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vendredi 15 juillet 2016

L'Ambassade d'Auvergne

L'ambassade d'Auvergne est ce qu'on appelle un restaurant de tradition implanté depuis 1966 au coeur de la capitale, à deux pas du centre Georges Pompidou.

L’enseigne elle-même est beaucoup plus ancienne puisqu’on retrouve des traces d’une auberge sur place par intermittence dans l’entre deux guerre et même au XIX°ème siècle.

D'apparence conventionnelle, l'endroit s'anime le soir dès que les baies sont ouvertes sur la contre-allée, mettant alors la salle en continuité avec la terrasse.

C'est Didier Desert qui est aux commandes. Cet ancien publicitaire aime la cuisine depuis très longtemps. Ce fut un hobby qu'il pratiquait pour le plaisir, en rentrant du bureau, même très tard, pour évacuer le stress. Il a fallu dix ans avant qu'il ne se décide à faire le grand saut. En changeant de métier et en reprenant ce restaurant il y a dix-huit mois.

Avant tout il a testé son rêve en occupant tour à tour chacun des postes, que ce soit en salle ou en cuisine. Quand il a été rassuré sur sa capacité à supporter cette pression il a continué à apprendre "sérieusement" la cuisine même s'il a toujours eu l'intention d'avoir un chef. Et c'est à l'école Ferrandi qu'il a fait ses gammes, pour comprendre dit-il à quoi ressemble une assiette digne du Michelin.
L'enseignement qu'il y a reçu lui permet de discuter d'égal à égal avec Emerich de Backer (qui a conservé son poste ici) et même d'avoir l'autorité de lui souffler quelques idées, comme le Parmentier de canard ou les crêpes Ginette.
La maison est chargée d'histoire et son âme a été préservée. Cela saute aux yeux. D'abord par la décoration qui a juste été rénovée. Didier Desert reconnait avoir davantage un tempérament de développeur que de créateur.
Des assiettes anciennes sont incrustées dans le bar. On retrouve la carte de géographie du Massif Central identique à celle qu'on utilisait dans les écoles de Jules Ferry. Moults certificats sont accrochés dans l'escalier à la gloire des anciens propriétaires Monsieur et Madame Petrucci, à coté de photos anciennes, authentiques cela va de soi.
Par contre les clichés de vaches ont récemment été ajoutés.
Des vitraux ornent encore les fenêtres de l'étage.
Tous ces éléments paraitraient artificiels si, coté cuisine, on ne remplissait pas les promesses. Or la gourmandise est ici célébrée. Le jambon pend nonchalamment au-dessus du bar et dès l'entrée on suggère que les ingrédients sont soigneusement choisis.

Car on sert une cuisine de terroir, bourgeoise et généreuse qui fait la renommée de l'établissement.
Aujourd'hui une assiettes de tomates anciennes accompagnées de mozarella de l'Aveyron. Oui, de l'Aveyron. Et qui, forcément, est d'un niveau comparable à sa soeur italienne, sinon le patron ne l'aurait pas mise à la carte.
L'Aveyron est sans doute le département préféré du patron. J'en veux pour première preuve cette affiche publicitaire et touristique pour Villefranche de Rouergue qui orne la salle du rez-de-chaussée.

Celui qui aime les Cochonnailles se verra proposé celles de la maison Conquet, encore une adresse Aveyronnaise. 
On peut préférer un Tartare de Bœuf de Salers "au couteau", copeaux de Laguiole. Mais on peut craquer pour Le Duo d'agneau allaiton ... d'Aveyron, comme vous l'avez peut-être deviné. Cette appellation a été créée par le groupement d'une quinzaine d'éleveurs. La gambette comme la feuillantine sont cuites sous vide à 50° pendant 22 heures (oui vous avez bien lu) pour assurer un moelleux exceptionnel. Un astérisque sur la carte mentionne que l'opération n'a pas lieu dans les cuisines du restaurant mais chez Greffeuille qui est d'ailleurs installé à deux pas, rue Saint-Denis. Je vous en parle ici.
Et il est servi avec une fondue de fenouil parfaitement cuite.

Vous pourrez choisir un autre plat typique comme l'Aligot que le serveur apportera dans une casserole de cuivre rose et dont il vous montrera qu'il file haut.
On peut le déguster avec le vin du moment "à l'ardoise". Ou un des vins "à la ficelle", par exemple le Saint Pourçain,  La chambre d'Edouard, Grosbot-Barbara. La Ficelle fait référence à la tradition voulant qu'au XV° siècle un tavernier avait trouvé le moyen de vérifier la consommation réelle de vin alors que les pichets étaient opaques. Il utilisait une ficelle sur laquelle il faisait des nœuds réguliers, chacun correspondant à une mesure de 25 cl. Il suffisait de tremper la ficelle dans le pichet de vin pour voir ce qu’il reste.

La cave est immense et l'heureux propriétaire actuel a "hérité" des choix de son prédécesseur, qui ne sont pas tous en cohérence avec l'esprit auvergnat mais qui peuvent occasionner une heureuse surprise. Je vous invite à choisir le vin (pétillant) de rhubarbe de l'excellente maison lorraine Moine ... tant qu'il en reste dans la cave.

La formule au verre est un choix possible.
Comme dessert on a le choix entre une mousse au chocolat, une crème brûlée à la verveine ou la fameuse crêpe Ginette. Le café gourmand est un compromis qui permet de goûter la mousse au chocolat, réellement fabuleuse d'onctuosité et de douceur.
La recette des crêpes Ginette est de Didier Desert. Elles sont directement inspirées du dessert mythique et emblématique de la cuisine française, à savoir les crêpes Suzette, que l'on doit à Auguste Escoffier. La liqueur d'orange est remplacée par le génépi, et elles ne sont pas flambées parce qu'à l'origine on ne le faisait pas.
Autre tradition qui perdure : l'addition arrive dans une boite en bois comme cela s'est toujours pratiqué à l'Ambassade qui, jusqu'au bout, surfe intelligemment entre tradition et modernité, mais toujours avec des produits de qualité. Réputation oblige ! Et cela 7 jours sur 7 !

L'Ambassade d'Auvergne
22, rue du Grenier Saint-Lazare, 75003 Paris +33 (0)1 42 72 31 22
Ouverte de 12 à 14 heures, puis de 19 à 22 heures tous les jours
Formule déjeuner 22,50€ en semaine - hors jours fériés
L'Ambassade d'Auvergne fermera quelques jours à compter du 9 aout pour travaux de rénovation des cuisines. Réouverture du restaurant le 25 août.

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