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samedi 1 août 2015

Quand Alain Passard cuisine autre chose que des légumes ... pour Tipiak

Il existe dans le monde de la cuisine, comme ailleurs, des personnalités qui ont réellement fait changer les lignes, qui ont bouleversé les codes comme autrefois Auguste Escoffier, Antonin Carême ou François Vatel (inventeur de la crème Chantilly), Eugénie Brazier ...

Parmi nos contemporains certains sont des créateurs comme Michel Trama et ses cristallines. J'ai eu l'immense bonheur de passer plusieurs jours auprès de lui l'été dernier. D'autres sont des scientifiques comme Thierry Marx dont la cuisine moléculaire est devenue une référence. D'autres enfin sont des amoureux fous d'une catégorie de produits en particulier.

C'est le cas d'Alain Passard dont la maîtrise du feu est quasi légendaire. Mais le summum de son art consiste à sublimer les légumes, et les fruits aussi.

C'est lui qui imagina la tarte bouquet de roses en 2013, tant copiée, et que tout le monde se vante de cuisiner depuis quelques semaines sur la toile.

L'homme est discret (je ne l'imagine pas participer au moindre concours culinaire) mais il parle volontiers de son métier, ce qui fait qu'il a été le sujet de plusieurs documentaires. Il m'arrive de suivre son conseil en présentant des assiettes monochromes, par exemple un camaïeu de blancs en associant des tranches ultra fines de plusieurs pommes, de fenouil, radis et chou-fleur. La surprise vient alors des différences de goût et de texture.
Toute personne ayant un peu de culture culinaire connaît la passion de cet homme. Et rêve forcément de goûter sa cuisine. Son restaurant, à la place de l'Archestrate d'Alain Senderens, auprès duquel il a travaillé, est presque secret, rue de Varenne, juste en face du musée Rodin. Il est pourtant ouvert depuis 1986, couronné très vite d'une étoile Michelin, puis d'une seconde et enfin une troisième en 1996.

Quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre que cet illustre chef avait accepté de confronter sa créativité avec deux nouveautés céréalières Tipiak, la Douceur de blé et le Quinoa cuisson parfaite !

Je crois que je connais la marque Tipiak depuis l'enfance. Ma mère cuisinait en particulier le tapioca, pour enrichir un bouillon ou en dessert, dans du lait sucré. C'était des plats très simples qui n'avaient rien de glamour. On était presque dans le domaine de la santé, mais sûrement pas dans le registre de la haute gastronomie.

Moi-même me suis risquée à oser un Couscous du soleil et petits légumes en juin dernier en version sucrée salée. Et à réaliser ensuite un curry de crevettes avec le quinoa. Mais rien à voir avec le festival que j'ai dégusté chez le chef breton, fils de musicien, qui reçoit ses hôtes comme à la maison ... c'est d'ailleurs le terme "Maison de Cuisine" qu'il emploie pour qualifier son restaurant.

On dit qu'il entre en vibration avec les légumes, élevés dans son potager de Fillé sur Sarthe. Ce sont les stars de l'Arpège où il les décline depuis 2001 de toutes les manières possibles, jusqu'aux toilettes où trône un chou vert érigé en oeuvre d'art.

L'homme est aussi un artiste, maitrisant le dessin et l'aquarelle. Cela se voit sur les murs à travers quelques tableaux et un vitrail, "l'aubergine au curry vert", réalisé par un maître artisan à partir d'un de ses collages, faisant pendant à des oeuvres de Lalique.

Cela se voit aussi sur les assiettes dont chaque pièce est décorée à la main par les peintres de la grande manufacture quimpéroise qu'est la Faïencerie HB-Henriot.

Il existe quatre modèles différents qui sont en vente au coin de la rue, à l'Arrière cuisine, au 57 rue de Bourgogne.

On est loin du bleu traditionnel des assiettes régionales. Elles sont toutes très appétissantes comme en témoignent ces photos de la version "Navet mauve et citron jaune au poivre noir" ou des "Poires et radis noir à la tapenade et parmesan". Et vous aurez remarqué l'Opinel millésimé Arpège 2015.
Les tartelettes potagères sont un classique du magicien cuisinier. Ces amuse bouches servis tièdes mettent le palais en condition et stimulent surtout accompagnés d’un champagne Billecart-Salmon Brut Réserve.
Autre spécialité avec le Mesclun de Sylvain au Quinoa Gourmand Tipiak, pralin de noisettes à l'ancienne. Les salades ont été cueillies dans le potager du chef, composant une association de dégradés de verts et une déclinaison de saveurs avec parfois une pointe d'amertume.

Le quinoa se marie harmonieusement avec ces feuilles, et le pralin très peu sucré n'étonne pas longtemps tans l'association est réussie.
Nos papilles ont été stimulées. On ne se retient pas de goûter le pain au levain, maison, que l'on peut tartiner (finement tout de même) d'un beurre demi-sel, Bordier, autre maison bretonne.
Arrive la seconde entrée, Douceur de Blé Tipiak en fin risotto trésors de nos jardins. préparer un blé en suivant le mode de cuisson d'un risotto est une bonne idée pour l'enrichir en saveurs. On pourrait d'ailleurs sans doute procéder de manière semblable avec toutes les céréales. C'est un test à faire.

Comme la Douceur de blé est une semoule de blé dur précuite elle est tendre et fondante, sans aucun rapport avec les blés habituels. Un vrai régal qui fait oublier la grande tendance actuelle prônant le sans gluten avec véhémence. Je retiens aussi le principe de saupoudrer de fleurs printanières, en particulier le coucou dont je n'aurais pas cru qu'il soit comestible.

La note bleue est apportée par l'alliaire et les lamelles de radis confère du croquant à cette assiette. La présence de curcuma ajoute une note de couleur supplémentaire à certaines graines, mais elle conditionne l'assaisonnement. Il faut en tenir compte dans les préparations qu'on pourra imaginer avec ce produit.
On revient au quinoa avec une Jardinière Arlequin au quinoa gourmand, merguez végétale. C'est un plat-signature, emblématique d'Alain Passard, très étonnant et fort réussi. Les yeux fermés on pense effectivement à une merguez bien qu'il n'y ait aucune viande à l'intérieur. Mais une betterave parfaitement confite. Avec un parfum de coriandre très délicat.

Cela fait dix ans que Tipiak commercialise du quinoa mais cette fois en sachet cuisson, ce qui permet d'enlever l'amertume de la céréale, qui part dans l'eau. Ce conditionnement limite aussi l'hydratation en cours de cuisson pour un résultat qui conserve du croquant.
Le chef a développé une compétence hors normes en rôtisserie. Mais la seule viande qu'il s'autorise  désormais à servir est une poularde. Voici donc la Poularde du Pâtis et douceur de Blé Tipiak, ail nouveau et olive noire de Kalamata qui est arrivée triomphalement portée par le serveur sur un plat d'argent et s'est faite admirer par la salle entière. Quand je dis "la" poularde je devrais employer le pluriel car il y avait plusieurs volatiles.
La viande est cuite à la perfection, comme on pouvait s'en douter. La chair est fondante et juteuse sous une peau croustillante comme on l'aime. Le seul bémol concerne le dressage qui, du fait de la découpe au moment de servir, manquait un peu d'harmonie, visuellement parlant.

Le blé est, encore une fois, excellent, évoquant les pâtes langue d'oiseau, se mariant bien avec l'âpreté de l'olive. Il faut dire que j'adore la Kalamata.
Voici venu le moment du dessert, avec là encore une spécialité de la maison, un Millefeuille chocolat "tout chocolat".  Le feuilletage est cuit à la minute, de manière à arriver tiède dans l'assiette. Sa hauteur est impressionnante.
Nous terminerons -car les agapes ne sont pas achevées- par des mignardises, dont la légendaire tarte bouquet de roses en version tartelette, des caramels fondants ... et autres petites choses délicieuses.

Alain Passard est régulièrement venu circuler entre les tables pour s'assurer que tout allait bien. Mais c'est surtout dans l'arrière-cuisine qu'on peut le voir le plus à l'aise, humant un verre de Chardonnay, pour trinquer avec ses amis venus s'extasier non pas sur les légumes, mais autour d'un plateau de fromages digne d'un MOF.

C'est un homme de convictions, qui a su admirablement relever le défi d'intégrer les céréales Tipiak sans renier ses principes. On se dit qu'on ne fera pas mieux mais qu'on parviendra peut-être à nous situer dans l'acceptable puisqu'il s'agit de produits de grande qualité.

J'ai publié il y a quelques jours une interprétation du Quinoa cuisson parfaite, cuisiné en curry avec des crevettes et un lait de noix de Coco. Quant à la Douceur de blé, je l'ai servie sans chichi avec une côte d'échine mais agrémentée de quelques fleurs de bourrache ... 
L'Arpège, au 84 Rue de Varenne, 75007 Paris
01 47 05 09 06
Ouvert du lundi au vendredi, midi et soir.
L'Arrière cuisine, au 57 rue de Bourgogne, 75007 PARIS
01 45 50 23 14
Ouvert du lundi au vendredi de 9h à 18h.

1 commentaire:

Michelle a dit…

Un beau reportage sur cet homme discret et sur ces produits. Bon lundi

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