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La publication des articles est conçue selon une alternance entre le culinaire et la culture où prennent place des critiques de spectacles, de films, de concerts, de livres et d’expositions … pour y défendre les valeurs liées au patrimoine et la création, sous toutes ses formes.

mercredi 30 novembre 2016

Des pépites au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil

Cette année ce sont deux jurys (un jury de journalistes et de professionnels et un second jury composé des lecteurs France Télévisions) qui ont désigné les Pépites 2016 que le Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil a annoncé ce soir.

Je vous donne d'abord le vote du jury des lecteurs France télévisions parce que je sais que c'est cette catégorie qui touche le plus les auteurs. Catégorie "Petits" c'est Le Facteur de l’espace, de Guillaume Perreault, éditions La Pastèque qui l'emporte.

Et catégorie "Grands" Sauveur & Fils tome1, de Marie-Aude Murail, publié à l’école des loisirs, un vote que je plébiscite totalement.

Marie-Aude, très heureuse, a annoncé que le tome 3 venait d'être remis à son éditeur et qu'elle portait dans son coeur le numéro 4. Le deuxième tome vient de sortir en librairie pour la plus grande satisfaction de ceux qui, comme moi, se sont attachés aux personnages.

Je vais très vite en commencer la lecture.

L'autre jury, présidé par Véronique Ovaldé, a désigné, parmi les 36 œuvres en compétition (sélectionnées par un comité composé de libraires, de bibliothécaires et de passionnés comme moi-même), tous genres confondus :

En tant que Pépite des Petits 2016 Björn, six histoires d’ours, de Delphine Perret, éditions Les Fourmis Rouges.

En tant que Pépite des Moyens 2016 Georgia : tous mes rêves chantent, de Timothée de Fombelle (texte), Benjamin Chaud (illustrations), Cécile De France (voix), Arnaud Thorette (direction artistique), Johan Farjot (direction musicale), Alain Chamfort, Émily Loizeau, Albin de la Simone et al. (musique), Gallimard Jeunesse Musique, éditions  Contraste productions.

En tant que Pépite des Grands 2016 Totem, de Nicolas Wouters, Mikaël Ross, éditions Sarbacane. 

Et en tant que Pépite d’Or 2016 Dans la forêt sombre et mystérieuse, de Winshluss, Gallimard BD.

Vous pouvez consulter le programme des rencontres avec tous les auteurs en compétition et primés  sur le site du Salon et connaitre les horaires des dédicaces.

Il a lieu du 30 novembre au 5 décembre
Espace Paris-Est Montreuil - 128, rue de Paris à Montreuil (93)
Métro Robespierre (ligne 9)

mardi 29 novembre 2016

La démarche U de nos régions

Quand on m'a parlé de la démarche "U de nos régions" j'ai souri, je peux le reconnaitre. Toutes les grandes enseignes prétendent dénicher le produit régional de qualité et on s'aperçoit si on creuse un peu que ce n'est pas vraiment une trouvaille.

A l'heure où la défense des petits producteurs s'impose je me voyais mal faire l'apologie d'un hypermarché. Quand j'ai un doute je me rends sur place et je suis rentrée de ma visite dans les rayons du Système U de Vaucresson (78) totalement conquise. Je n'en revenais pas moi-même d'être si enthousiaste. Je me sens tout à fait légitime de vous conseiller d'aller y faire vos courses pour la prochaine fête, ou pour une situation normale parce que franchement manger bon et sain devrait être l'apanage du quotidien.

D'abord il faut rappeler que l'enseigne est indépendante (comme Intermarché et Leclerc) donc libre de ses approvisionnements. Système U a enclenché la démarche "U de nos régions", pour exprimer :
. la volonté de partager avec les producteurs locaux des intérêts et des valeurs communes
. l'entretien de relations de proximité avec son terroir, ses partenaires et les goûts des clients
. la défense d'une fierté des identités régionales et la défense de l’économie locale.

Je connais bien la Normandie mais je vais me concentrer aujourd'hui sur l'Ile-de-France. Si je vous en demande les spécialités peut-être penserez vous aux champignons (de Paris), au jambon (de Paris) mais il sera sans doute difficile de citer une troisième. Il faut être fin connaisseur pour songer aux asperges d'Arpajon, au cresson de Méreville, à la menthe de Milly-la-Forêt ou au Fontainebleau.

Si on voit plus large on remarquera qu'il peut y avoir en région parisienne des hommes et des femmes passionnés par leur métier et qui ont développé un savoir-faire exceptionnel, et surtout une qualité hors du commun. Concrètement cela signifie débusquer les meilleurs producteurs installés autour du magasin, qui, si possible s'approvisionnent localement et emploient une main-d'oeuvre sur place.

lundi 28 novembre 2016

La vie est une géniale improvisation au Lucernaire

Quelqu'un m'a dit avoir recensé plus de 500 spectacles en une seule soirée rien que sur la région parisienne. Alors j'ai beau sortir beaucoup il sera toujours impossible de voir ne serait-ce que l'essentiel. Quand mon amie Isabelle m'a proposé de chroniquer  Vladimir Jankélévitch : la vie est une géniale improvisation j'ai pensé que ce serait un début de solution pour couvrir davantage de pièces de théâtre.

Sa plume se glissera régulièrement dans le blog et vous retrouverez ses billets avec le libellé "Isabelle". Voilà son avis sur ce spectacle, étant précisé que je partage son opinion car j'ai passé moi aussi un excellent moment.

Le Lucernaire nous offre le plus merveilleux des cadeaux avec cette reprise du spectacle de Bruno Abraham-Kremer et de Corine Juresco qui nous fait partager 60 ans de correspondances entre Vladimir Jankélévitch et son grand ami Louis Beauduc

Rien qu’en découvrant le titre de la pièce, je me doutais qu’un esprit positif la traverserait et je n’ai pas été déçue. Cette pièce rayonne de questionnements, de tendresse amicale et d’humour. L’une des raisons de mon enthousiasme vient probablement du lien particulier qui unit le comédien à la philosophie et à Jankélévitch. D’entrée de jeu il nous dit : « Il faut que je vous fasse une confidence: j'ai commencé la philosophie à 4 ans. Ma mère était professeur de philosophie et donnait des cours particuliers ». Lui jouait aux soldats de plomb sous son bureau et écoutait.

C’est ainsi qu’il va découvrir le grand Jankélévitch qui a accepté de superviser la thèse de sa mère sur Novalis. Lui-même ira l’écouter lors d’une conférence sur Ravel et ressort fasciné par le personnage « sa pensée virevoltait » ! Quand la mère de Bruno Abraham-Kremer apprend le sujet de la pièce montée par son fils, elle lui écrit une lettre dans laquelle elle décrit qui était  « Janké » comme l’appelaient ses élèves et en quoi il a compté pour elle : « C’était un séducteur, il possédait une grâce qui provenait de sa richesse intérieure. La mère que j’ai été pour toi est en partie forgée par Jankélévitch ».Touchantes révélations qui donnent une dimension très personnelle à ce spectacle.

Coup de tonnerre, crépitement de pluie et tout à coup on entend la voix de Jankélévitch lui-même envahir la scène. On ne verra aucune vidéo de lui mais sa parole reviendra à plusieurs reprises habiter l’espace. Le public est ultra concentré, cette résurrection de la voix du philosophe né en 1903 a quelque chose de magique.


A jardin, un bureau encombré de livres avec un appareil pour écouter de la musique (celui de Jankélévitch autant musicien que penseur), à cour un bureau plus simple (celui de Beauduc).

Bruno Abraham-Kremer nous fait entendre une partie des lettres de Janké à Beauduc rassemblées dans Une vie en toutes lettres aux éditions Liana Levi. Il regarde et se dirige vers le bureau de l’un ou de l’autre selon que la parole est à l’un ou à l’autre. Toutes les missives sont datées. Nous comprendrons plus tard la triste raison pour laquelle on ne dispose des lettres de Louis à Vladimir qu’à partir de 1944. Mais je ne vais pas tout vous révéler.

Les deux hommes étaient coturnes, c'est ainsi qu'on désigne les compagnons de chambrée à l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm à Paris, où ils étaient entrés en 1922. A l'agrégation de philosophie, en 1926, Jankélévitch est reçu premier, Beauduc, second ! Ils garderont une amitié indéfectible l’un pour l’autre et ne cesseront de s'écrire jusqu'à la mort de Louis Beauduc en 1980, cinq ans avant celle de Jankélévitch.

Après l’agrégation, le service militaire. Sa description du monde militaire est un nectar d'humour : « Je ne souris plus à cause de mon faux-col et de mon képi qui répriment tout débordement de ma personnalité. Le matin, j'ai les plus grandes difficultés à entrer dans mes bottes. Je pousse. Mon frère me tient. Ma mère m’encourage. Et  je finis par pénétrer en criant : "C'est pour la France!"  »

Ces anecdotes dites par le comédien avec toute la maîtrise qu’on lui connait alternent avec des réflexions plus profondes telle cette interrogation qui le hante : « Comment vivre en se sachant mortel ? » Le vieillissement est agonie dit Louis. Et Vladimir de lui répondre : « Tu me demandes pourquoi je fais un livre sur la mort ? Le non-sens de la mort donne un sens à la vie. Ce qui ne meurt pas ne vit pas. Quand on pense à quel point la mort est familière, et combien totale est notre ignorance, et qu’il n’y a jamais eu aucune fuite, on doit avouer que le secret est bien gardé ! »
A travers ces grands questionnements, ce sont tous les évènements historiques du XXème que nous découvrons dans cet échange. Blessé lors de l'avance allemande, évacué dans un l'hôpital militaire, il apprend sa révocation de son poste de professeur à la Faculté des lettres de Lille. « Juif par ma mère, métèque par mon père (Russe), trop d’impuretés ! ». Il survit dans la clandestinité en donnant quelques cours particuliers, de tout, même d’orthographe qu’il « a assez bonne pour un métèque » et participe à la Résistance à Toulouse.

Ses lettres de guerre de 1943 à la fin de la guerre ne seront plus signées. Il veut éviter de mettre Louis en danger. « Ton amitié me redonne des raisons de vivre ». On entend plusieurs fois la voix de Jankélévitch : « Dire oui ou non ? Capitulerons nous ou résisterons nous ? »

Après la guerre, il retrouve sa chaire à Lille puis à la Sorbonne. Mais il est changé. Il est travaillé par la question du pardon. Il rejette désormais tout ce qui s’apparente à l’Allemagne, choqué que les philosophes allemands n’aient pas eu un mot de repentir pour les crimes commis. Il faudra attendre 1981 pour qu’un évènement incroyable change sa décision. Mais là encore, je vous laisse le découvrir par vous-même !

Arrivent les années 60… Jankélévitch passe beaucoup de temps à discuter avec ses étudiants pour essayer de comprendre les idées de Mai 68 : « Il n’y a plus de place que pour les troupeaux. » On sent son inquiétude concernant l’avenir de sa fille Sophie qui veut devenir elle aussi professeur de philosophie dans un monde où il se bat pour maintenir la classe de philosophie. Il assiste à l’arrivée des nouvelles technologies : « Place aux ordinateurs et au Dieu Business »

Son humour est omniprésent. Alors qu’il s’apprête à publier un « pavé » à un âge avancé, il écrit à son ami : « Un bonhomme qui promet un bouquin de 1500 pages ressemble à un octogénaire qui prend une maitresse ! »

On se délecte avec le comédien de ces lettres du philosophe. On y découvre son rapport fondamental à la musique : « La musique c’est toute ma vie », et puis sa simplicité : « Etre philosophe c'est douter sans se prendre au sérieux. » « Seul compte l’exemple que le philosophe donne par sa vie et dans ses actes. »

C'est aussi cette amitié sans borne pour Louis qui m’a émue. Lui qui passe sa vie à rédiger, à donner des cours et des conférences, dirigeant jusqu’à 120 mémoires d’étudiants en 1969, cherche à encourager son ami à publier davantage : « Prends garde aux pantoufles et à l'ornière provinciale » ;  «Viens à Paris, délaisse cet éternel Limoges où tu mijotes depuis trente ans… ». Avec une tendresse indéfectible « Je te serre les deux mains. Je suis ton vieux. »

Vladimir Jankélévitch disait dans sa première lettre à Louis avec beaucoup de malice : «  Ne l'oublie pas, nous écrivons pour la postérité, et nos futurs éditeurs réserveront sans doute pour le dernier volume de nos œuvres philosophiques (comme on l'a fait pour Descartes, Kant, etc.) la Correspondance de MM. V. Jankélévitch et L. Beauduc ». 

Se doutait-il vraiment que l'avenir lui donnerait raison ? On doit une fière chandelle à Bruno Abraham-Kremer qui, depuis près de 200 représentations, transmet la pensée vivifiante de Jankélévitch. La qualité de l’écoute est sa récompense, il la qualifie de « petit miracle ». Et il ajoute « Si vous passez par l'île de la Cité au 1 quai aux fleurs (où vivait Jankélévitch), arrêtez-vous un instant en vous-même. »

Le mot de la fin est dit par Jankélévitch « il y aura donc la vie, elle mérite qu’on la vive ! ».

Vladimir Jankélévitch, La vie est une géniale improvisation, d'après sa Correspondance
Adaptation et mise en scène de Bruno Abraham-Kremer et de Corine Juresco
Avec Bruno Abraham-Kremer
Au Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre-Dame des champs - 75006 Paris
Métro : Notre-Dame des Champs - Vavin
Tel : 01 45 44 57 34
Depuis le 19 octobre jusqu'au 11 décembre 2016
Du mardi au samedi à 19 heures
Le dimanche à 15 heures

dimanche 27 novembre 2016

Une 5ème Cantine du Troquet à Rungis.

L'inauguration avait lieu aujourd'hui dimanche. Tous les copains de Christian Etchebest étaient là et cette nouvelle Cantine du Troquet a beau être grande (250m2, comprenant 80 couverts en salle et 40 autres en terrasse) elle semblait minuscule. Peut-être par comparaison avec les avenues désertes de l'immense marché de Rungis.

Vous connaissez sans doute la formule. Alors je ne vais pas vous parler ici des plats signature  du chef (Couteaux à la plancha, Oreilles de cochon grillées, charcuterie d’Erick Ospital). Je vous invite à lire ce que j'ai écrit à propos de l'établissement de la rue Daguerre. Et je vous promets des photos circonstanciées lorsque j'aurai passé une nuit à Rungis avec Christian. Le rendez-vous est programmé d'ici une quinzaine de jours.

Je vais plutôt m'attarder sur ce qui fait l'originalité de ce 5ème établissement, dont la décoration a été confiée à Elodie Nectoux (au centre ci-dessous, entre Christian et Stéphane Bertignac qui prend la direction ). Elle a relevé le défi de gommer le coté hangar et aseptisé du lieu pour en faire un endroit au contraire convivial, bon enfant et chaleureux. Elodie travaille depuis 7 ans dans le métier mais ce chantier est le premier qu'elle prend en responsabilité.
Pari réussi car l'aspect industriel n'est pas dénigré. Le béton n'est pas masqué. Par contre plusieurs plafonds phoniques sont suspendus pour atténuer la portée du bruit dans un espace qui compte tout de même 12 mètres de hauteur. Ça a très bien fonctionné aujourd'hui alors qu'il y avait foule. On peut légitimement penser que ce sera très fonctionnel en condition normale d'utilisation. Un grillage ramène de la verdure dans le fond du restaurant.
Tout de suite à l'entrée, un coin charcuterie autour d'une trancheuse et d'un vieux billot souligne les spécialités de la maison (sans point de vente même si ce sont de vrais produits qui sont exposés). La vitrine ouverte est propice à mettre en valeur la charcuterie gourmande et donner envie d'entrer.
C'est Elodie qui a suggéré qu'un animal soit associé à chaque cantine, composant une sorte de jeu des 7 familles. Le coq qui est l'emblème de celle-ci est nettement visible au centre au-dessus du bar. Et il a même été invité personnellement par Stéphane Bertignac !

samedi 26 novembre 2016

Klaxon de la Compagnie Akoreacro

Le balayeur n'en finit pas de caresser la piste. L'accordéoniste récupère ses bottines dorées.

Ça s'invective en italien. On a tous compris que c'est pour de faux ... pour le moment.

Parce que lorsque le top départ aura retenti d'un coup de sonnette (de klaxon ne chipotons pas) les six acrobates et les cinq musiciens de la compagnie Akoreacro, vont se déchainer, visuellement et musicalement.

La création est le résultat d'un travail collectif, avec un foisonnement scénique assumé. L’ensemble donne un spectacle dynamique, avec effectivement pleins de détails, mais aussi de la légèreté, de l’humour, et de la poésie.

On assiste à un joyeux capharnaüm autour d'un piano sur roulettes, d'une roue Cyr, d'un cadre aérien et de balles de ping-pong. On comprend avec eux ce que "saisir la balle au bond" veut dire. 
Les instruments de musique deviennent des personnages à part entière. Ils font partie intégrante de l’histoire, et de leur coté les acrobates prennent part à la partition musicale. Si bien que tout au long de la soirée on a le sentiment que tout est lié, sans que domine l'un ou l'autre de ces deux arts.

Le double champ d'action, musical et acrobatique se confirme tout le long de la représentation.

Les choix musicaux sont très éclectiques, avec beaucoup d’inspirations différentes qui provoquent une émotion différente : jazz, classique, musique du monde, hip hop, … La battle de beat boxing était osée. Elle fut très réussie.

Coté acrobatie, beaucoup de portés, du main-à-main, mais aussi de l’acrobatie aérienne avec du cadre.
Ils réinventent leur art en fondue déchainée et le public est ravi. C'est jubilatoire, généreux et inventif aussi. 

Ces circassiens savent tout faire et ils le font bien. Une heure 30 passent très vite en leur compagnie et on peut venir les applaudir en famille. Tous les dimanches après le spectacle, la Compagnie Akoreacro vous invite à partager un moment musical gratuit sous la tente restauration.
Ce sont pour la plupart des copains de lycée qui se connaissent depuis plus de 15 ans. La compagnie existe depuis dix ans et Klaxon est rodé depuis longtemps. C'est cependant la première fois que le public parisien peut le voir. Les abonnés venus le soir de la première ont été enthousiasmés et ont facilement accepté de témoigner en donnant leurs avis, par écrit ou en face à face devant la caméra.
A ce propos le restaurant et bar qui sont sur place sont de qualité. J'y ai diné d'un feuilleté de boudin noir cuit à la perfection. La viande provient de Lozère, certifiée par le frère de la cuisinière Géraldine qui, lorsqu'elle rentre dans sa famille, en revient les jus de fruit de sa voisine cévenole. On est d'accord avec elle : vaut mieux faire travailler les copains plutôt que les multinationales.
Tout est maison, même le pain. Et bien sur le gâteau de châtaignes. On peut manger cette cuisine aussi au Monfort ou en Avignon, ou sur un tournage cinéma. Mais avouez que c'est plus facile d'aller à la Villette pour ça.

Klaxon de la Compagnie Akoreacro

Cirque, dès 5 ans
Du 23 novembre au 25 décembre
A l’Espace chapiteaux
Dans le cadre de Villette en Cirques
Du mercredi au samedi à 20h, le dimanche à 16h
Durée : 1h15
Relâche le 24 décembre
À partir de 5 ans

vendredi 25 novembre 2016

Lettre à un jeune poète de Rainer-Maria Rilke

Le spectacle a été créé au Théâtre de Poche-Montparnasse le 3 octobre 2016 et c'est avec beaucoup d'émotion que le public écoute cette Lettre à un jeune poète de Rainer-Maria Rilke, ponctuée d'intermèdes musicaux joués au violoncelle.

C'est en 1903, qu'un poète de 20 ans, Frantz Xaver Kappus, alors étudiant à l’Académie militaire de Wiener-Neustadt, décide d’envoyer à Rainer-Maria Rilke, ses premiers vers poétiques accompagnés d’une lettre dans laquelle il lui avoue douter de sa vocation. Il ne pouvait espérer plus belle écoute et plus juste accueil face à ses incertitudes.

Pendant cinq ans, de 1903 à 1908, avec une extrême délicatesse, Rilke répondra régulièrement à ce jeune homme qu’il ne rencontrera jamais. Il aborde néanmoins avec aisance tous les grands sujets de l’existence : l’amour, la mort, la solitude ... et Dieu, comme Michael Lonsdale aurait pu le faire lui-même, et c'est ce qui rend sa présence sur scène absolument bouleversante.

Rainer-Maria Rilke est né à Prague, alors en Autriche-Hongrie. Sa famille l’oriente vers la carrière des armes. En 1896, il part pour Munich, entreprendre des études de philosophie où il fait la rencontre de Lou-Andreas Salomé en mai 1897, il a alors trente-six ans. Cette même année, il change de prénom. De René Maria, il devient Rainer Maria.

En 1910, il rencontre Marie de Thurn dans son château de Duino, pour laquelle il compose son chef-d’œuvre : Elégies de Duino. A partir de 1919, il s’installe en Suisse et compose plusieurs recueils de poésie en français. Il meurt d’une leucémie en 1926 et est inhumé à Rarogne, en Valais (Suisse).

Trois ans après la mort du maître, en 1929, Frantz Xaver Kappus édite dix courriers que lui a envoyés Rilke et les accompagne d’une courte et respectueuse préface. Il décide simplement d’intituler ce recueil : Lettres à un jeune poète.

On ne présente plus Michael Lonsdale ... sa voix chuchote des mots qui touchent en plein coeur. Une oeuvre d'art est bonne quand elle est née d'une nécessité. Alors oui cette soirée fait réfléchir en nous amenant à nous décentrer de notre quotidien si envahissant.

Aimez votre solitude, cher monsieur, si tout ce qui vous est proche touche les étoiles (...)

Avez-vous perdu Dieu comme on perd un caillou ? Projetez sa venue. Soyez joyeux et plein de confiance.

Le comédien avale quelques gorgées de thé (froid sans doute) et poursuit sur le thème de l'amour. Il est bon aussi d'aimer parce que l'amour est difficile. S'il y a des abîmes, ce sont les nôtres. S'il y a des dangers nous devons les aimer. Tous les dragons de notre vie sont peut-être des princesses en attente de transformation.

La vie a toujours raison. La vie, la mort sont deux choses grandes et magnifiques.

Michael Lonsdale regarde le public dans les yeux avec son regard de lion qui a tout vu. Ses mains virevoltent en scandant la mesure de cette musique déchirante qui sort du violoncelle avant de nous faire cadeau du meilleur conseil possible : Elance toi en plein vers la lumière !

A lire, ou relire, si ce n'est déjà fait, non seulement Rilke mais Lonsdale lui-même dont le dernier livre parle (lui aussi) d'amour.
Lettre à un jeune poète de Rainer-Maria Rilke
Mise en scène Pierre Fesquet
Avec Michael Lonsdale, Pierre Fesquet, et les violoncellistes Fabrice Bihan ou Emmanuelle Bertrand,
Théâtre de Poche Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse, 75006 Paris
A partir du 13 novembre 2016 et jusqu'à la fin de l'année lundi à 19h, dimanche à 17h30
A partir de janvier 2017, prolongations, les lundi à 19 heures
     
A savoir : Le Théâtre de Poche propose une sélection d’ouvrages en lien avec la programmation, disponible sur place. Une place achetée en plein tarif au guichet donne droit à une place à tarif réduit pour un autre spectacle (uniquement sur présentation du billet utilisé et dans la limite des places disponibles).Et le Bar du Poche vous accueille du lundi au samedi de 18h à 23h et le dimanche de 14h à 19h. Tout y est maison ou en provenance d'excellents producteurs.

jeudi 24 novembre 2016

Au grand Rex, la féérie des eaux suivie de Vaiana, la légende du bout du monde

Du 16 novembre 2016 au 2 janvier 2017, c'est Noël au Grand Rex ! Le spectacle aquatique la Féerie des Eaux, précède Vaiana, la Légende du bout du monde, le dernier dilm d'animation sorti des studios Disney (dont la sortie officielle est le 30 novembre), dans la pure tradition de grands succès comme Pocahontas.
Destinés aux enfants ces deux propositions plairont à tous les spectateurs.

Personnellement j'ai autant apprécié l'un que l'autre. J'avais entendu parler de la Féérie des Eaux depuis plusieurs années sans avoir jamais eu l'occasion d'en voir de près le déroulement.

Il faut d'abord souligner le confort de cette salle, aux profonds fauteuils de cuir et au décor absolument "incroyable" qui en fait un palais des mille et une nuits comme l'a voulu son premier propriétaire, Jacques Haïk, né en 1893 à Tunis, riche producteur et distributeur dans le cinéma, comme je l'ai expliqué ici. C'est le plus grand cinéma d'Europe et il mérite d'avoir été inscrit à l'inventaire des monuments historiques.
Les jets d'eau sont bien réels, y compris lorsqu'ils surgissent en arc de cercle discontinus depuis les balcons. Le spectacle est réglé dans l'esprit d'un sons et lumières, avec 1200 jets d'eau à plus de 15 mètres de haut, au rythme de jeux de lumière et d'effets spéciaux avec des lasers qui passent par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Créé en 1952, il a voyagé dans le monde entier et se modernise chaque année à l'occasion de Noël.

mercredi 23 novembre 2016

Kabukicho de Dominique Sylvain chez Viviane Hamy

C'est à l'invitation de l'association Lire c'est Libre que je me suis rendue le 19 novembre à l'Olympic Entrepôt pour un débat entre deux auteurs Dominique Maisons pour On se souvient du nom des assassins un thriller publié en octobre dernier aux éditions de La Martinière, et Dominique Sylvain pour Kabukicho, un roman noir publié chez Viviane Hamy.

Si l'on croit aux concours de circonstances on trouvera cela normal. Il y a trop de concordances pour que ce soit anodin. Me voilà (encore) en contact avec quelqu'un qui connait parfaitement le pays de la courtoisie et de la politesse, régi par une haute valeur morale (on peut laisser son ordinateur sur la table du café le temps d'aller aux toilettes avec la certitude de le retrouver), où la patience et la retenue sont des vertus partagées par tout le monde dans une société extrêmement verticalisée. Car ce pays est une gigantesque usine à règles. (p. 81)

Le Japon est fascinant. Car c'est aussi un endroit où la violence peut trouver un terreau très fertile.

Dominique Sylvain s'est intéressé à ce pays bien avant d'y vivre. C'est probablement l'influence cinématographique de Bruce Lee qui l'a décida à s'initier au karaté. Elle approuve son mari quand il exprime le souhait de s'y installer pour raisons professionnelles. Elle vivra treize ans en Aise avec sa famille. L'environnement lui fournit le cadre d'un premier roman où il est question d'une fille qui ne maitrise ni la langue ni les codes culturels. C'était en 1995 et le roman est intitulé  Baka ! (« idiot » en japonais). Le couple est depuis revenu en France mais Dominique est restée écrivain et a déjà publié une quinzaine d'ouvrages, toujours des policiers ou des romans noirs. Elle habite actuellement à Paris mais reste très attachée à l’Asie où elle se rend régulièrement. 
Kabukicho est le nom d'un quartier qui existe réellement au coeur de Tokyo, sorte d'équivalence au Pigalle parisien. Après la seconde Guerre Mondiale, le maire aurait voulu bâtir sur les ruines un théâtre de kabuki mais les américains s'y sont opposés car l'heure n'était pas au renforcement de la culture japonaise. Au contraire, on a préféré permettre aux GI (ainsi désigné en référence à l’inscription "Galvanized Iron" – fer galvanisé, en anglais – figurant sur tous les objets en métal propriétés de l’US Army) de disposer d'un quartier où se distraire.

Ce sont des rues aveuglées par les néons jusque vers 5 heures du matin. Les bars et love hôtels qui occupent des étages d'immeubles ne désemplissent pas et la mairie considère aujourd'hui que cela peut constituer un handicap en terme d'image au moment des futurs jeux olympiques. En attendant de savoir s'il survivra ou sera détruit, Dominique Sylvain en a fait le théâtre de son roman.

Ses personnages principaux exercent le métier d'hôte et hôtesse, car l'emploi n'est pas réservé aux femmes. Leur rôle est de faire boire la clientèle en assurant une conversation avec empathie qui compense, en quelque sorte le faible développement de la psychanalyse. Le commerce charnel est autorisé mais jamais indispensable. La fréquentation de ces bars est composée de salarymen (les cadres ) et aussi pour partie de prostitués qui trouvent le moyen d'évacuer ainsi le stress des heures précédentes. On pourrait considérer que ce type de commerce a des vertus équivalentes au carnaval des sociétés occidentales, à ceci près que les moments de soupape sont plus réguliers.

Les femmes ont le choix entre un hôte de type prince charmant, ou glam rock, à moins qu'elles ne préfèrent passer la soirée en compagnie d'un bas boy. Il est facile de choisir sur photo, à l'instar d'un plat sur un menu. Le nombre de fans de chaque hôte est affiché. On sait d'emblée que Yudai et Kate, les deux héros de Dominique Sylvain, sont en tête du classement de leur établissement.
La construction du roman, d'ailleurs sous-titré la Cité des mensonges, s'appuie sur la recherche de la vérité par des personnes qui pratiquent l'art de la conversation émaillée de compliments et de faux semblants.
À la nuit tombée, Kabukicho, est un théâtre où l’art de séduire se paye à coup de gros billets et de coupes de champagne. Deux personnalités dominent la scène : le très élégant Yudai, dont les clientes goûtent la distinction et l’oreille attentive, et Kate Sanders, l’Anglaise fascinante, la plus recherchée des hôtesses du Club Gaïa, l’un des derniers lieux, dirigé par Sanae, la mama-san, où les fidèles apprécient plus le charme et l’exquise compagnie féminine que les plaisirs charnels. 
La jeune femme disparaît un après-midi. À Londres, son père reçoit sur son téléphone portable une photo qui la montre les yeux clos, avec pour légende "Elle dort ici." Bouleversé, mais déterminé à retrouver sa fille, Sanders prend le premier avion pour Tokyo, où Marie, colocataire et amie de Kate, l’aidera dans sa recherche. Yamada, l’imperturbable capitaine de police du quartier de Shinjuku, est quant à lui chargé de l’enquête officielle. 
La disparition d'une gaijin (Kate est une étrangère) est l'accélérateur d'un processus qui a commencé bien avant. L'inspecteur de police est un peu atypique par rapport au mode opérationnel habituel au Japon. A la suite d'une blessure à la tête et d'un coma profond, Yamada a perdu une partie de sa mémoire, ce qui a pour effet de provoquer des omissions qui s'additionnent aux mensonges des protagonistes qui auraient, pour une raison ou une autre, quelque chose à cacher.
Le débat a été mené de main de maitre par Christophe de Jerphanion, alias Joyeux Drille (car tel est son nom de bloggeur), alternant les interrogations entre les deux auteurs et faisant émerger leurs spécificités. Il a ainsi souligné les multiples hommages que Dominique Sylvain rend à Patricia Highsmith qui reconnait aimer infiniment Monsieur Ripley, un roman que l'américaine a publié en 1955.

Au cinéma il fut adapté en 1960 sous le titre Plein soleil avec Alain Delon, Maurice Ronet et Marie Laforêt, par René Clément qui ajoute une fin morale alors que dans l'original le coupable ne se laisse pas prendre. La question de l'identité est au coeur du roman de Dominique Sylvain comme elle l'est dans un autre film qu'un des personnages apprécie, la Sirène du Mississipi de François Truffaut, sorti en 1969.

L'ambiguïté sexuelle qui est suggérée dans la version américaine du Talentueux Mr. Ripley, réalisé par Anthony Minghella, en 1999 trouve aussi un certain écho dans les pages du livre.

Entre mensonges et pseudo-vérités, il peut s'avérer difficile de démêler les fils d’une manipulation démoniaque. Les morts vivent en nous. (p. 161) Les indices sont nombreux et j'ai très vite deviné l'issue sans que cela ne gâche mon plaisir de lecture. La construction psychologique est plus importante que l'énigme policière et c'est une des forces de cette écriture. Dominique Sylvain rappelle (p. 63) qu'au coeur même du tourbillon net de la catastrophe existe une zone de paix absolue, qui est l'oeil du cyclone. Toujours est-il que l'on doute que ses héros puissent atteindre cet endroit ... dans leur propre vie ou dans celle qu'ils songeraient à emprunter.

A l'instar d'Elmore Leonard dont elle est une grande admiratrice, chaque chapitre est écrit du point de vue d'un des personnages ce qui entraine le lecteur à ne pas prendre parti définitivement. Lorsque Marie parait, les pages sont ponctuées d'extraits de la Cité des Mensonges, qui est le titre du livre titanesque (p. 55) qu'elle rêve de publier pour témoigner de ce dont elle est capable.

Par ailleurs, et c'est bien entendu parce que l'auteur connait très bien la culture japonaise, on oublie que nous sommes sur le terrain de la fiction. Suivre l'intrigue nous fait réellement partir en voyage au pays du Soleil levant. On arpente Kabukicho. On tremble à l'apparition d'un yakusa appartenant à la mafia japonaise. On reste proche de l'univers manga. On se glisse dans l'eau chaude et relaxante d'un onsen.(p. 201) On découvre l'île d'Oshima et le volcan des amours perdus. On visite une des dernières  maisons traditionnelle, une minka qui subsiste encore malgré toutes les catastrophes naturelles que le pays subit. Et on se remémore une matsuri. (p. 235)

J'ignore si Dominique Sylvain sera présente au prochain Salon que Lire c'est libre organisera, sous la houlette de sa dynamique présidente, Régine Heindryckx, le samedi 28 janvier dans la mairie du 7ème arrondissement de 14 à 18 heures. N'attendez pas la réponse officielle pour découvrir son roman.

Kabukicho de Dominique Sylvain chez Viviane Hamy, collection Chemins Nocturnes, en librairie de puis le 6 octobre 2016

mardi 22 novembre 2016

Dégustation de jambon de bellota 100% ibérico Cinco Jotas au Farago

Quand on souhaite déguster un produit dans les meilleures conditions possibles je conseille d'aller dans un restaurant qui a l'habitude de l'inscrire à sa carte. C'est dans cet état d'esprit que je suis venue au Farago, 11 cour des Petites Écuries, une rue qui a des allures de voie privée un peu provinciale, ce qu'il faut lire comme un compliment.

L'assortiment de Bellota figure dans le menu soir découverte comme dans le menu hit-eat et le menu soir Farago qui est le plus sophistiqué de l'établissement.

Je vous montrerai en fin d'article comment on peut se régaler dans ce restaurant mais place d'abord au produit à l'honneur dans cet article, le jambon de Bellota. 100% ibérico Cinco Jotas découpe de main de maître par un Maestro Cortador. Car  la coupe se doit d'être parfaite : il s'agit de trancher le jambon en disposant sur l'assiette des morceaux fins et translucides qui pourront se consommer en une bouchée.
C'est peu dire que c'est bon. La couleur du jambon est une première surprise avec un camaïeu de rouges et de roses selon les zones de coupe. La tranche brille et en bouche on sent de petits cristaux, garantie d'une faible salinité et d'un séchage lent et graduel. Cela fond entre mes doigts. C'est doux, juteux et onctueux. Les arômes sont longs et intenses, a fortiori lorsque on s'approche de l'os. Les goûts sont multiples, évoquant les sous-bois et parfois une note sucrée. C'est une expérience à faire.

lundi 21 novembre 2016

Koumiko d'Anna Dubosc

Anna Dubosc est la première gagnante du Prix Hors concours, avec un livre atypique, c'est le moins qu'on puisse dire. Je plébiscite ce choix même si elle n'était pas la seule à mériter une récompense.

Il faut reconnaitre que le jury ne pourra pas être taxé de conformisme parce que la jeune femme qui semble si timide ose raconter sans aucune fioriture ce que la dégradation de l'état de santé de sa mère provoque en elle. Koumiko Muraoka est poète. Elle est née en Mandchourie et a émigré à Paris bien avant la naissance de sa fille.

On peut se rendre compte de la singularité de cette artiste dans le film de Chris Marker, "Le mystère Koumiko", tourné en 1965 alors que le Japon se trouvait dans la dynamique des Jeux Olympiques.

Le site de l'éditeur, Rue des promenades, n'édulcore pas la situation : Elle n’a pas le droit de sortir, mais on s’en fiche, on sort. Elle enfile sa doudoune. En dessous, elle porte un tee-shirt et un survêtement. Je regarde la peau de ses chevilles fripée. Elle n’a pas ses bas de contention, elle dit que ça la serre trop. J’ai beau lui expliquer que c’est fait exprès, elle est convaincue que c’est mauvais. J’insiste, j’ai peur qu’elle meure d’une embolie. « Il faut que tu mettes tes bas, c’est important, maman. » Mes mots s’enfoncent comme dans un cauchemar d’impuissance. « On verra ça plus tard. Je peux pas tout faire, j’ai trop de choses à penser ! » D’un coup, je la crois. Que je m’inquiète pour rien, que je l’emmerde pour rien. Qu’elle ne va jamais mourir, qu’elle n’a pas le temps de mourir, qu’il n’en est pas question.

Koumiko est l'occasion, pour Anna Dubosc, de parler de sa mère qui s'enfonce dans la maladie, en inventant une façon de parler de la douleur et de la plénitude de la relation qui se dégrade. Elle ose des réflexions incroyables. Cette jeune femme ultra timide (je l'ai rencontrée) parle de sa mère à la troisième personne, en la désignant par son prénom et néanmoins avec une pudeur qui ne tarit jamais.
Elle n'hésite pas à écrire que sa mère glapit : ma tête c'est pourri. Elle la décrit comme un poulet sans tête courant dans tous les sens. Et la couverture du livre illustre cette métaphore avec un cliché évoquant la pellicule du film de Chris Marker. Parfois elle fait semblant de ne pas comprendre. Elle me gonfle, nous dit-elle, s'énerve contre ses lubies (p. 92). J'ai envie de lui dire ferme ta gueule, putain, espèce de cinglée !

Quelques lignes plus loin elle surenchérit : puis merde, elle n'a qu'à s'exprimer. Je ne lis pas dans ses pensées. Je suis sure qu'elle n'a rien dit pour jubiler de nous en vouloir et nous accabler de culpabilité.

Et pourtant l'amour qu'elle lui porte suinte page après page. Je me mets en quatre, j'essaie de tout lui remettre dans la tête. j'ai peur. Si je la laisse s'enliser, nous aussi, elle nous oubliera (...) Ça me touche et ça m'agace, son attachement à des petites choses insignifiantes et sans valeur, mais qui n'ont justement pas de prix, qui sont uniques, qu'on ne peut pas remplacer. (p. 72)

Son alimentation la désespère et son rapport au désordre la sidère. Quand il lui arrive de désirer conserver un objet superflu elle se moque d'elle-même : voilà que je fais ma Koumiko. (p. 36) Si ma fille avait connaissance de cette réflexion elle se l'approprierait pour se moquer de moi qui ai (tout autant qu'elle) horreur de jeter.

Elle a comme un don à l'envers, maintenant, pour dégotter ce qu'il y a de plus mauvais. Là je la reconnais quand même, dans cet excès, cette démesure. (p. 75)

Le lecteur s'interroge sur la fonction que l'approche de la fin de sa mère a pour effet sur elle, et en quoi on touche -ou non- à l'universel. Apprenant qu'elle est atteinte d'une maladie de la moelle osseuse elle écrit : enfin il se passait quelque chose. la mort de ma mère, ça c'était sérieux. Ça me sortait de la torpeur, ça me mettait dans l'action (p. 13)

On comprend vite qu'une sorte de mouvement de balancier s'opère inéluctablement entre Koumiko, la poétesse et Anna l'écrivain : ça fait 7 ans qu'elle n'écrit plus, depuis que je suis moi-même publiée, comme s'il n'y avait pas de place pour deux dans l'écriture ou qu'il suffisait qu'une seule de nous deux écrive.

C'est tellement beau tout ce qu'elle raconte. J'ai le coeur qui bat, je veux pas en perdre une miette (p. 83) Et Anna note avec frénésie la moindre de ses réflexions ... comme j'ai pu le faire aussi quand j'accompagnais ma mère dans cette même maladie.

Je comprends donc parfaitement ce qu'elle peut éprouver en assistant, avec impuissance aux moments où sa mère partage avec elle des moments de bonheur naïf comme lorsqu'elle vit des instants de blues intense, lourds comme du plomb.

Elle est stupéfiée par sa lucidité, comme si elle lui sautait à la gorge, alors qu'elle l'avait crue morte. (p. 148) Combien de fois ai-je ressenti semblable interrogation. Combien de fois ma mère aussi me demandait si la maison existait toujours et semblait rassurée quand je lui répondais par l'affirmative.

Oui, ces personnes là, même si elles perdent la tête, la perdent à leur façon, mais curieusement toutes de la même manière. Et si l'écriture d'Anna Dubosc est singulière elle n'en est pas moins magnifique.
Anna Dubosc est née à Paris en 1974. Elle écrit avec l’intensité et la légèreté de celles qui font tourner le monde. Ses mots jaillissent au milieu de la ville, du chaos, du rire, de la mort. Ils rejoignent les autres, expriment ce qui nous lie et ce qui nous délie. Frontale, drôle, pince-sans-rire, Anna Dubosc démonte le monde pour le remettre à l’endroit.

Elle a publié des textes, des chroniques et des interviews dans les revues Purple, Purple journal, Citizen K, Libération Style, Something, Ce soir. Ses collages et dessins sont régulièrement exposés dans les galeries.

Koumiko d'Anna Dubosc, éditions Rue des Promenades, 14 euros

dimanche 20 novembre 2016

Si vous ne connaissez pas encore la plancha révolutionnaire de Mastrad ...

Connaissant Interfel, l'interprofession des fruits et des légumes frais où se déroulait l'atelier, j'ai été invitée à découvrir la dernière création de Mastrad, célèbre pour ses papillotes en silicone.

Il s'agissait du set plancha O'plancha Mastrad permet nombreuses cuissons en mode plancha ou teppanyaki pour griller et cuire la viande, légumes, poissons... aussi bien à l'extérieur... qu'en intérieur.

J'étais sceptique mais je ne demandais qu'à être convaincue parce que je suis frustrée de n'avoir pas de balcon pour y installer ne serait-ce qu'un mini-barbecue. Autant le dire tout de suite, j'ai été convaincue au-delà de mes espérances puisqu'un tirage au sort m'a même permis de rentrer chez moi avec le précieux set.

J'étais loin d'imaginer une telle issue alors que j'arrivais un peu en avance, et que le chef me proposait de tester l'appareil en situation réelle en lui donnant un (petit) coup de main.

Rien que la perspective d'attendre que le four soit suffisamment chaud me fait renoncer régulièrement à préparer une pizza. C'est un enfer l'été et de tous temps une perte de temps accompagnant un gâchis d'énergie, de mon point de vue, sauf à enfourner en même temps deux ou trois préparations.

Cette plancha est totalement déculpabilisante, et rapide en prime. On découpe des cercles de pâte à l'emporte-pièce. On pose dessus une rondelle de tomate, puis une cuillère généreuse de Philadelphia (qui coulera moins à la cuisson que de la crème fraiche), quelques lardons coupés finement et une pincée de fromage râpé. On peut aussi saupoudrer de thym ou herbes de Provence.
Le tout est disposé sur un disque de papier sulfurisé et hop sur le gaz, la plaque électrique ou l'induction. Le fonds de l'appareil est thermo-diffuseur. Sa triple épaisseur de 8 mm (acier inoxydable/aluminium) le rend compatible avec tous les modes de cuisson ... même le four traditionnel ou le barbecue. On accroche le couvercle et on suit la montée en température.

samedi 19 novembre 2016

Les amoureux de Shakespeare par les Mauvais Elèves

Quel beau jour pour un rêve éveillé. Mes rêves c'est ma réalité. Voilà commence la comédie (presque musicale) que l'on peut savourer au Poche Montparnasse. J'avais vu la version (plutôt sérieuse) du Songe d'une nuit d'été dans la mise en scène de Guy-Pierre Couleau cet été au Théâtre du Peuple de Bussang (Vosges) et cela ne m'a pas empêchée le moins du monde d'apprécier cette réécriture fantaisiste.

Nous sommes en Angleterre, mais dans les années 60, où quatre jeunes londoniens, Héléna, Hermia, Démétrius et Lysandre se retrouvent dans une forêt pour leur premier feu de camp. Lysandre et Hermia, épris l’un de l’autre, profitent d’un moment d’inattention de leurs amis pour partir tous les deux se conter fleurette. Héléna, qui elle n’a d’yeux que pour Démétrius, essaye en vain de lui faire part de son amour. Il la repousse et part à la recherche d’Hermia pour lui déclarer sa flamme.

Arrivent alors les Pucks, êtres farfelus et magiques de la forêt, invisibles pour les humains. Outrés par l’attitude de Démétrius, ils montent un stratagème pour le rendre amoureux d’Héléna. Ils se souviennent alors d’une plante magique qu’il faut déposer sur les yeux d’une personne endormie ... à condition qu'ils ne confondent pas les deux garçons ...

Les quiproquos s'enchaîneront et les personnages passeront par tous les sentiments amoureux, en les illustrant avec les plus grands tubes anglais des années Beatles chantés a cappella  pour notre plus grand plaisir.

Les Mauvais Élèves sont une compagnie de quatre comédiens, qui en 2013, sous la direction de Shirley et Dino, créé son premier spectacle Les Amoureux de Marivaux. Ils se sont rencontrés dans le même cours de théâtre et ont sympathisé autour d'un point commun : la volonté de laisser parler leurs envies et leur fantaisie et en finir avec les cours trop rigoureux où l’on impose une seule façon de jouer un personnage. Ensemble, ils font appel à leur créativité pour permettre la rencontre entre le texte d’un auteur classique et leur propre imagination.

Trois ans après le succès rencontré par leur premier spectacle (plus de 300 représentations, notamment dans ce même théâtre du Poche Montparnasse), les Mauvais Élèves se retrouvent et réitèrent l’expérience avec Les Amoureux de Shakespeare, sous le regard toujours aussi bienveillant, professionnel et plein d’humour de Corinne (qui la première a eu l'idée du spectacle) et Gilles Benizio.

La création a eu lieu cet été au festival Off d'Avignon où le public a validé le parti-pris artistique marqué par une grande liberté de jeu, d’improvisation, de montage des scènes, de costumes et de choix des chansons dans un espace qui n'a pas besoin de décor.

Les costumes (de Mariette Niquet Rioux) rappellent sans équivoque les années 1960 en Angleterre, et s'accordent avec le choix des chansons des Beatles, des Kinks, des Troggs... que l'on retrouve avec une pointe de nostalgie nuancée de dérision, à la mesure du nom de leur troupe qui est loin d'être mauvaise.

On aurait envie qu'ils revisitent tout le répertoire !

Les amoureux de Shakespeare d’après Le Songe d’une nuit d’été
par les Mauvais Elèves
Mise en scène de Shirley et Dino
Avec Valérian Béhar-Bonnet, Elisa Benizio, Bérénice Coudy et Antoine Richard
Au Poche Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse, 75006 Paris
Du mardi au samedi, du 15 novembre 2016 au 8 janvier 2017 à 21h puis du 10 janvier au 22 mars 2017 à 19h (car le spectacle est prolongé en raison de son succès)

Le Théâtre de Poche propose une sélection d’ouvrages en lien avec la programmation, disponible sur place. Le Bar accueille le public du lundi au samedi de 18h à 23h et le dimanche de 14h à 19h. Et je voudrais lui attribuer une mention spéciale pour le choix des produits La Belle-Iloise, servis sur ardoise, entre lesquels il est difficile de fixer son choix. et puis pour la quiche et les desserts maison de Rachel comme le fondant au chocolat.
La photo qui n'est pas logotypée A bride abattue est de Marc Chatelard.

vendredi 18 novembre 2016

L’empereur c’est moi de Hugo Horiot

Si on a lu le roman de science-fiction de Daniel Keyes publié en 1966, Des fleurs pour Algernon, ou que l'on a suivi son interprétation au théâtre par Grégory Gadebois en 2013 ou au cinéma par Julien Boisselier, en 2006 on pense avoir approché le fonctionnement d'une personne touchée par l'autisme.

L'année dernière le Bizarre incident du chien pendant la nuit révélait une autre facette, plus positive,  de ce handicap sur la scène du Théâtre de la Tempête.

Même si ce sont des oeuvres remarquables (que je recommande sans réserve) elles ne révèlent la particularité de la souffrance que du point de vue de l'adulte. L'Empereur c'est moi a ceci de supplémentaire qu'il met en scène un enfant, et celui-là même qui fut (doit-on écrire qui est) atteint de troubles autistiques.

L'émotion s'en trouve décuplée et j'ai refermé mon carnet sans avoir envie d'y écrire mes notes au fur et à mesure de la soirée parce que ce spectacle ne s'analyse pas. Il se vit. Le comédien Hugo Horiot  est émouvant, très, faisant partager les émotions de ses jeunes années avec beaucoup d'intensité.

Car cette pièce est une histoire vraie, annoncée comme l’autoportrait d’un enfant en colère, le récit d’une jeunesse passée dans l’isolement, le combat sans merci d’un jeune garçon avec son double. Mêlant l’imaginaire aux souvenirs, Hugo raconte sa souffrance d’être différent, son refus de parler, son désir d’être un autre jusqu’à vouloir changer son nom.

Il y a plus de vingt ans Françoise Lefèvre décidait de raconter son histoire avec son petit garçon qui ne parle pas mais qui crie très fort. Il s’agissait d’Hugo. Le roman s’intitulait Le Petit Prince Cannibale et remporta le prix Goncourt des lycéens. Des années plus tard, Hugo décidait de répondre à sa mère en offrant un nouvel éclairage à son livre.

Il est accompagné sur le plateau par la comédienne sourde Clémence Colin qui fait bien plus que signer le texte du spectacle en Langue des Signes Française (ou LSF). A propos il est conseillé aux personnes sourdes de se placer de préférence dans les premiers rangs à cour. Mais loin d’être simplement présente en bord de scène pour rendre les paroles intelligibles aux malentendants elle accompagne le comédien avec une subtilité magnifique, interprétant tous les protagonistes auxquels il fait allusion.

Je me suis interrogée sur la façon dont elle se repère pour être à ce point en phase avec ce qui se passe. Elle exprime de plus toutes les émotions avec un merveilleux sourire. Elle est très apaisante, comme quoi les mots ne sont pas toujours utiles pour entrer en communication.

Le décor m'a moins convaincue même si j'ai compris que le désordre est en quelque sorte la métaphore de l'encombrement des affects. En revanche les costumes de Annaig Le Cann sont librement et habilement inspirés de l'univers des contes.

Enfin je vous conseille la lecture des deux livres d'Hugo Horiot publié aux éditions l'Iconoclaste. Le premier, écrit en l'espace de deux semaines,  Le petit Prince est mort. Vive l’Empereur ! (en librairie depuis le 28 mars 2013) restitue sa souffrance d’être différent, son refus de parler, son désir d’être un autre jusqu’à vouloir changer de nom. On a l’impression de voir le monde par ses yeux, d’être dans son cerveau. Ce témoignage exceptionnel nous fait comprendre ce qui se passe dans la tête d’un enfant autiste extrêmement intelligent, ses obsessions, ses angoisses, son regard sur notre monde à nous.

Le second, Carnet d'un imposteur (en librairie depuis le 21 septembre 2016) raconte son passage à l'âge adulte dans une violence retenue, chapitre après chapitre, qui sont autant de flashs foudroyants. Contraint de s’adapter, il joue sur scène et dans la vie faisant de la comédie son métier et une échappatoire. Ses émotions, ses échecs, ses doutes sont exacerbés. Un corps et un esprit en combustion : à cause de l’autisme peut-être, mais chaque lecteur pourra se reconnaître dans ce récit en ce qu’il révèle de la difficulté à être et à s’adapter au monde.
Quand j’étais petit, je ne parlais pas. Mon cerveau était différent. Moins bien organisé. Trop de souvenirs débordaient. Alors soudain, de gros nuages noirs et pâteux sont venus l’envelopper. Cyclones, tempêtes, tornades ont tout détruit. Mes souvenirs se sont dispersés. Il y en avait trop.
L’empereur c’est moi de Hugo Horiot
Spectacle bilingue français - langue des signes LSF
Mise en scène : Vincent Poirier
Avec : Hugo Horiot et Clémence Colin (jeu et LSF)
Du 15 au 20 novembre 2016
Du mardi au samedi à 21 h, le dimanche à 15 h
Au Studio Hébertot, 78 bis Boulevard des Batignolles 75017 Paris
Le crédit photo est @Virginie Meigné.

jeudi 17 novembre 2016

Let it snow, un recueil de nouvelles nous est proposé par La TeamRomCom

Frank Sinatra l'a chanté, Let it snow. C'est sans doute ce qui a donné l'idée à la TeamRomCom (qui porte un nom anglais) de le choisir comme titre pour son recueil de nouvelles sur le thème de Noël, plus précisément de ce moment si magique (ou désespérant pour les solitaires) qu'est le Réveillon.

Chaque jour de nouvelles recettes de bûche apparaissent dans le fil d'actualité de FB. Je me suis dit qu'il ne fallait pas que je tarde davantage pour vous parler de ce "livre". J'y mets des guillemets car il faut s'y faire, il est numérique et uniquement.

On ne tournera donc pas les pages devant un feu de cheminée en sirotant un chocolat aux épices.

Personnellement je trouve l'Ipad nettement moins romantique et pourtant nos auteures sont spécialistes du sujet. Ou alors serait-ce que le romantisme aurait fait un pas de coté ?

Sans doute parce que les textes sont tout de même truffés de ces expressions qui ont envahi le langage parlé, tels que kiffer, émoticon (oui sans e) et autres termes assez alertes comme putain. Et j'en ai même appris de nouvelles. J'ignorais qu'avoir un crush signifiait avoir le béguin pour quelqu'un.

Coté boisson on pouvait le parier. On boit autant de mojito et de spritz que de champagne. La chanson qu'on écoute en boucle dans 3 textes est bien entendu Let it snow. Dans deux foyers on mange du fromage, hésitant entre camembert et brie, allant jusqu'à l'oublier au Marché de Noël d'Adèle Bréau.

Une autre actualité s'est glissée dans le recueil avec le militantisme des consommateurs contre les conditions d'abattage des animaux. L'hyperconnexion entre tous les appareils d'un même foyer est le point de départ de quiproquos en cascade pour Isabelle Alexis qui a imaginé une fin un peu surréaliste pour Crush et crash.

Pour Tonie Behar aussi, le prince charmant exerce le métier d'avocat et le quiproquo est le fil conducteur du récit. C'est de mon point de vue la plus romantique des nouvelles, avec une morale très sage : la vie nous offre des cadeaux qu'il faut savoir accepter. Alors, non il n'y aura jamais trop de neige à Noël.

Le terme est français mais je ne le connaissais pas non plus. La théorie du pingouin, c'est apprendre à lâcher prise comme nous l'enseigne Sophie Henrionnet à grand renfort de #, encore une manie des temps qui courent.

Pas de quoi s'énerver : Keep calm & love Christmas, nous exhorte Marianne Levy dont je plébiscite la définition de Noël (p. 69) une histoire que les gens racontent pour croire que le bonheur existe au moins une fois par an.

Encore une panne d'électricité, chez Marie Vareille dont l'héroïne, en pleine digital detox est constamment mise au défi Cap ou pas cap ? J'ai adoré aussi l'insolite réveillon auquel elle est conviée. Je serai tout à fait capable d'avoir un crush pour quiconque m'organiserait une telle surprise.

Sorti le 16 novembre, cet ebook à 0,99 € (oui, vous avez bien lu) s'est hissé très vite dans le top ten des meilleures ventes numériques.

mardi 15 novembre 2016

La parisienne d'Alexandrie par et avec Isabelle de Botton

Touchante. Si je devais caractériser d'un seul mot la Parisienne d'Alexandrie, ce serait celui-là. La sincérité d'Isabelle De Botton est une évidence. Elle ne peut être mise en doute.

L'humoriste qui a tant l'habitude de faire rire (avec ses grandes amies et complices Mimie Mathy et Michèle Bernier qui d'ailleurs signe la mise en scène) tombe le masque sans renoncer à son statut de clown. Elle confie des pans entiers de son enfance et de ses relations avec sa famille si atypique de notre point de vue.

Rien d'étonnant à ce qu'elle soit chaleureusement applaudie.

Elle porte ce spectacle depuis des années. Il a été présenté sous une forme un peu différente (le titre était alors Moïse, Dalida et moi). 

Le décor très simple symbolise à la fois trois espaces géographiques et trois temps. La cuisine où elle vit aujourd'hui, à paris, un fauteuil (Alexandrie) et un pupitre qui prend des allures de proue de navire (le moment de l'exil) sauf que son existence n'est pas une croisière.

Elle a le don de faire surgir une galerie de personnages hauts en couleurs qui n'épuisent pas le feu des questions de la petite fille. Isabelle revient à la charge pour obtenir les réponses qu'elle ne désespère jamais d'entendre.
Elle a trouvé un exutoire pour calmer sa colère et apprivoiser les souvenirs : elle se réfugie dans sa cuisine où elle pétrit son exaspération en malaxant la pâte de petits gâteaux (des Noaraiebs dont je n'ai trouvé nulle part la recette ...) qu'elle fera circuler dans les premiers rangs après les saluts.

Elle entreprend la réalisation de ces gâteaux pour se souvenir et être dans la douceur. La cuisine semble avoir été son refuge depuis toujours. Elle s'est nourrie de beaucoup de douceurs, collectionnant les parfums et les saveurs. C'est là aussi qu'elle a assimilé la philosophie du cuisinier soudanais qui régalait la famille avec un fatalisme qu'on peut qualifier d'oriental. 

La comédienne est née au Caire, dans une grande famille juive, aussi cosmopolite que l'était la capitale de l'Egypte dans les années 50. Une ville alors tiraillée entre l'Orient et l'Occident, entre son passé et un futur où il n'y a pas de place pour "ces étrangers" qui vivent là en bonne intelligence avec tout le monde depuis des générations : Allah c'était le bon dieu pour tous en Egypte (quelle que soit la religion).

Du haut de ses 4 ans, la petite fille ne saisit pas pourquoi, un soir, son papa n'est pas rentré à la maison. En 1956, l'Egypte vient de se libérer du protectorat des anglais et le président Nasser a nationalisé le Canal de Suez, à la grande colère des Britanniques et des Français. C'est dans tous les livres d'histoire. Ce que l'on ignore, c'est que Nasser a fait arrêter et enfermer des hommes anglais, français et juifs. C'est ce qui est arrivé à son père dans la nuit du 2 novembre comme 700 autres personnes.

Si à 4 ans, on a des visions assez naïves et jolies de la vie on a la capacité une fois adulte de les transcender et ... de créer un spectacle qui interroge le monde d'aujourd'hui sur ce qui a eu lieu hier.

Isabelle transmet un message de paix, jamais inutile en ces jours anniversaire du drame qui s'est déroulé à quelques rues du théâtre : On voudrait que je sois de nulle part et moi je me sens bien partout.

Et surtout elle intègre les souffrances familiales aux odeurs de jasmin et de fleur d’oranger et a conservé des images de ciel bleu azur, parce que La vie c'est un jour miel, un jour oignon.

La parisienne d'Alexandrie
de et avec Isabelle De Botton
Mise en scène par Michèle Bernier
Seul en scène
Du 20/09/16 AU 27/12/16
Comédie Bastille
5 rue Nicolas Appert, 75011 Paris

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