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vendredi 23 janvier 2015

La Cantine du Troquet essaime rue Daguerre

J'ai vécu dans le quartier Daguerre et je suis très heureuse d'y revenir, surtout pour constater que l'atmosphère de village n'a en rien disparu. Tout le monde emploie ce terme pour caractériser quelques rues du XIV° arrondissement.

Il y a quelques jours je dînais chez Augustin au 79 de la rue. Je suis ce soir à quelque numéros, sur le même trottoir, chez Nicolas Gras qui est le patron d'une nouvelle Cantine du Troquet. La formule de Christian Etchebest est bien rodée.

Christian Etchebest est originaire du Béarn. Son visage est familier depuis qu'il est intervenu dans plusieurs émissions télévisées, comme Bon et à savoir, Panique en cuisine ou surtout La plus belle région de France sur M6 en mai dernier. Il ne faut pas le confondre avec Philippe Etchebest avec qui il n'a que deux points communs : d'être chef et né dans le Sud-Ouest.

On lui doit le concept de bistronomie, synonyme de qualité en référence à la gastronomie des restaurants. Il a lancé la formule en 1998 au Troquet, élu "bistrot de l'année" par le guide Pudlo2. Il a poursuivi en 2008 avec la Cantine du Troquet "Pernety", rue de l'Ouest puis la Cantine du Troquet "Dupleix", Boulevard de Grenelle en 2012. L'année suivante Heineken fait appel à lui comme conseil sur le concours de biérologie dont les résultats ont été communiqués au Carreau du Temple en mai dernier. J'avais fait sa connaissance alors qu'il venait de revoir la carte de La Cantine de la Cigale, à Montmartre et j'avais gardé un souvenir mémorable d'un plat de couteaux.

Les deux amis peuvent trinquer joyeusement. L'endroit ouvert lundi ne désemplit pas. C'est justice parce qu'on y trouve d'excellents produits, souvent simples mais si bons qu'ils nous semblent exceptionnels.
Cela commence avec le verre que l'on prend sur le comptoir de zinc, pour attendre qu'une table se libère car on ne peut pas réserver. Pensez donc, il n'y a que 29 places.

On peut aussi choisir un pichet de vin qui vous suivra ensuite. 

Mais si vous ne connaissez pas le Cerdon, tentez l'expérience sans crainte. C'est un vin pétillant naturel, qui a été mis au point par Léon et Cécile Renardat Fache dans le petit village de Mérignat, sur les contreforts du massif jurassien entre Lyon et Genève, juste après la Seconde guerre mondiale.

Le cerdon est donc un cru du Bugey.
 Il est rosé, presque rouge, et faiblement alcoolisé à 7,5 °, ce qui autorise à le consommer (avec modération quand même) en début de soirée. Il est obtenu à base de Gamay et Poulsard selon une méthode de vinification dite "méthode ancestrale". 
La fermentation se fait naturellement avec les propres sucres et levures du raisin. Il m'évoque le Lambrusco, en plus rafraichissant et plus fruité.

Il conviendrait probablement très bien sur un dessert au chocolat et des framboises. Pour l'heure, il est probable qu'on vous apportera une planchette où vous couperez vous-même quelques tranches de saucisson et de chorizo. Christian choisit la charcuterie chez son ami Eric Ospital. Il s'y connait, lui qui a écrit avec lui en 2013, Tout est bon dans le cochon, Histoires, traditions et recettes.
Et si vous êtes chanceux, vous bénéficierez aussi d'un bocal de cornichons. Français ! En provenance directe de la maison Marc qui est le dernier producteur hexagonal. Alors que le cornichon s'est expatrié en Inde, Florent et Henri Jeannequin, agriculteurs de cornichons de père en fils depuis plus de 50 ans, ont décidé en 2012 de remettre en bocal le cornichon cueilli à la main à Chemilly-sur-Yonne. Ils cultivent sans herbicide et sans insecticide et je retrouve instantanément le croquant de ceux de ma grand-mère, elle aussi icaunaise.

Ils existent (sur Internet) sous 4 assaisonnements, Extra fin ou Fins, Aigre doux ou Malossol, dits à la russe. Ce n'est pas un produit difficile à préparer et on comprend mal que ce soit en voie de disparition. Je redonne la recette pour ceux qui voudraient en préparer chez eux. Rien de sorcier.
On grignote tout en scrutant la carte qui n'existe que sous la forme de cet immense tableau en ardoise qui occupe l'entière largeur du mur du fond. Il faut du temps avant d'arrêter un choix. Tout est bon, et même très bon. Le pain vient de Jean-Luc Poujauran (point commun avec le voisin, Augustin) et les huiles de la maison Kalios, jolie référence. Peut-être que les quelques photos que j'ai prises, à table ou sur le passe-plat vous aideront à vous déterminer.

Pour le vin faites confiance à Aurore. Elle m'a conseillé au lieu et place d'un Saumur Champigny T. Chancelle 2013 un Jurançon cuvée Marie au motif qu'il est floral, fruité mais pas sucré et qu'il s'accordait mieux avec les coquilles Saint-Jacques. J'apprécie toujours qu'on m'influence.
Si vous n'en avez jamais mangé, je vous recommande les couteaux a la plancha, servis avec un pistou, pardon si je me répète. Si l'approvisionnement fait défaut ce seront des crevettes, pour garantir la meilleure fraicheur.


Nicolas tient à ce qu'il y ait une soupe tous les jours. Aujourd'hui : Soupe crémeuse de panais, chorizo, croutons. Il a demandé à son neveu, cuisinier de revisiter un grand classique des cantines, le céleri rémoulade qui devient : Céleri rémoulade, pomme verte, bulots, crevettes (ou moules), coques. Une belle réussite.
L'oeuf dur mayonnaise est toujours à la carte, et le Tartare de betteraves, sardines, raifort est une autre alternative. Les oreilles de cochon sont une autre spécialité de la maison, comme la Terrine de pâté, boudin de mon ami Ospital, ainsi qu'il est mentionné sur l'ardoise.
La salle est comble. Depuis la rue, la grande baie appelle les clients à entrer. Ma voisine de table me confie qu'elle n'aime pas dîner seule au restaurant mais qu'ici elle s'est sentie en confiance. Et, curieusement, une fois à l'intérieur on ne se sent pas sous les projecteurs. Elle se régale d'une  magnifique Entrecôte saignante, moelle de bœuf.
Navarin d’agneau, artichauts et légumes oubliés font partie des plats conçus par Gabriel, le neveu de Nicolas, un ancien de Cobea, de Ledoyen et d'Apicius. La découpe des carottes est jolie. Il mérite les félicitations.
La Xistora  (prononcer tchistorra) est une charcuterie espagnole faite à base de viande hachée de porc, assaisonnée avec ail, sel et piment rouge doux en poudre, puis mis dans des boyaux fins de mouton. Celle-ci provient évidemment de chez Ospital.
Pavé de thon rouge, mesclun et grenadecuit à la perfection
Saint Jacques saisies, jus de viande
Les accompagnements de la maison (frites, concassée de tomates, pomme purée pistou-sésame) sont de pures gourmandises. On a envie de racler les plats. L'assaisonnement est parfait mais on peut toujours saupoudrer de piment d'Espelette. Il est à discrétion.
Choisir un dessert ne comporte qu'un risque ... calorique, mais quel bonheur gustatif ! Il faut dire que Nicolas Gras est un ancien chef pâtissier du Bristol et de chez de Ledoyen. Quant il reprend la tarte chocolat tiède de son enfance il la sert avec une quenelle de glace de Philippe Faur, un excellent glacier pyrénéen.
A droite, le Riz au lait, caramel laitier, fruits du mendiant. Avec un morceau de brioche, un nuage de sucre glace, il est généreux et gourmand. C'est de la crème dit ma voisine qui ne parvient pas à terminer la coupe.
L'ile flottante est une vraie création. Le fondant du blanc (couleur café) et le croquant (des amandes) se répondent à merveille. Son prix est le plus modeste. Nicolas ambitionne à juste titre qu'elle devienne le dessert fétiche de toutes les cantines. Nous sommes d'accord avec lui sauf sur sa dénomination qui ne tente pas : Iceberg flottant parfumé au café pour lui, je lui préférerai Pyrénéen flottant au café.
Minestrone de fruits frais, infusion de vanille, basilic
Christian est présent tous les soirs. Il ne vient pas pour faire de la figuration. On le voit très actif faire la navette entre le passe-plat et le bar.

On se sent comme chez soir dans cette Cantine, si conviviale et sans chichi. Toute l'équipe est à féliciter, y compris Aïda qui assure un service très souriant.

La Cantine du Troquet Daguerre
, 89, rue Daguerre - 75014 Paris - 
01 43 20 20 09

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