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lundi 20 octobre 2014

Le poison d'amour d'Eric-Emmanuel Schmitt chez Albin Michel

Après l'Elixir d'amour dont les adultes étaient censés s'abreuver, Eric-Emmanuel Schmitt a concocté le Poison d'amour pour étancher la soif des adolescents. Il a utilisé pour le second le verso du visuel de la couverture du premier. Il faudra trouver autre chose pour la tisane d'amour qui abordera les passions du quatrième âge ont il nous donne les prémices dans son dernier opus.

L'éditeur annonce un roman. On découvre presque une pièce de théâtre avec, à l'intérieur, une mise en abîme de Roméo et Juliette. Evidemment c'est Julia qui ambitionne de jouer le rôle titre féminin. Ce sera plus compliqué de trouver Roméo.

L'affaire de poison est cousue de fil blanc, même si le rebondissement qui intervient dans le dernier tiers est plutôt bien trouvé.

Mes enfants sortent tout juste de cette période délicate qu'est l'adolescence. Les moeurs évoluent à une vitesse folle. Je suis peut-être déjà "out" et Eric-Emmanuel Schmitt s'est sans doute ultra documenté pour écrire des dialogues plausibles dans la bouche des jeunes d'aujourd'hui. Mais je n'ai pas reconnu les paroles que j'entendais hier ... Les femelles du lycée, (p. 30) coller mieux qu'une moule (p. 40), des sentiments monochromes (p. 43), être un enfant requiert beaucoup d'indulgence envers ses géniteurs (p. 63), être heureuse jusqu'à la fureur (p. 97), les soirées essorantes (p. 116),  toutes ces expressions me semblent davantage relever de la plume d'un écrivain que du feutre d'une jeune fille.

Il faudrait relire Pastel fauve, de Carmen Bramly, que je qualifiais à sa sortie de roman pour adultes écrit par une adolescente pour en avoir le coeur net.

Quant aux situations, les avortements à répétition, la criminalité sous forme d'appel au secours, la découverte de l'homosexualité du père ... ce sont des sujets qui ont certes une belle portée dramatique mais on conviendra que ce n'est pas le lot commun de la plupart des teenagers.

Il fait dire à Colombe (p. 19) que selon les statistiques nous aurons plusieurs métiers et formeront plusieurs couples. Je ne suis pas sûre pour autant que les jeunes aient renoncé au rêve de l'amour éternel. Une des jeunes filles reprend à son compte la sublime (mais paradoxale) théorie shakespearienne : Si tu ne m’aimes plus, c’est que tu ne m’as jamais aimé.

Amour, haine, élixir ou poison tout serait affaire de dosage.

L'auteur veut nous faire croire qu'ils sont à ce point désabusés qu'ils préfèrent vivre dans l'idée que l'amour est à considérer comme une denrée périssable. Pourtant il nous démontre l'inverse car ses personnages sont prêts à mourir d'amour. Et c'est Colombe, au prénom lui aussi évocateur, qui délivre l'ultime message au lecteur : Aimez avant de mourir !

Les quatre jeunes filles du romancier Schmitt sont quatre copines au profil hystérique, disons pour le moins excessif ou cyclothymique. On évitera de juger leurs actes comme relevant de la perversité, ou alors d'une manière inconsciente, ou malencontreuse. On dira que c'est la naïveté de la jeunesse.

On dira aussi que c'est l'effet des hormones, potentialisé par l'accélération de la communication, même si étonnamment, l'auteur n'abuse pas de l'emploi du téléphone, des mails et des textos, et encore moins des sextos auxquels on m'a dit que les ados étaient initiés.

A lire avant ou après le second volet de ce dyptique, ne serait-ce que pour vérifier l'assertion de Shakespeare : l'amour altère le jugement. Si j'étais prof de lettres je donnerais le sujet en dissertation.

Le poison d’amour, Éric-Emmanuel SCHMITT, chez Albin Michel, sortie en librairie en octobre 2014

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