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dimanche 19 juin 2016

Scènes de violences conjugales


(mise à jour 6 août 2016)

Vous verrez ce spectacle à la rentrée. Il est notamment programmé à La Tempête pour un mois à partir du 11 novembre 2016 (mais il figure aussi dans la programmation de la Mousson d'été dimanche 28 août à Pont-à-Mousson). J'ai eu l'opportunité de le découvrir au Théâtre le Colombier de Bagnolet, peu de temps après sa création (à Romainville).
Rachida rencontre Liam. Annie rencontre Pascal. Rachida et Liam sont jeunes, issus d’un milieu violent et précaire. Annie et Pascal sont au milieu de leurs vies, issus respectivement de classe moyenne et bourgeoise, tous deux en voie de précarisation. Ils emménagent ensemble dans un meublé, et petit à petit, la violence conjugale va s’installer entre eux.
Le sujet est fréquemment abordé au cinéma (on se souvient du choc provoqué par Polisse), au théâtre (Gelsomina) ou en littérature (La Pudeur des sentiments par exemple).

J'ai le sentiment sur ce thème des violences conjugales tout a été dit. On sait qu'une femme meurt tous les trois jours des coups portés par un homme. On sait que ces violences peuvent toucher aussi les hommes (mais beaucoup moins). On sait aussi que dans chaque classe, de chaque école française, il y a en moyenne 2 enfants victimes d'inceste. On sait. Et pourtant rien ne change. Parce que les actes se déroulent dans la sphère de l'intime. Il sont donc recouverts en quelque sorte par une cape d'invisibilité.

Autant passer au feu rouge est sanctionné autant les infractions de type violences conjugales ne le sont pas systématiquement. Pas vu, pas pris.

Scènes de Violences Conjugales est né du désir de travailler sur ce sujet, pour y décrire la violence faite aux femmes telle qu’elle se pratique aujourd’hui dans le monde, et dont personne n'est à l'abri, dans aucun milieu social. Violences physiques, psychologiques, sexuelles, économiques, administratives, et sociales.

Ce qui a motivé Le Perdita Ensemble à travailler sur ce thème est de démontrer que ce n'est pas une fatalité. Le collectif, installé 14 rue de la convention aux Lilas (93260) est un ensemble d’acteurs, scénographes, administrateurs, diffuseurs, techniciens, musiciens réunis autour de l’écriture de Gérard Watkins, (photo ci-contre) qui en assure la direction artistique depuis 1994. 

Il est allé avec les acteurs à la rencontre de personnes impliquées dans ces souffrances pour se "remplir du sujet" diront les comédiens. A partir de 5 à 6 semaines d'improvisations, d'un travail à la fois intérieur et physique, réaliste et musical, mélangeant récits narratifs, souvenirs, et scènes vécues en direct, le Perdita Ensemble propose une réflexion à cœur ouvert sur les origines de cette violence, et sur sa méthode. Comment elle s'installe, s'insinue, se déploie, et perdure. Elle propose aussi une porte de sortie, par le travail, la parole et l’écoute de l’autre, en suivant à la trace le difficile parcours vers la libération de ses deux héroïnes.

Ils auraient pu monter un spectacle documentaire. C'est un spectacle, tout court. Militant certes, mais avant tout artistique.

J'ai assisté à une représentation dite scolaire et je peux dire que je n'ai pas entendu une mouche voler. Si la discussion qui a eu lieu ensuite était conforme aux clichés, les garçons assis d'un coté, les filles de l'autre, les échanges furent qualitatifs et respectueux.

J'ignore si le théâtre est un vecteur de message, et d'ailleurs quel message. On ne se méfie pas de quelqu'un qu'on aime. Ne dit-on pas fou d'amour ? Le noeud du problème, l'explication (car toute personne sensée veut comprendre) est que la victime est persuadée d'avoir le pouvoir de guérir son agresseur à force de patience, de compréhension etc ... alors qu'il n'y a qu'une réponse possible : partir, le quitter, laisser tomber l'affaire.

Comment mettre en oeuvre un tel projet quand on a rêvé de bâtir un foyer, d'avoir des enfants (qu'on en a le plus souvent) ? On peut s'écarter du violent que l'on croise dans la rue ou le métro, pas de celui qui partage nos jours et nos nuits, toutes nos nuits.

Mais revenons au spectacle. Quoiqu'on ait pu vivre ou subir dans le domaine des violences conjugales (ou du harcèlement dans le monde du travail, qui a beaucoup de points communs) on assiste à une vraie représentation, et une remarquable interprétation, toute en nuances, ponctuée par une musique qui est jouée sur la scène, en direct.

Les comédiens incarnent si bien leurs personnages qu'on oublie qu'on est au théâtre. Le dispositif en trifrontal induit la proximité avec les spectateurs qui se sentent très impliqués. La mise en scène est conçue en conséquence. Le spectacle est bâti en trois temps : la rencontre, l'escalade puis la thérapie. Jusqu'à permettre au public de réaliser que comprendre n'est pas pardonner.

Un dossier pédagogique a été élaboré avec l’aide d’Amandine Maraval, chargée de mission au droit des femmes à la Ville de Bagnolet, et de ses conseillères conjugales, afin de sensibiliser les jeunes dés le lycée.
Le lendemain du spectacle je lis dans la presse :
Un homme de 53 ans a été condamné lundi à un an de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Poitiers pour avoir endommagé, à l’aide d’un pied-de-biche, le pavillon de son ex-femme à Chenevelles (Vienne), rapporte France Bleu Poitou. Son coup de rage a fait tellement de bruit qu’il a réveillé les propriétaires et les voisins qui se sont demandés "comment un homme tout seul peut réussir à détruire une maison". Il a fallu plus de trois heures aux gendarmes pour tenter de convaincre le forcené de descendre de la maison en ruine afin de l’interpeller. Cet homme avait déjà  été condamné pour des dégradations en 2011.

Scènes de violences conjugales
Texte, mise en scène et scénographie de Gérard Watkins
avec Hayet Darwich, Julie Denisse, David Gouhier, Maxime Levêque, Yuko Oshima
Musique Yuko Oshima
28 août 2016 à l'espace Pablo Picasso de Pont-à-Mousson
11 novembre au 11 décembre 2016 au Théâtre de la Tempête
7 au 11 février 2017 au Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine
10 mars 2017 à l’Espace 1789 de Saint-Ouen

Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Alexandre Pupkins

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