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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

samedi 12 septembre 2015

Palmarès du 14 ème Festival Paysages de Cinéastes

La 14 ème édition du Festival Paysages de Cinéastes a mis à l'honneur le monde du polar. Le roman noir est en effet une large source d'inspiration.

La soirée d’ouverture en plein air dans le Parc de la maison de Chateaubriand (92) fut un succès malgré le risque météorologique. Nous sommes passés entre  les gouttes.

Le parc avait revêtu des habits de lumières comme le veut la tradition, permettant de redécouvrir les arbres et les façades sous un angle nouveau.
Des banderoles revendiquant en substance qu'écrire est un art avaient été disposées sur le chemin qui grimpe vers l'ancienne demeure de l'écrivain.
Un livre-bibliothèque y a été scellé cet été quand la médiathèque y animait des siestes-lecture.
En première partie de soirée nous avons assisté à la reconstitution du tournage d'une scène avec projecteurs, travelling et tout le matériel adéquat ....
Nous avons (re)découvert ensuite Chantage qui fut un des premiers films d'Alfred Hitchcock, sorti en 1929, montrant des personnages aux prises dans un conflit entre amour et devoir. Blackmail, tel est son titre en anglais, fut son dernier film muet. Très intéressant pour les cinéphiles, il a un peu désarçonné les festivaliers habitués aux avant-premières. La musique a été interprétée en direct par un trio pour le plus grand plaisir des oreilles mélomanes.
Marguerite, de Xavier Giannoli,  les comblera en soirée de clôture.
Le cinéma interroge par ses choix. Cette année encore Carline Diallo, la Déléguée générale du Festival, et directrice du cinéma le Rex de Chatenay-Malabry, a soumis une sélection ambitieuse, mais moins sombre que celle de l'an dernier.

Le premier long métrage en compétition était le Lendemain, réalisé par le jeune réalisateur suédois Magnus von Horn dont c'est le premier film. Il avait été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes 2015 et sortira dans les salles le 10 février 2016.
Lorsque John retourne chez son père après avoir purgé sa peine de prison, il aspire à prendre un nouveau départ. Mais son crime reste présent dans les mémoires des habitants de la commune et semble impardonnable. Son retour attise la colère de chacun et lentement s’installe une atmosphère pesante qui laisse présager un lynchage imminent. Se sentant abandonné par ses amis et ceux qu'il aime, John perd espoir et l’agressivité qui l’avait conduit en prison refait peu à peu surface. Devant l’impossibilité d’oublier son passé, il décide de l'affronter.
Il sera doublement couronné par le Prix du Jury et celui de la Photo. Le cadre est effectivement très pensé, métaphorique de ce qui s'est passé et du rappel à la loi. La caméra est d'abord très tenue à distance dans la première partie du film. Les scènes sont souvent dédoublées dans un miroir ou un rétroviseur. Les jeux de mise au point sont multiples. Le spectateur hésite de ce fait (et c'est sans doute intentionnel de la part du réalisateur) à éprouver de l'empathie pour le jeune homme. C'est un film puissant, dérangeant, remarquablement traité, qui interroge sur les conséquences d'un écart de conduite et sur la place de la femme dans la vie familiale.

Autre premier film, cette fois iranien, avec Nahid qui est un dilemme de femme.
Nahid, jeune divorcée, vit seule avec son fils de 10 ans dans une petite ville au bord de la mer Caspienne. Selon la tradition de son pays, la garde de l’enfant revient au père mais ce dernier a accepté de la céder à son ex-femme à condition qu'elle ne se remarie pas. La rencontre de Nahid avec un nouvel homme qui l'aime passionnément et veut l’épouser va bouleverser sa vie de femme et de mère.
Il est signé par une jeune iranienne, Ida Panahandeh, qui a réalisé des courts métrages et documentaires pendant dix ans pour la télévision.

Arsalan Amiri, qui est coauteur du scénario, a été comme elle élevé en l'absence de leurs pères et  ils nous avons assisté aux combats des mères pour se faire respecter en tant que femmes indépendantes dans la société iranienne traditionnelle. la réalisatrice a choisi l'automne pour raconter cette histoire. Les nuages et la grisaille en ville reflètent la nature profonde des personnages.

Sareh Bayat (Nahid) est une brillante actrice qui est connue pour son rôle dans Une Séparation d'Ashgar Farhadi. La direction d'acteur l'a poussée à se battre sans apparaitre comme une opprimée. Il faudra attendre février 2016 pour le voir en salles.

Le troisième film a provoqué les passions. On a détesté ou adoré. Pauline s'arrache est un documentaire d'Emilie Brisavoine sur sa soeur filmée pendant quatre ans, entre ses 15 et ses 19 ans.

la jeune femme a exprimé un "besoin viscéral" de filmer sa famille sans aucune idée de durée au départ, ni d'objectif particulier. Tout l'intérêt réside dans le travail de montage qui est remarquable et fait oublier qu'il s'agit d'un documentaire. A la centaine d’heures d’images tournées, Emilie Brisavoine a eu la bonne idée d’ajouter quelques séquences d’archives familiales qui agissent comme des ponctuations dans le montage final (qui ne respecte pas la chronologie) où les conflits et les disputes émaillent une cohabitation explosive, mais où la tendresse et la quête d'amour ont aussi la part belle.

Il faut dire que la famille d'Emilie est plus qu'atypique : Avant de rencontrer la mère d’Emilie et d’avoir avec elle trois enfants, le père de Pauline était attiré par les garçons et ne le cache pas. La mère d’Emilie et de Pauline est une ancienne reine de la nuit. Elle a huit ans de plus que son second mari et commence à souffrir de cette différence d’âge. Quant aux enfants, ils grandissent et se rebellent à tour de rôle, jusqu’à ce que la petite dernière, Pauline, envisage de "’arracher" à son tour du royaume…

On peut s'interroger sur la vertu thérapeutique du procédé, ou n'y voir qu'un objet de cinéma. C’est un conte de fée inscrit dans la réalité, avec une reine, deux rois et leurs héritiers. Il a fait sensation dans le le off du Festival de Cannes. Sa sortie en salle est programmée le 23 décembre 2015.

Fatima est une angoissée de la vie qui souffre de la différence visible entre sa génération et celle de ses filles.
Fatima vit seule avec ses deux filles : Souad, 15 ans, adolescente en révolte, et Nesrine, 18 ans, qui commence des études de médecine. Fatima maîtrise mal le français et le vit comme une frustration dans ses rapports quotidiens avec ses filles. Toutes deux sont son moteur, sa fierté, son inquiétude aussi. Afin de leur offrir le meilleur avenir possible, Fatima travaille comme femme de ménage avec des horaires décalés. Un jour, elle chute dans un escalier. En arrêt de travail, Fatima se met à écrire en arabe ce qu'il ne lui a pas été possible de dire jusque-là en français à ses filles.
Réalisé par Philippe Faucon, un cinéaste né à Oujda, au Maroc, en 1958, ce film sortira bientôt en salle, le 7 octobre 2015 et je vous le recommande parce que beaucoup de mères peuvent se reconnaitre dans le décalage qui se creuse avec leurs enfants.

Fatima est séparée de son mari mais celui-ci fait ce qu'il peut pour la soutenir, dans le respect des traditions. La mère parle arabe, la fille répond en français. Elle doit entendre la logique d'échec qui est le credo de sa patronne, bien loin de la promesse d'ascenseur social de la gauche à son arrivée au pouvoir. Puis supporter l'acrimonie d'une de ses filles : t'es cave, une ânesse, une incapable.

Ce langage agressif et très contemporain est plus fréquent qu'on ne le croit, y compris dans les milieux franco-français. La mère va mener ce qu'elle appelle son intifada, aider sa fille à réussir ses études et à être libre. Je vous le recommande.

Vers l'autre rive, sortira le 30 septembre. Ce film japonais, qui a reçu le Prix de la mise en scène dans la sélection cannoise d'Un certain regard, a été réalisé par Kiyoshi Kurosawa. Nous avons été nombreux à estimer qu'il s'étire sur plus de deux heures assez déroutantes.
Au cœur du Japon, Yusuke convie sa compagne Mizuki à un périple à travers les villages et les rizières. A la rencontre de ceux qu'il a croisés sur sa route depuis ces trois dernières années, depuis ce moment où il s'est noyé en mer, depuis ce jour où il est mort.
Par contre, nous sommes tous tombés sous le charme d'un autre film japonais, An, signé par Naomi Kawase, écrivain et réalisatrice née en mai 1969 à Nara et qui s'est jusqu'à présent distinguée aussi bien pour ses fictions que pour ses documentaires autobiographiques.

Lui aussi présenté à Cannes dans le cadre d'Un Certain regard.

L'essentiel de l'action se déroule dans la petite échoppe de Sentaro, un vendeur de dorayakis, ces pâtisseries traditionnelles japonaise qui se composent de deux sortes de blinis fourrés de pâte de haricots rouges confits, qui s'appelle An. Tokue, une femme de 70 ans, va tenter de le  convaincre, de l’embaucher. Elle a le secret d’une pâte exquise et l'endroit ne désemplit plus...

On pense à Lunchbox, à tous ces films qui associent l'émotion gustative aux sentiments. En même temps que son merveilleux savoir-faire et ses sourires infinis, la vieille dame apporte une étrangeté physique qui, tout au contraire, met mal à l’aise : ses mains sont rougies, déformées. On apprendra qu'il s'agit de la lèpre.

Le sujet est difficile mais il est traité avec tant de douceur, de délicatesse et de grâce que ce film a fait l'unanimité. Il obtiendra le Prix du Jury et de la Photo, ex aequo avec le Lendemain. Et il aura aussi le Prix des Femmes et le Prix du Public. Vous pourrez le découvrir à partir du 27 janvier 2016.
Le week-end a aussi été l'occasion voir en avant-première Je suis à vous tout de suite, premier film de Baya Kasmi en tant que réalisatrice, présidente du jury du festival. Il a enthousiasmé la salle (critique à venir bientôt).

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