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mardi 6 décembre 2016

La Brasserie Bofinger célèbre Saint-Nicolas en annonçant une nouvelle carte

C'est le soir de la Saint Nicolas que la Brasserie Bofinger a choisi pour présenter sa nouvelle carte. Le restaurant est si connu qu'on pourrait paradoxalement l'oublier. Y aller est l'occasion d'effectuer une plongée dans le Paris du XIX°siècle puisqu'elle a été inaugurée en 1864.

C'était alors un modeste établissement situé non pas spécialement près de la Bastille (l'Opéra n'était même pas en préfiguration) mais en fait au bout de la rue du Faubourg Saint-Antoine où de nombreux alsaciens travaillaient dans la menuiserie ou l’ébénisterie.

Frédéric Bofinger , qui était originaire de Colmar, est le premier à proposer de la bière " à la pompe ", servie dans des pots en grès que les clients apportent eux-mêmes, avec de la charcuterie et de la choucroute.

L’annexion par la Prusse de l’Alsace et de la Lorraine provoque un afflux de réfugiés et assure le succès de l’établissement. Parmi les célébrités de l'époque on a pu voir le chansonnier Aristide Bruant.

On croquait sans doute déjà dans les petits pains typiquement alsaciens que sont les bretzels. Il existe plusieurs explications à leur forme. En alsacien le mot signifie "le temps de repos", d'où la forme représentant la position des bras croisés lorsque sonne l'heure de la pause. On raconte aussi que le premier a été créé par un boulanger pour satisfaire un roi exigeant un pain au travers duquel le soleil brillerait trois fois.

En 1919, Bofinger s’agrandit et connaît une rénovation spectaculaire. Banquettes matelassées, miroirs biseautés, jeux de lumières et de peintures, dans l'esprit de la Belle Epoque. Les murs sont à l'image de l’Art Nouveau, et la clientèle fête l’Alsace libérée.
Au début des années 30, à l’occasion d’une nouvelle extension, l’illustrateur Hansi décore un salon du premier étage et réalise l’enseigne bleue de l’extérieur. Après une belle période de succès, la Seconde Guerre mondiale marque un ralentissement.
 
Pour l’anecdote, l’inscription "Vive la France" en marqueterie a été peinte pour être transformée en "Vive le vin" lors de l’occupation. Grâce à cette astuce, le travail de l’ébéniste n’a pas été saccagé pendant la guerre.
Il faut attendre les années 70 pour que l'endroit soit de nouveau à la mode. Apothéose le 10 mai 1981, François Mitterrand réserve le premier étage pour célébrer son entrée à l’Elysée. Les couturiers affluent des rues voisines, Jean-Paul Gaultier, Christian Lacroix, Azzedine Alaïa. Les cantatrices y dinent comme des chanteurs illustres, par exemple Michel Polnareff à son retour en France.

Si la coupole de verre ne risque pas de disparaitre la brasserie a tout de même subi de longs travaux de rénovation qui viennent de s'achever. Les cuisines ont été modernisées pour que la clientèle suive la valse des chefs, des marmitons et des écaillers. Tout le matériel culinaire a été renouvelé. Le banc de fruits de mer a trouvé sa place à l’intérieur, derrière des vitres pour être visible de la rue. parce que les huîtres, les coquillages et les crustacés font partie de la magie de la brasserie.

La volonté de son directeur, Frédéric Tabey, est de maintenir cette institution mythique dans l'air du temps, ce qui impose d'être imaginatif tout en maintenant l'esprit de son créateur. C'est ce dont témoigne la nouvelle carte dont un aperçu a été présenté en l'honneur de Saint Nicolas.
Tout était appétissant du fait d'une présentation magnifique dans d'immenses chaudrons, d'usage certes inhabituel. Je n'ai pas gouté les choucroutes garnies, somme toute "classiques". Que ce soient la choucroute traditionnelle garnie (avec sa saucisse fumée, son Francfort, son lard fumé, sa côte salée et les pommes à l’anglaise) ou celle qui offre le meilleur de la mer (avec le Homard Américain, ses brochettes de St-Jacques lardées, le haddock, la lotte, la quenelle à l’encre de seiche, les pommes à l’anglaise et le beurre au Raifort). Par contre j'ai été tentée par la Choucroute aromatisée à la truffe autour du canard.
La sensation est très agréable car le chou (qui provient de la choucrouterie Angsthelm, située à Krautergersheim 67880 et qui travaille selon les principes d'une agriculture raisonnée) est d'un fondant exceptionnel, comme confit, avec une saveur presque sucrée très loin de l'acidité qu'on peut rencontrer dans ce plat lorsqu'il est servi en collectivité. Interrogé, le chef me répond que tout le secret ... est dans l'infusion, selon ses propres mots. Je me doute qu'il n'en dira pas davantage mais que certains épices sont en action.

Je retrouve la sensation de plaisir que j'ai connue lorsque j'ai habité en Alsace. Les morceaux de foie gras poêlé, inhabituels, s'accordent merveilleusement avec les magrets dans un esprit qui évoque le Sud-Ouest.

La Choucroute au jarret flambée au cœur de bière est aussi bonne. Il serait difficile de choisir.
Changement radical de sensations avec la Choucroute aux algues et aux légumes de saison qui sera proposée en fin de printemps. Une belle idée pour satisfaire les personnes qui ne veulent pas ou plus consommer de viande. La découpe des légumes est juste magnifique.
Je ne pique pas la fourchette dans la choucroute de la mer que je crois connaitre. Le Chou croquant en salade, parfumé au cumin, poissons fumés est une totale surprise. D'abord parce que la choucroute est froide (et c'est très bon). Ensuite parce que l'accord entre les deux citrons, vert et jaune, est parfait. Que le choix des trois poissons est sans reproche : saumon, anguille et hareng.
Le céleri apporte la touche finale. On constate combien la nouvelle carte garde les fondamentaux en réussissant à intégrer des suggestions originales. Le chef, Georges Belondrade, peut en assumer fièrement la paternité. Il signe la carte de l'établissement depuis 16 ans et sait concilier tradition et innovation.

Il a déjà pensé à de nouvelles recettes comme une choucroute autour de l’agneau pour la période de Pâques. On trouvera aussi dès cet hiver une terrine de gibier, un civet de biche en cocotte, un filet de haddock poché au lait sur lit de choucroute ou encore une cassolette de champignons gratinée au munster et parfumée au cumin ... parce que même si la choucroute est reine elle n'est pas la seule spécialité du restaurant.
Nous sommes rassasiés mais nous aurons un sursaut de gourmandise pour gouter un petit morceau de Kougloff, façon pain perdu (ou glacé en été). Un pur délice. Quant au fromage, un panneau célèbre au-dessus de la caisse celui qui est emblématique de l'Alsace.
Si la brasserie peut accueillir des convives autour d'une belle tablée, au rez-de-chaussée, comme à l'étage, elle sait aussi s'adapter au rythme parisien avec une formule entrée-plat ou plat et dessert à 33€ et, c'est une nouveauté inédite, un menu intitulé "30 minutes" comprenant, en semaine, une choucroute garnie ou jarret, accompagnée d'une bière pour seulement 22, 90€.
En toute logique, l'équipe peut se réjouir autour du Kougloff d'artifices qui a été conçu pour cette soirée festive par Ryan le chef pâtissier (que l'on voit entre le chef, Georges Belondrade, et le directeur, Frédéric Tabey).
Un des moments les plus agréables de la soirée a néanmoins été très simple, partagé avec Ryan qui avait organisé un petit atelier de confection de Bredeles. C'est le nom qu'on donne aux petits gateaux (quelle que soit la recette) que l'on fait traditionnellement en Alsace en prévision de Noël.
Le pâtissier avait préparé une pâte à la vanille, à la cannelle ou à l'anis. C'est dans celle là que j'ai emporte-piécé des figurines (les Maneles) et autres petits gâteaux. Ils ont cuit une quinzaine de minutes dans le four du restaurant et j'ai pu les ramener pour les partager en famille, en souvenir de cette coutume que je perpétue depuis des années.
Bofinger compte une moyenne de 500 couverts par jour, avec des pointes de 800 à 850 en hiver. Entre la cuisine et la salle, une petite centaine de personnes, 40 en cuisine et 60 en salle, cadencent un service efficace, attentif et stylé dans la plus pure tradition de la brasserie parisienne, démontrant qu'on peut être "grand" et néanmoins humain.
Brasserie Bofinger
5-7 rue de la Bastille 75004 Paris
Métro Bastille - Parking Saint Antoine 01 42 72 87 82
Ouverte tous les jours.
Du lundi au samedi, de 12h à 15h pour la dernière commande (15h30 le samedi) puis de 18h30 à minuit pour la dernière commande.
Service non stop le dimanche, de 12h à 23h pour la dernière commande.
La photo qui n'est pas logotypée A bride abattue est d'Ysabel

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