Au temps du Roi Edouard de Vita Sackville-West, choisi par Titine 75 avec qui j'ai fait connaissance. Je lui dirai bientôt ce que cette lecture aura suscité en moi.
Le plus drôle parfois fut de s'apercevoir qu'on avait entre les mains le bouquin choisi par la personne dont on avait gouté une quiche ou un dessert. De nouvelles amitiés se dessinaient, dans le plus pur esprit Babelio.
Quand on consulte le calendrier de la rentrée 2015 on pressent qu'il faut d'ores et déjà bloquer la date du dimanche 30 août pour nous retrouver en nous promettant d'amener quelques amis. Pour ma part j'étais venue accompagner de deux personnes et nous avons prolongé l'après-midi en découvrant de l'autre coté de la Seine la forêt qui pousse au pied des quatre immeubles en forme de livre ouvert de la Très Grande Bibliothèque, dépaysante à souhait.

vendredi 29 août 2014

Toute ressemblance avec le père de Franck Courtès chez JC Lattès

Franck Courtès est photographe indépendant. Il partage son temps entre Paris et la campagne. Il est l’auteur d’Autorisation de pratiquer la course à pied, un recueil de nouvelles, paru chez Lattès en 2013.

Un an plus tard il publie Toute ressemblance avec le père, titre équivoque qui ne le reste pas longtemps, après avoir jeté un trouble passager.

Les auteurs sont nombreux, à commencer par Aragon dans Aurélien, à écrire précautionneusement quelque chose du style : Les personnages et les situations de ce roman sont purement imaginaires. Toute ressemblance avec des faits ou des personnes privées que l'on pourrait y apercevoir serait entièrement fortuite et indépendante de la volonté de l'auteur.

On comprend vite que la question ne se pose pas pour Franck Courtès. Il a extrêmement tout construit et rien n'est fortuit. A commencer par la couverture où il se met en scène, avec son propre fils, dans une posture semblable, l'appareil photo simplement dressé entre eux. Le lecteur devient la paroi qui renvoie leur image.

La relation avec son enfant est prétexte pour explorer celles qui se sont nouées -ou qui ont été manquées- avec le père, en l'occurrence celui de l'auteur. Car il s'agit bien d'un récit autobiographique. Et s'il est difficile de se construire avec l'image d'un fantôme de père il n'est pas impossible de modifier sa trajectoire. Yves Saint-Laurent est cité en exergue : Tout homme pour vivre a besoin de fantômes esthétiques.

A défaut d'accepter son passé, l'écrivain en fait un terreau et réussit merveilleusement à le modeler en déconstruisant l'histoire, pour mieux donner du corps à chaque chapitre. On pourrait critiquer la manière dont la chronologie bouscule le lecteur comme les secousses d'une voiture dont on pousse le régime. Je me suis dit que j'allais caler. Mais non. Au final j'ai ressenti un vrai plaisir de lecture avec ce qui est devenu un vrai roman.

On bénéficie au passage de quelques analyses fort justes sur le métier de photographe et la difficulté que le sujet peut avoir à accepter son image. Ainsi Laure estime la photo très bien, mais ne s'aime pas dessus au motif que c'est horrible de vieillir (p. 218). Franck Courtès, photographe, analyse : Chacun doit renoncer à l'image de sa jeunesse un jour ou l'autre. Ce n'est pas une question de beauté mais de temps. Le photographe en est le fossoyeur. C'est la raison pour laquelle on nous craint tant. L'appareil photo est une faux impitoyable.

Il nous donne aussi quelques très belles descriptions de paysages, notamment ces séances de pêche à la truite qui enclenchent et clôturent le livre. Aucun doute que son oeil de photographe est au centre du cyclone de son enfance : j'étais un cristal de garçon, nous prévient-il p. 12. 

Nous sommes nous aussi hantés par nos souvenirs, surtout quand ils sont associés à la brutalité d'un départ qui a été insuffisamment expliqué. Les morts tragiques ont tendance à transformer la victime en héros ou en modèle, avec des injonctions comportementales qui composent un héritage souvent très lourd, surtout pour un adolescent.

Il faut beaucoup de ténacité et d'amour pour fouiller le passé, faire la part des choses, tenter de comprendre, peut-être de pardonner pour ne pas répéter avec son propre fils les erreurs de parcours que l'on a subies. On peut tout par la pensée, fait-on dire à l'enfant (p. 438). On peut tout par les mots, dirais-je de l'écrivain.

Toute ressemblance avec le père de Franck Courtès chez JC Lattès, en librairie depuis le 27 août 2014

jeudi 28 août 2014

Joseph de Marie-Hélène Lafon chez Buchet Chastel

Marie-Hélène Lafon m'a surprise avec la citation de Paul Cézanne. Ce n'est pas le peintre que j'aurais spontanément associé aux paysages de ses romans.

Par contre j'ai retrouvé intact son style si particulier qui, me semble-til, décrit avec une humanité accrue les derniers paysans cantaliens : Joseph, la patronne, Raymond (le chien), le patron et plus loin la Cécile du Casino, le fils Couderc, et puis aussi les disparus, le François de la Gazelle, le fils Lavigne ...

C'est que, chez ces gens là, on est le/la comme si on n'avait pas sa propre appartenance. Joseph s'en trouve anobli. Il est Joseph, un point c'est tout sous la plume de l'auteure. On ne connaitra que son prénom. Il est le personnage principal mais il ne saurait exister davantage. Il est ouvrier agricole, dans le Cantal, mais il pourrait l'être dans un autre terrain, terreau ou terroir.

En rédigeant son récit de vie, Marie-Hélène Lafon fait de Joseph un héros ordinaire, comme on dit désormais ... Cette lecture emballera ceux qui ont connu ce monde qui s'éteint où le temps fut longtemps suspendu avant de choir lentement mais inexorablement.

Quelle que soit la campagne que l'on ait pu approcher, pour peu qu'on ait connu un grand-père ou une cousine qui "vivait à la ferme" on sera ému de retrouver les rituels de réassurance qui n'ont hélas rien évité, le lexique particulier des campagnes et cette manière de parler comme "faire maison" pour s'établir, se marier.

Joseph observe, et nous regardons le monde à travers lui. Et nous les voyons s'éteindre tous les deux, lui d'abord parce qu'il a dépassé la soixantaine et que c'est un âge qui pèse quand on a comme lui turbiné durement. Et puis aussi ce monde agricole qui est en train d'agonir.

Il lui est arrivé peu de choses mais elles furent dévastatrices, surtout une histoire d'amour qui a mal tourné et qui a failli l'emporter. Joseph a sombré dans l'alcool, banal ... mais le travail l'a sauvé. Il a réussi à tenir la tête hors de la boisson, à rester vivant, et surtout à devenir ou rester un être d'une douceur qui force le respect.

Joseph n'a fait ni famille, ni maison. On pourrait croire qu'il fait corps avec le mobilier. Il parle peu, agit peu, mais à bon escient. Sa vie semble étriquée et pourtant elle craque comme un vieux parquet, sans rompre. Et surtout Joseph résiste, il sait se tenir et c'est ce qui le tient.

Marie-Hélène Lafon a dit de son roman que c'était un road movie immobile, une épopée ordinaire de haute solitude, mais une solitude peuplée par le monde que son personnage a sous sa peau. L'auteure est une archéologue ethnologue d'une précision infinie. Les paysages affleurent sous les mots. Tout ce monde grouille et on ne s'ennuie pas. On est transporté en douceur dans ce pays où les choses étaient réglées comme ça. On referme le livre avec le sentiment d'avoir gagné en tendresse. On se dit que c'est bien de l'avoir écrit, qu'il fallait le faire, que surtout c'était ces mots là qui auraient le pouvoir d'en faire comme un reposoir.

Il faut le lire avant ou après l'Annonce, que j'avais tout autant aimé. J'avais rencontré Marie-Hélène Lafon en 2010 pour la sortie de ce livre. Ce qu'elle avait dit alors demeure d'une actualité aussi forte.

Joseph de Marie-Hélène Lafon chez Buchet Chastel

lundi 25 août 2014

On ne voyait que le bonheur de Grégoire Delacourt chez JC Lattès

Grégoire Delacourt s'y entend comme personne pour dresser des listes, établir des récapitulatifs. Il l'a prouvé avec La liste de mes envies. Il remet ça avec son dernier roman, On ne voyait que le bonheur. Avec des chapitres brefs, qui claquent comme les pages qu'on tourne, assez vite, en croyant que cela ne s'arrêtera pas alors qu'il en est des livres comme de la vie ... tout à une fin.

On dirait des nouvelles, des instantanés, un livre de photos, jetées dans un désordre qui n'a rien de chronologique, qu'il nous autorise à feuilleter et dont il nous souffle les commentaires.

L'auteur pèse ce que vaut ce monde, notre monde qui, par bienséance débaptise un dessert, appelé autrefois "tête-de-nègre" pour le renommer Othello mais qui ne semble pas choqué de laisser se multiplier les licenciements.

Quand on aime, peut-on compter autre chose que de l'amour à deux balles ?  Le narrateur est prolixe. Sa soeur s'exprime à demi-mots.

Que le récit soit autobiographique ... je l'ignore. Nostalgique de toute évidence, à l'instar de ce cliché qui suggère la tranquillité d'un art de vivre à la française dans les années 70, et de quelques leitmotiv comme ce rêve de boire des Blood and Sand au Mexique qui s'insinue dès le début. Il faudra attendre la page 181 pour en connaitre la recette. 

Qui ne s'interroge pas un jour sur ce qu'il a reçu en héritage de ses parents ? Le narrateur attribue à son père son incapacité à se laisser aimer (p. 103). De ce handicap il a fait une force qui lui permet d'accomplir son métier d'assureur sans état d'âme. Son incapacité à éprouver de la compassion fut une aubaine pour son patron.

Ensuite, son entourage pourra bien le toucher dans le petit pyjama de leur vie (p. 170) ... il n'empêche qu'il ne sera pas capable d'agir autrement que d'une manière violente, justifiant ses actes en reportant , encore une fois, la responsabilité sur son père : le mal que j'ai fait c'est le mal qu'il m'a fait (p. 210).

En tout cas s'il y a un sujet qui résonne absolument plus vrai que vrai ce sont les lignes consacrées au licenciement et aux méthodes de Pôle Emploi, notamment avec deux pages implacables (p. 235-236). Celui qui n'a pas connu cela ne sait pas ce que c'est que le dégoût de soi, ni où il peut conduire, ni de quel drame il peut être le déclencheur.

On l'approuve lorsqu'il écrit que l'on pousse tordu sans l'amour d'une maman (p. 354). Par contre je ne suis pas d'accord avec lui quand il affirme que le bonheur, on ne sait jamais qu'on est en train de le vivre, contrairement à la douleur (p. 343) même s'il avait auparavant expliqué joliment le pourquoi du titre, On ne voyait que le bonheur ... (p. 77)

Le roman s'articule en trois parties très différentes mais chacune empreinte d'une très forte humanité et de références qui emportent le lecteur vers d'autres rivages. C'est la surprenante citation de Clémence Boulouque extraite de son livre Je n'emporte rien du monde : Le temps est passé. Alors le temps est venu. (p. 269). C'est encore la chanson qu'interprétait Nicole Croisille Parlez-moi de lui ... (p. 356)

Comprendre, c'est faire un pas de géant vers l'autre. C'est le début du pardon. (p. 218)

Tout compte fait, et une fois terminés les alignements de chiffres, on admettra que le vrai sujet du livre était là dans la capacité à concevoir le pardon.

On ne voyait que le bonheur de Grégoire Delacourt chez JC Lattès, août 2014

dimanche 24 août 2014

Louise de Julie Gouazé aux éditions Léo Scheer

Vous savez l'attention que je porte aux premiers romans. Celui-ci n'a pas failli à la règle : je l'ai lu le lendemain de son atterrissage dans ma boite aux lettres, malgré d'autres urgences. Je n'ai pas été déçue. Julie Gouazé a une écriture déjà bien affirmée.

La citation (p. 53) du grand succès de Louise Attaque (2007) colle parfaitement à son style, aussi dynamique que J't'emmène au vent. Louise, c'est d'ailleurs le prénom de l'héroïne et le titre du livre, mais le roman aurait aussi bien pu s'appeler Alice tant les deux soeurs agissent en miroir, malgré 14 ans d'écart d'âge.

L'une boit, l'autre se noie dans une boite de nuit.  

L'une a du mal à élever son enfant, l'autre à en concevoir.

Alice est la soeur chérie, adorée, imitée ... enfin jusqu'à un certain point. Jusqu'à ce qu'elle devienne comme un fantôme et que Louise se sente alors en constant décalage.

Louise est une hyperactive. Semble d'une solidité à toute épreuve mais le lecteur comprend vite que ce n'est qu'une armure qui protège son hypersensibilité. C'est aussi ce qui rend le personnage d'emblée si attachant. Elle se lance à corps et âme perdus dans des entreprises qui ne sont pas à sa portée. Louise expérimente. Probablement que son inconscient lui souffle que si elle accompagne un séropositif jusqu'au bout du bout, que si elle survit au monde de la nuit alors elle pourra aussi sauver sa soeur. Louise ne sait pas encore que dire non, cela s'apprend aussi.

S'étourdir. S'occuper. Surtout se taire. Sauf que s'abrutir jusqu'à l'écœurement ne guérit personne. Cela permet juste de cocher la case et de savoir qu'on ne l'y reprendra plus. (p. 56)

On s'inquiète avec elle pour sa soeur, et pour son neveu. On s'énerve presque que les parents ne remplissent pas leur fonction de "croqueurs de cauchemars" comme elle l'écrit si joliment (p.90). Et pourtant ils sont toujours présents, pas démissionnaires pour deux sous. Bref, on y croit.

Julie Gouazé raconte les années 70, les photos carrées, le formica, le Bac, Noël, les vacances en combi VW, la famille ... Il y a un chapitre magnifique sur la nourriture (le chapitre 16) que je ferais bien de méditer : ne pas nourrir c'est ne pas aimer. Cuisiner beaucoup, c'est adorer. Ne pas manger, c'est délaisser. (...) C'est une habitude de guerre, cette façon de ne rien jeter. C'est pour cette raison que Louise ne mange pas de pain frais.

Mon Dieu, comme j'ai pu râler chez mes parents contre cette même manie d'acheter une baguette fraîche, craquante, et si tentante chaque jour, mais d'attendre le lendemain pour la rompre, au motif qu'il faut bien finir d'abord le pain de la veille. Jusqu'à ce que je pense trouver la combine, engloutir l'une pour gagner le droit de l'autre. Peine perdue, le lendemain ma mère avait acheté deux baguettes. Ça m'est resté : aucun croissant au monde ne vaudra du pain frais au petit déjeuner.

L'auteur décrit l'alcoolisme avec des mots justes. Elle évoque le coma éthylique avec pudeur, sans verser dans le pathos. Sa retenue donne une force supplémentaire au récit qui est avant tout une histoire familiale où l'amour est au centre de tout.

Elle démontre aussi que la tête pense, et que lorsque les mots ne sont pas dits c'est le corps qui s'en charge. Mais que la vie réussit toujours à retrouver le chemin qui conduit vers le rire.

Julie Gouazé est née en 1977 à Lyon. Après un DEA d'histoire contemporaine et un DESS en communication politique, elle a travaillé dans la communication puis est devenue journaliste. Elle a collaboré à différentes publications. Après un passage à LCI elle a intégré la rédaction du magazine Ripostes sur France 5. Elle travaille depuis quatre ans en tant que lectrice pour plusieurs maisons d'éditions. Elle vit aujourd'hui à Paris. Louise est son premier roman.

Louise, Julie Gouazé, Léo Scheer, 162 pages, en librairie depuis le 20 août 2014

samedi 23 août 2014

L'Histoire d'un amour de Catherine Locandro, Editions Héloïse d'Ormesson

Premier indice sur la couverture, avec la citation des paroles de cette chanson écrite par Pascal Sevran qui fut le grand succès de l'année 1975, ... J'avais oublié simplement que j'avais deux fois dix-huit ans.

Deuxième indice, la dédicace que me fait Catherine Locandro  résumant son nouveau roman à ce couple "la chanteuse et le jeune homme".

Troisième avec le titre, L'Histoire d'un amour, qui a révélé au public cette même chanteuse, en 1958. Elle avait encore la voix arrondie par l'accent :
Mon histoire c'est l'histoire d'un amour
Ma complainte c'est la plainte de 2 coeurs
Un roman parmi tant d'autres

Ce n'est pas la couverture qui par contre vous donnera le dernier indice pour trouver le nom de cette chanteuse qui vivait rue d'Orchampt, dans sa maison de Montmartre, occupée avant elle par Louis Ferdinand Céline qui y écrivit le Voyage au bout de la nuit (p. 79), devant laquelle je suis passée il y a quelques années.
Le roman est né d'une jolie idée que l'auteure nous explique page 9 et nous donne les clés à la fin. L'ensemble compose un  livre assez mince, mais d'une densité qui ramène l'artiste parmi nous et nous la rend encore plus vraie, même pour ceux qui ne l'ont pas connue.

Nous voilà à Rome dans les années 80. Un certain Luca apprend la mort de la Chanteuse (elle sera toujours désignée par une majuscule) en même temps que le monde entier comprend qu'elle fut son amour de jeunesse. Elle était italienne mais la famille du jeune homme la désigne comme "sa parisienne". C'était toujours mieux que "cette femme" dont l'accablera la mère du garçon en remuant le passé.

Luca la rencontra à la suite de ce qu'André Breton aurait qualifié de "hasard objectif" (p. 59). Etaient-ils faits l'un pour l'autre ? Etait-ce une erreur de jeunesse pour l'un, de maturité pour l'autre ? Le mot erreur bien entendu ne convient pas, on le comprendra au fil des pages. 

Peut-on dire qu'un amour ne dure pas ? Quelle différence fut la plus déterminante, celle de l'âge ou de la classe sociale ? Ce qui était peu admissible dans l'Europe des années 60 serait sans doute mieux accepté aujourd'hui ...

Ce fut un amour secret et comme l'analyse Catherine Locandro, le secret n'est bon pour personne, ni pour celui qui le garde, ni pour ceux qui en ignorent l'existence. (p. 106).

On ne peut qu'être sensible à ce récit qui, pour une fois, adopte le parti masculin, et qui se place surtout loin, très loin des proses sensationnalistes de la presse people.

L'Histoire d'un amour, Catherine Locandro, Editions Héloïse d'Ormesson, 21 août 2014

vendredi 22 août 2014

L'incertitude de l'aube de Sophie Van der Linden chez Buchet Chastel

Vous allez, dans une dizaine de jours, accompagner vos enfants à l'école. En France, la rentrée n'est pas particulièrement joyeuse. Surtout en Maternelle. Les Mamans et les Papas "posent" une demi-journée pour consoler leur bambin de ce qu'ils vivent comme un abandon.

On entendait autrefois la recommandation d'être gentil avec la maitresse. Elle est devenue : j'espère que la maîtresse sera gentille avec toi. Les temps changent ... Alors beaucoup d'écoles pratiquent la rentrée échelonnée, de manière à accueillir "comme il se doit" les familles et les petits, pas plus de cinq nouveaux par matinée (ce qui fait tout de même au bas mot 15 individus, sans compter l'espace occupé par les caméras et appareils photo). En une semaine les présentations sont terminées, sans pleurs ... surtout du coté des mamans parce que les enfants sont en général ravis de conquérir de l'indépendance.

C'est gagné quand ils sont malheureux que "demain y a pas école". Et coup de bol désormais même le mercredi sera un jour d'école. Je ne vais pas lancer le débat, je ne suis pas sûre que mon ironie serait décryptée.

En Ossétie du Nord, il en va autrement. Il en allait. Le jour de la rentrée était une immense fête. Et le matin du 1er septembre 2004, toute la petite ville de Beslan, 37 000 habitants, n'a pas dérogé à la règle. Aucun des participants n'imagine qu'un millier d'entre eux courent vers une catastrophe sans précédent. Dix ans plus tard, les controverses ne sont pas élucidées, le procès n'a satisfait personne et les ravages psychologiques sont immenses. Peut-être Sophie Van der Linden contribue à les apaiser un peu avec ce livre qui est un hommage vibrant à cette enfance meurtrie.

L’Incertitude de l’aube se focalise sur Anushka et sa meilleure amie, Miléna, sautillant joyeuses sur le chemin de l’école. C'est à peine si on sent le risque d'un malheur en lisant que la petite fille marche en évitant précautionneusement les traits entre chaque pierre du rebord du chemin (p. 15). Tous les enfants font cela.

Etre séparée de Miléna pour cette nouvelle année scolaire ET se retrouver dans la classe de Mme Leviakoff semblent alors les choses les plus horribles qui soient pour la petite Anushka qui, tout l'été, a eu le pressentiment que quelque chose d'horrible allait se produire.

Le pire est pourtant à venir ... La fête est finie avant d'avoir commencé. Ce n'est pas un spectacle de clowns qui se déroule dans le gymnase, mais une prise d'otages par des fascistes, terroristes, méchants, appelez-les comme vous voudrez ... Première leçon : les synonymes.

L'oiseau, les pétards, les chants, les cris, un CLAC ... les sons occupent un espace confiné, vite envahi par la chaleur, la peur, la puanteur. Impossible de hiérarchiser.

Anushka, 8 ans, a survécu à la noyade, à l'étouffement dans la faille d'une falaise. Elle se croit immortelle, comme tous les enfants. Elle se culpabilise aussi. Comme tous les enfants. Faire une bonne action pourrait être la parade au malheur ... Comme sauver une abeille peut-être, en partant du principe qu'une vie vaut une vie.

Faire une prière, même si elle croit difficilement (p. 38) que Dieu existe en permettant que des enfants meurent ou qu'il y ait des guerres. Ou encore se raccrocher à la morale des contes où ce sont toujours les vilains qui sont punis.

Dans ce domaine, qui est sa grande spécialité, Sophie connait toutes les histoires et toutes les comptines que l'on peut invoquer, et dont elle livre chaque référence à la fin (p. 149), nous épargnant une fastidieuse exploration via Internet. J'en ai appris de multiples que je ne soupçonnais pas. Comme Châtaigne, la petite chienne du conte de Tchekhov que je vais m'empresser de rechercher.

Je rappelle que l'auteure a publié il y a quelques mois un ouvrage remarquable sur le sujet : Album [s] de Sophie Van der Linden, sous la direction artistique d'Olivier Douzou, en Coédition Editions de facto / Encore une fois, chez Actes Sud Junior, octobre 2013 que j'ai présenté sur le blog en mai dernier.

Anushka est très courageuse face à la mort, la faim, la soif, et la peur qui prend possession de son corps. Mais son cerveau résiste, en pensant aux paroles de sagesse de son grand-père : "Ta richesse, c'est ce que tu as dans la tête, personne ne pourra te le voler. Tous tes souvenirs, ils sont à toi, pour toujours. Tu peux les visiter à chaque instant, où que tu sois, les saisir à pleines mains. Ils font partie de toi. C'est la seule chose qui ne pourra jamais t'être enlevée."

La petite fille se concentre, devient pierre, s'évade, revit ses derniers repas, évoque un à un chaque souvenir, puis l'imaginaire se substitue au réel avec le prochain anniversaire, un voyage au Pôle Nord, ... au paradis.

Sophie Van der Linden a écrit un roman d'une grande gravité avec un style poétique qui le rendrait presque léger, faisant s'envoler l'oiseau d'Arthur Rimbaud qui permet une fin ouverte.

J'avais été enthousiaste à la parution de son premier roman, l'an dernier. La fabrique du monde reste un livre remarquable. Il a ce point commun avec celui-ci d'explorer le comportement d'un individu au sein d'un univers hostile, dans une narration qui est toujours écrite à la première personne, entrainant le lecteur au coeur de ce qu'il n'a a priori pas envie de voir, mais cela sans verser dans l'insoutenable ou le pathologique.

Elle a déjà commencé son troisième roman qui, lui, ne se passera ni en Chine, ni en Russie ... sans que je puisse vous en dire davantage pour le moment.

L'incertitude de l'aube de Sophie Van der Linden chez Buchet Chastel, en librairie le 21 août 2014

jeudi 21 août 2014

Pétronille d'Amélie Nothomb, chez Albin Michel

J'avais fait le mauvais pari. Je pensais Amélie Nothomb suffisamment dingue des chapeaux pour consacrer un jour un roman à une héroïne dont le prénom évoquerait immédiatement cet univers. Je savais pourtant l'ampleur de son addiction au champagne. Cela transpirait suffisamment dans des ouvrages précédents.

J'en ai lu beaucoup plus que j'en ai chroniqué. Pétronille est le cinquième ouvrage de la romancière à propos duquel je me hasarde à écrire. Cela m'autoriserait-il à prétendre définir ce qu'est "un roman nothombien" ?

Un roman "nothombien", néologisme que je trouve amusant, est un texte autocentré sur l'auteur qui se justifie du fait que tout ce qu'on aime devient fiction (et réciproquement). C'est un livre toujours superbement enrobé d'une sur-couverture pensée par Philippe Narcisse qui est un graphiste génial. Souvenez-vous de la mise en scène du Fait du Prince ... Neuf fois sur dix Amélie y apparait avec un chapeau, parfois en recyclant le même ... chapeau de paille noire.

C'est un sujet en général imbibé de champagne à un endroit ou un autre. A cet égard le livre précité est un modèle du genre, élevant le buveur de champagne au rang d'aristocrate. Barbe-Bleue n'était pas en reste.

Le mot pneu y apparaît systématiquement quelque part.

On y trouve une allusion à une ville de la banlieue sud. Cela ne risque pas de m'échapper, j'y habite. L'an dernier c'était Verrières-le-Buisson. Cette fois ci, sa voisine Antony.

J'y apprends toujours un terme nouveau que j'ai du mal à recaser dans les semaines qui suivent. Avec Pétronille, c'est "sycophante" (délateur professionnel dans l'Athènes Antique) dont elle traite un paparazzi (p. 23). Quelque chose me dit que je m'amuse à jouer la sycophante dans cette chronique.

Ce fut abstruse dans Tuer le père (p. 134) et hospitographie dans Une forme de vie.

Il y a beaucoup de crimes, la fin justifiant les moyens. Le jeu tient aussi une place indéniable et Pétronille ne déroge pas ni à l'un, ni à l'autre.

C'est un livre qui se vendra à plus de 300 000 exemplaires, ce qui permet à notre écrivaine de pouvoir vivre et boire de sa plume. Soit dit en passant, elle doit consacrer autant de temps à écrire à ses lecteurs qu'à rédiger ses romans. C'est la rançon de son succès et surtout de ses promesses d'entretenir la correspondance avec ses fans. Elle ne se lasse pas d'affirmer qu'elle adore aussi les rencontrer. C'est parfois le sujet d'un roman, voire de deux puisque Pétronille, comme Une forme de vie, est aussi centré sur cela.
C'est bien entendu toujours un roman à clés, pour le plus grand bonheur de son lectorat.

Donc, je jette la clé du chapeau qui, pourtant me semblait lui aller comme un gant. Peut-être devrais-je lui envoyer une lettre pour le lui suggérer ? Avec quelques clichés pris à Caussade, où l'industrie du chapeau de paille est d'abord née de l'emploi des pailloles, tressées par les gardeuses de brebis des Causses.
L'initiative de les coudre pour en faire des chapeaux provient de Pétronille Cantecor (1762-1846), à l'origine paysanne vendeuse sur le marché. En 1860, le chemin de fer permettra l'essor de l'industrie chapelière, en facilitant la venue de lourdes machines modernes. Bientôt la paille locale est insuffisante, elle est importée d'Italie ou sous forme de paille de riz d'Extrême-Orient.
La mode chapelière subit les aléas de la mode et aussi les crises. Mais quelques chapelleries sont encore actives et je crois savoir que Roland Garros s'y fournit toujours ... ainsi que la royale Elisabeth d'Angleterre.

On peut encore y voir des modèles qui ont marqué l'histoire de la mode. C'était un sujet en or mais Amélie préféra l'or du champagne. Soit !

Couleront donc des flots de Veuve-Clicquot (meilleur après 36 heures de jeune), Roederer, Laurent-Perrier, Moët, Taittinger, Krug, Philipponnat, Perrier-Jouët, Jean Josselin (dont j'apprends qu'il a un goût de levure), Piper-Heidsieck (qu'elle rafraichit dans la neige), Dom Pérignon, Joseph-Perier, Dom-Ruinart blanc de blanc, et même Baron Fuente, qui n'est connu que d'une poignée d'initiés.

Si après une telle publicité on ne lui adresse pas des cuvées spéciales pour provoquer une citation dans le prochain roman c'est à désespérer des relations publiques.

J'aurai une pensée pour elle à la prochaine édition des Habits de lumières d'Epernay où je suis surprise qu'elle ne soit pas invitée. A force de crier au ... champagne, une forme d'usure se fait peut-être sentir ...

L'ivresse ne s'improvise pas. Elle relève de l'art (p. 7). Amélie se dédouane de passer pour une poivrote en cherchant un convignon ou une convigne (elle a décidément le talent des néologismes) avec qui partager sa passion.  Rien n'est plus difficile que de trouver la bonne personne avec qui boire prétend-elle. Car il faut avoir le vin gai !

Logique qu'elle la trouve parmi ses lectrices venues en dédicace puisque c'est une de ses occupations favorites. Ce sera le moyen de rendre hommage à l'une de ses amies, Stéphanie Hochet ... la clé vient de tomber dans la flute.

Car Stéphanie, alias Pétronille, s'avèrera écrivaine elle aussi. Décrypter les titres donnés dans le roman est un jeu d'enfant :
Vinaigre de miel pour Moutarde douce
- l'Apocalypse selon Ecuador pour l'Apocalyse selon Embrun
- Les Coriaces pour les Infernales
Je ne sens pas ma force pour Je ne connais pas ma force
- Aimer le ventre vide pour Le combat de l'amour et de la faim
- La distribution des ombres pour la distribution des lumières
- Les immédiates pour Les éphémérides
- Le sang du chagrin pour Sang d'encre

On peut s'interroger sur cet éloge du chat ... je veux dire de celle qu'elle décrit comme son contraire, extrêmement française, avec une gouaille qui la place à mi-chemin entre Zazie dans le métro et Christopher Marlowe, très insolente, garçon manqué et impertinente, grande spécialiste élisabéthaine, aussi bien dans la fiction que dans la réalité.

On suit leurs disputes, de vraies altercations comme dans une vraie amitié.

Amélie Nothomb copie un extrait d'une lettre que Jacques Chessex, l'écrivain suisse disparu l'an dernier, aurait envoyé à son héroïne, lui jurant (p. 141) qu'elle faisait désormais "partie de ses fous", ce que Stéphanie Hochet a publiquement révélé et que l'on peut lire sur son site.

Malheureusement Pétronille ne vit pas de ses livres, elle, et met du beurre dans les épinards en louant son corps à la science pour des essais thérapeutiques. Les noms des médicaments cités n'existent pas, mais cette révélation jette un certain effroi, tout autant que l'activité à laquelle elle se livrera à la fin, avant de filer comme un chat, pirouette nothombienne ultime.

Entre temps elle aura rendu également hommage aux libraires qui l'accueillent si bien (avec du champagne) en donnant des noms et des adresses rigoureusement exacts. A commencer par l'Astrée, 69 rue de Lévis dans le 17 ème, connue pour investir le trottoir et y improviser un apéritif après la dédicace. Elle poursuit avec Le Merle Moqueur, 51 Rue de Bagnolet, dans le 20 ème.

Elle nous fait cadeau de quelques heures passées à Londres pour interviewer Vivienne Westwood, cette vieille et géniale créatrice de la crinoline punk. L'entrevue est désastreuse et la créatrice se révèle être une créature parfaitement odieuse. Amélie règle ses comptes en précisant qu'elle n'invente rien.

Cette femme qui confie en interview sa peur d'être dévorée par ses lecteurs se livre en pâture. Qu'elle ne s'étonne pas de provoquer ce qu'elle redoute, à force de jouer avec la fiction et la folie. Je referme le livre en me demandant si à trop s'exposer, elle ne finira pas par perdre son identité, elle qui craint tant qu'on ne la lui vole. C'était le sujet principal du Fait du prince et cela reste en filigrane celui de ce dernier roman.

Pétronille, Amélie Nothomb, Albin Michel, ISBN 978 2226 25831 1, en librairie le 21 août 2014

Billet consacré à La nostalgie heureuse, 22 août 2013
Billet consacré à Barbe bleue, 24 août 2012,
Billet consacré à Tuer le père17 août 2011
Billet consacré à Une forme de vie, 29 août 2010, tous parus chez Albin Michel

lundi 18 août 2014

Que faire avec une Douceur de vinaigre ?

Douceur de vinaigre, une jolie appellation qui plairait à Amélie Nothomb (je vous dirai pourquoi dans deux jours) et que j'ai découverte ce mois-ci dans le Sud-ouest, exactement à Lautrec, auprès de la cuisinière-teinturière Françoise Carrayol dans sa Ferme au village.

Je n'ai pas encore imaginé de recette pour la version à la cannelle mais j'ai ouvert le flacon de Douceur au gratte-cul qui est une création maison obtenue avec un mélange de sucre, vinaigre de miel, cynorrhodon et hibiscus.

Françoise le recommande sur des salades, pour caraméliser une viande rouge et un gibier, sur un fromage de brebis et en décoration d'assiette avec tous les desserts.

Je l'ai laissé goutter au milieu d'un fromage blanc où j'avais intégré quelques pincées d'un mélange pour pain d'épices, entre une alignée de tranches de pêches blanches et un émietté de meringues aux cacahuètes. Avec une feuille de basilic pour offrir un parfum supplémentaire.

Deux présentations sont possibles. Soit en vrac, style Eton Mess, (qui originellement est composé de fruits, d'amandes , de crème fouettée et de meringue brisée d'où le nom de "mess") dans un bol assez haut, qui a ma préférence.
Soit à l'assiette, plus élégamment sans doute.

Ce qui est primordial, c'est la personne avec qui on le partage et le décor extérieur, de belle campagne ensoleillée.

dimanche 17 août 2014

Les hommes meurent, les femmes vieillissent, Isabelle Desesquelles, Belfond, 14 août 2014

J'aurais pas cru que ce serait un coup de coeur. Rien ne me plaisait, ni le titre, trop déprimant, ni le visuel de couverture, un coquelicot boursoufflé, et le nom de l'auteure ne me disait rien. C'est bête un lecteur/trice, ça décide en un coup d'oeil s'il/elle estime aimer ou pas. Quelle idiote j'aurais été si je n'avais pas passé outre. J'aurais manqué un texte rare.

Les hommes meurent, les femmes vieillissent ... ce n'est même pas le sujet essentiel du roman. Si l'affirmation est vraie d'un point de vue statistiques (parce que l'espérance de vie d'un homme est de six ans inférieure à celle d'une femme) cela ne l'est pas dans toutes les réalités. Ici, c'est le suicide d'Eve qui fait mentir l'adage.

Certes, j'ai lu attentivement et j'ai repéré que cette phrase est issue du livre (Eve p. 118). Mais tant qu'à choisir un extrait j'aurais misé sur quelque chose de plus énigmatique comme cette phrase de Jeanne : Cette brindille couchée sur un cheval au nom de perroquet. Ou alors, si on voulait rester dans le concret, sur cette affirmation de Lili : La vie est un sport d'endurance.

Vous aurez compris que j'aurais davantage insisté sur la vie que sur la mort. Cela tient peut-être à mon tempérament ou à mon état d'esprit actuel, ou encore à mes propres préoccupations. Depuis que je vais chaque semaine en maison de retraite je déteste tout ce qui me rappelle le sujet.

N'empêche que Isabelle Desequelles, qui n'en est pas à son premier roman, (celui-ci est le sixième) même si j'en ignorais l'existence, écrit drôlement bien, et avec une efficacité redoutable. Elle dresse le portrait d'une dizaine de membres d'une famille qui n'est pas la mienne et qui m'est devenue familière en quelques pages.

Je ne cherche pas à savoir comment elle fait ... sans doute un formidable sens de l'observation, des kilomètres de prises de notes et la chance d'avoir dans son entourage des personnages hauts en couleur.  Elle libère la parole de chacun d'une façon qui lui est propre. L'institut de beauté qui est l'épicentre de sa narration est loin de l'imagerie classique de ce type d'endroit et de tous les clichés d'une beauté qui se doit de claquer comme le regrette Manon (p. 159).

Les mots percutent. Les dix personnages sont comme des quilles, parfois vacillantes. Certains ne s'en relèveront pas. D'autres seront épargnés, pour quelque temps encore. Dix caractères très affirmés. Dix âges extrêmes, entre une vie neuve et une vie usée jusqu'à la corde (p. 182). Dix façons de s'atteler à vivre avant de mourir, avec une aptitude plus ou moins forte à capturer des instants de bonheur.

Chacun verra ces moments selon sa sensibilité. Pour Yves c'était aller chercher les oeufs du jour sous le cul des poules.

Cela c'était autrefois ... Désormais l'oubli vient se chercher à L'Éden, l'institut de beauté d'Alice. S'y dévoilent les secrets, les forces et les fragilités aussi, la jouissance et la défaite, l'allégresse à aimer et les renoncements. Avec toujours en leitmotiv, le souvenir d'Eve, l'absente, sans laquelle il faut continuer à vivre.

Isabelle Desesquelles fait davantage qu'écrire un roman. Elle pointe et fustige des clichés qui traversent les siècles, un peu comme je l'avais lu sous la plume de Martin Winckler dans le Choeur des femmes il y a quatre ans et dont je continue à recommander la lecture. Elle dénonce cette ode à la souffrance et le diktat de la féminité absolue qui semblent si naturels avant qu'on ne réfléchisse à la question : Pourquoi les accepte-t-on, ces vies ? On aura mal lu le mode d'emploi. (Caroline, p. 31) qui très vite suscite la rébellion : J'en ai marre de grandir. J'ai plus l'âge.

Il y a des pages formidablement bien écrites sur le couple, la procréation médicalement assistée, l'accouchement (et ses conséquences!), la chirurgie esthétique, les maisons de retraite ... et même l'éducation nationale, toutes de facture aussi percutante. Avec beaucoup d'affirmations, et de questions aussi, où l'on soupçonnerait presque de la rage, et à tout le moins de l'audace. 

Le livre de Jack London, Martin Eden, fait partie du décor. Beaucoup de références littéraires, musicales et cinématographiques (surtout italiennes, mais pas que) émaillent les tableaux. Vous reconnaitrez sans doute l'actrice que l'auteure désigne comme "cette fille osseuse et son chapeau de diva", même si elle ne le porte pas dans l'image ci-dessus. Je pensais à ce film quelques secondes avant d'en lire la référence. (Lili p. 52)

Tout m'a touché. Aucun des protagonistes ne m'a laissé indifférente. Je n'ai pas envie de les ranger par ordre décroissant d'intérêt ou d'affinité. Il y a du vrai dans chacun. Comme dans l'inquiétude de Clarisse (p. 86) : Sommes-nous toutes un paquet de promesses qu'on ne tient pas ?

Cette lecture m'a donné très envie de découvrir maintenant d'autres livres d'Isabelle Desesquelles, et de cette Clarice Lispector, que je connaissais pas non plus.

Dans un précédent texte, Fahrenheit 2010, elle a raconté sa vie de libraire. Elle a depuis fondé une résidence d'écrivains, la maison De Pure Fiction qui se trouve dans une région où j'ai séjourné cet été, même si ma motivation y fut culinaire, pour satisfaire un des autres axes du blog. Elle est en effet à proximité du restaurant Lou Bourdié qui est un des sujets les plus lus sur A bride abattue.

Les hommes meurent, les femmes vieillissent, Isabelle Desesquelles, Belfond, depuis le 14 août 2014 en librairie

samedi 16 août 2014

Les fiancés de Loches au Théâtre du Palais-Royal


(mise à jour juin 2016)

J'avais entendu dire autour de moi que Les Fiancés de Loches était un des spectacles à ne pas louper cet été. J'en sors et je n'ai qu'un regret, ne pas y avoir couru plus tôt.

Si vous voulez oublier la grisaille parisienne, programmez-vous une soirée au Palais-Royal sans attendre que la circulation ne bloque de nouveau la capitale et encombre les rames du métro.

De toutes façons il y a urgence car la dernière (irrévocable d'après le théâtre) aura lieu le 6 septembre, après 3 mois pleins.

Je n'avais pas, jusque là, remarqué l'inscription au fronton de la scène : Mieulx est de ris que de larmes escrire. Pour ce que rire est le propre de l'homme. Vivez Joyevx. Rabelais

En sortant du théâtre, je me disais qu'Hervé Devolder nous en avait livré une époustouflante démonstration en mettant en scène la pièce que Georges Feydeau a co-écrite avec Maurice Desvallières. On la redécouvre totalement car on n'a pas l'habitude de l'avoir vue et entendue en comédie musicale.

Pour être joyeux ça l'est ! Rabelais serait satisfait.

Enlevé, élégant (les costumes sont très aboutis, comme tout ce à quoi nous a habitué leur créateur, Jean-Daniel Vuillermoz, Molière 2011 pour les costumes d'Henri IV), agilement chorégraphié, extrêmement drôle et surtout intelligent, ce qui n'est pas si courant pour du vaudeville. Dans un décor en trompe l'oeil parfaitement réussi de Jean-Michel Adam.

Résumé du spectacle :
Eugène Gévaudan, apothicaire à Loches, son frère Alfred, et sa sœur Laure, sont montés à Paris pour trouver des partis. Croyant être dans l’agence matrimoniale de Plucheux, ils débarquent dans le bureau de placement de Séraphin et sont recrutés comme domestiques chez le Docteur Saint Galmier. Ils prendront le docteur, sa sœur Rachel et sa fiancée Léonie pour leurs prétendus ! L’irruption de la cocotte Michette, ancienne maîtresse de Saint Galmier ajoutera aux quiproquos et aux coups de théâtre ainsi que la méprise qui fera croire à Saint Galmier que ces trois curieux domestiques sont trois aliénés échappés de son établissement de soins : le Louvre hydrothérapique. C’est dans ce lieu insolite, entre deux baignoires que s’achève la pièce en un dernier acte délirant et effréné.
Cela commence par la satire d'une agence de placement qui résonne avec les plaintes qui sont faites à propos de Pôle Emploi. Les chômeurs s'énervent de devoir patienter. Ce n'est pas parce qu'on est privés d'emploi qu'on a (aussi) du temps à perdre. Surtout quand on est mis à la porte de l'agence parce que c'est l'heure de déjeuner.
Un seul s'en tire à bon compte, bien qu'il ne sache rien faire. Il intègrera un zoo où il sera bien bon à peigner la girafe. Séraphin, le patron de l'agence, a réponse à tout. Il s'y entend pour accorder les offres aux demandes. Alors quand son copain de l'agence matrimoniale se retrouve lui aussi sur le pavé il prendra les choses en main "naturellement".

C'est là que les vrais ennuis commencent pour notre plus grande distraction.
Les Lochois sont ploucs à souhait, mais pas stupides. Et on les suivrait volontiers quand ils esquissent quelques pas de bourrée.
Leur condition d'employés de maison révèlera leur incompétence dans le domaine mais pas dans celui des bonnes moeurs : nous pourrions faire un impair, craignent-ils prudemment.

On leur annonce qu'ils vont servir ... mais à quoi ? se demandent-ils avec raison.
Les jeux de mots entrainent les quiproquos : samedi ça me dit, jeudi je dis ... c'est classique mais ça fonctionne encore mieux en chansons. Les apartés ajoutent le piment nécessaire. On rit et on applaudit beaucoup. C'est que les comédiens chantent en direct et que l'on les apprécie à leur juste valeur, ainsi que les musiciens qui jouent eux aussi en direct, juste derrière le décor.

Les injures lancées à tue-tête sont drôlisssimes ; on voudrait prendre des notes pour les réutiliser en provoquant une dispute entre collègues, rien que pour voir leur tête ...
Il y a aussi de la sensibilité et une certaine tendresse. On irait presque jusqu'à compatir avec ces gens qui en ont assez des mariages parisiens et s'en retournent à Loches.
Après un petit French Cancan tout de même.

Jacques Mougenot a osé faire une adaptation musclée, soustrayant ici, ajoutant là. Feydeau terminait sur un dialogue entre la cocotte et le droguiste provincial :

Michette. — Quelle désillusion ! moi qui rêvais les grandeurs, qui me croyais déjà la femme d’un lord italien.

Gévaudan. — Un lord ! Ah ! bien ! consolez-vous ! vous auriez été malheureuse, vous connaissez le proverbe : ni Lords ni les grandeurs ne nous rendent heureux !

Au Palais-Royal on rebondit sur le mot "heureux" pour invoquer le poème de Du Bellay, un artiste angevin :
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand on rit, on sourit, on est guéri !!!! Le mot de la fin est dit. Rabelais serait content, je vous le dis.

Les fiancés de Loches, d'après Georges Feydeau
Théâtre du Palais-Royal, 38 Rue de Montpensier 75001 Paris
du mardi au samedi à 21h, jusqu'au 6 septembre 2014
Avec Christine Bonnard, Charlotte Filou, Clarra Hesse, Claudine Vincent, Adrien Biry-Vicente, Arnaud Denissel, Fabrice Fara, Patrice Latronche, Franck Vincent
Réservations : 01 42 97 40 00

Les photos du spectacle sont de Emilie Brouchon.
Le spectacle a obtenu le Molière 2016 du spectacle musical.

jeudi 14 août 2014

Sauf quand on les aime de Frédérique Martin chez Belfond

Frédérique Martin publie un nouveau livre que je me suis empressée de lire tant j'avais aimé le précédent, Le vase où meurt cette verveine, également chez Belfond, il y a deux ans.

Sauf quand on les aime commence plus brutalement. Cette auteure n'a pas peur d'aborder de plein fouet les violences de la vie et leurs tumultes. Un instant je n'ai pas eu envie de la suivre sur ces chemins là. Et puis la magie de l'écriture a dompté mes peurs. C'est que Frédérique pose les mots avec un élan qui entraine le lecteur parce qu'elle sait aussi parfaitement laisser filtrer la tendresse entre les lignes.

On peut lire sur la quatrième de couverture que "Sauf quand on les aime ébauche le portrait d'une jeunesse silencieuse qui peine à se mettre au monde. Une jeunesse meurtrie en quête de liberté et d'avenir, confrontée au défi d'aimer."

Ce n'est pas tout à fait exact parce qu'avec elle la différence générationnelle n'a pas de sens. Ce sont les sentiments qui priment. Elle continue, comme avec Le vase ..., de démontrer qu'il n'y a pas d'âge limite pour les vivre. Et c'est bien.
Claire, Juliette et Kader ont un peu plus de vingt ans, et la vie les a déjà malmenés. Dans un contexte peu accueillant, ils se sont adoptés et ont fabriqué ensemble une nouvelle famille. L'arrivée de l'indomptable Tisha et les tourments enflammés de monsieur Bréhel vont tout bousculer. De Toulouse à Tunis, pris entre amour et amitié, ils se frôlent et se heurtent, mais tentent à tout prix de préserver leur tendresse et leur solidarité.
Jusqu'au jour où la violence leur impose la mesure du réel.
Frédérique Martin parvient à insérer des dialogues plus vrai que vrai. J'ai pas besoin d'un garde du corps. J'suis pas Beyoncé. (p.34) T'es en mode reproches ?

Elle sait aussi bien dresser le portrait psychologique de ses personnages en leur insufflant une dose d'universalité où l'on peut se reconnaitre : L'indépendance est couteuse, par moments. Tenir debout seule, se défendre, tout régler soi-même. Il reste peu de place pour la légèreté et l'insouciance. (p. 34)

Son écriture ne s'embarrasse pas de mots doux. Elle laisse venir les mots crus si nécessaires. Elle convoque aussi (p. 169) Philippe Djian avec les très belles paroles de la chanson de Stephan Eicher, Tu ne me dois rien (album Engelberg, 1991)

Elle pointe la question de l'égalité homme-femme avec une acuité qui ne laissera personne insensible, enfin peut-on l'espérer ... : Tu sais ce que c'est, être une femme ? T'es jamais tranquille, ni dans la rue, ni dans les parkings, ni aux arrêts de bus, dans les forêts, à la campagne de sa race ou dans les putains de trains ! Ben reste chez toi, qu'ils disent. Mais c'est pire ! T'as encore plus à craindre des mecs que tu connais. Lis les stats ! (p. 84)

Elle campe des personnages radicalement différents, chacun attachant pour leurs travers, et surtout leur appétit de vivre. Il y a la courageuse Juliette dont le père jugeait que "socialement elle n'est qu'une merde" qui s'échine dans une maison de retraite et qui n'a pas son pareil pour réussir le pain perdu. Tisha l'impulsive pour qui cela ne fait pas de doute, M. Bréhel aurait été bercé trop près du mur. Claire qui adopte à son insu la philosophie de sa mère : voir et laisser venir. Leur voisin solitaire, atypique et sans âge, se situerait selon elle à mi-chemin entre le tragique et le burlesque, le clown et le poète. Kader qui réfrène autant son envie de buter ses collègues un jour sur deux que son désir de révéler ses sentiments à Juliette. Et puis les autres, qui gravitent autour d'eux comme des satellites, avec les collisions qui s'ensuivent.

Elle nous livre un récit vif, amusant, toujours tendre, souvent poignant, parfois insoutenable comme la vie peut l'être souvent. Rien d'étonnant à ce que son roman soit déjà dans la liste de la Première sélection roman Fnac.

Frédérique Martin vit près de Toulouse. Prix Prométhée de la nouvelle pour L'Écharde du silence (Le Rocher, 2004), elle a également publié, entre autres livres, un roman pour la jeunesse, un recueil de poésie et, chez Belfond, Le vase où meurt cette verveine (2012) qui sortira aussi le 4 septembre chez Pocket, avec une nouvelle couverture.

Elle sera le 10 septembre 2014 à la Librairie Ombres Blanches de Toulouse pour une rencontre et signature à partir de 18 heures.

Sauf quand on les aime, Frédérique Martin, Belfond, sortie en librairie 14 août 2014
Le livre est sorti en format poche chez Pocket le 7 juillet 2016

mercredi 13 août 2014

Le coach à L'Alambic Comedie

Ça s'appelle le Coach mais les auteurs auraient pu aussi bien titrer "le Boulet", "le Manipulateur", "la Blonde"...

Le thème est désormais familier. Le coaching a investi l'univers professionnel, sportif, culinaire ... Certains ne peuvent plus choisir un meuble ou s'accorder une nouvelle coiffure sans se référer à un spécialiste. Signe de manque de goût personnel, diktat des codes ou de manque de confiance en soi ?

Patrick Marmignon est ce qu'on appelle un gentil garçon, tellement bon, si conciliant qu'il en est ... (le public murmure la réponse). Il accepte toutes les missions, même et surtout les plus simples au motif qu'il n'est pas fait pour les conflits. Résultat : on profite de lui à outrance, que ce soit sa mère, sa soeur ou son patron ce qui l'empêche de se consacrer à la conquête de sa collègue Vanessa Letessier dont il demeure le bon camarade et qui, pour le moment, n'est ni douce ni tendre avec lui.

Lorsqu'il tombe sur la promesse suivante : Vous êtes timide. Vous n'arrivez pas à vous faire respecter. Maitrisez vos émotions, Patrick décroche le téléphone pour solliciter un rendez-vous avec celui dont il espère qu'il va l'aider dans tous les domaines. Assuérus Chêne se prétend en effet être un coach personnel réputé, ... et donc coûteux. 
Les épreuves commencent avec celle de la chaise qui pique, suivie d'un test de personnalité où manifestement les réponses de notre homme ne sont pas dans les cases : si vous voulez que je réfléchisse cela va fausser votre test ... Rien ne se déroulera comme prévu et on se demande si le GPS humain parviendra malgré tout à conduire son client à bon port.
Bruno Bachot a été ingénieur en communication d'entreprise avant de se consacrer totalement au théâtre. On comprend pourquoi les dialogues (qu'il a co-écrit avec Denis Bardiau), tout en étant pleins de fantaisie, sonnent plus vrai que vrai. La pièce est diablement bien écrite, entrecroisant les réflexions sur l'amour et la vie professionnelle. Comme si réussir dans un de ces domaines présageait le succès dans l'autre. 

On revoit Raymond Devos qui nous avait habitués à des réparties insensées. On pense aussi à Jean Yanne qui refusait péremptoirement d'emprunter les routes départementales.  Ceux qui se souviennent du film d'Olivier Doran (2009), avec Richard Berry et Jean Paul Rouve, verront quelques points communs, à commencer par le nom des personnages et la situation générale mais le résultat est très différent entre la version théâtrale et l'adaptation cinématographique.

La mise en scène, également signée de Bruno Bachot, est alerte. Le théâtre est petit mais il a réussi à caser un décor évocateur. Le texte joue en permanence sur le premier degré et le figuré et accumule les méprises. On rit beaucoup d'un rire libérateur. Et comme la frontière entre le plateau et la salle est réduite on est en proximité avec les comédiens, fin prêts à reprendre les dialogues avec eux à la fin du spectacle.
Beaucoup de moments ont le potentiel pour devenir cultes, comme le moment où Patrick jure n'avoir bu qu'une coupe ou deux, pas plus de trois, alors qu'il est quasi ivre-mort.

La distribution de la création (avec Bruno Bachot, Magali Bros, Philippe Gruz, Thierry Taranne) a changé. Mais aucun des "nouveaux" n'a besoin de coaching pour améliorer leurs performances. Christophe Querry endosse sans crainte le rôle du coach. Loïs Le Du (qui est aussi le directeur du théâtre) campe Hubert Dampierre, un patron caricatural à souhait, et Alice Gaulon une Vanessa fort attractive. Quant à Aurélien Timoner, il semble être fait pour le rôle de Marmignon.
 

Je le précise parce que trois distributions se déploient en parallèle, entre le festival d'Avignon et une tournée en région. Vous n'avez pas fini d'en entendre parler et de recommander ce spectacle dont on ressort dopé à donf.
Le coach à L'Alambic Comedie, comédie de Bruno Bachot et Denis Bardiau
Du mercredi au samedi à 20 heures
12 rue Neuve de la Chardonnière -  75018 Paris 
Réservations par téléphone : 06 32 75 59 36
Administratif : 01 42 23 07 66

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