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mardi 11 juillet 2017

Visite de Chinatown avec LocalBini

J'ai reçu une invitation à visiter Chinatown, le plus grand quartier chinois de toute l'Europe, avec une guide de LocalBini qui s'annonce comme la première plateforme communautaire d'expériences touristiques et culturelles made in Europe.

Initiée en 2015 par Mateusz Mierzwinski et Thomas Picariello, deux globe trotteurs en quête d'une nouvelle aventure entrepreneuriale et humaine, LocalBini est bien connu à Zurich, Lisbonne, Genève, et bientôt Paris. Elle a l'ambition de se déployer dans les prochains mois dans d'autres villes de France, du Royaume-Uni, de la Pologne, du Portugal et de la Suisse. Dommage pour moi que cela n'existe pas au Mexique !

La promesse de vivre une expérience touristique alternative est pleinement remplie, y compris pour des parisiens, peut-être même en priorité pour ceux qui pensent bien connaitre la capitale ... comme moi.

LocalBini commence à constituer (la plateforme s'est ouverte à Paris en mai dernier) un vivier de BiniGuides, qui sont des habitants et des personnalités passionnés souhaitant partager leurs connaissances, leur ville et leurs centres d'intérêt.

Il est probable que les sorties sont de niveau inégal même si  on nous assure que les BiniGuides sont rigoureusement sélectionnés de manière à garantir une qualité de prestation et le respect des valeurs de la plateforme. Tout le monde n'a pas la fibre du partage ... et être guide touristique est un vrai métier.

Toujours est-il que le principe est intéressant et qu'il s'inscrit dans ce nouveau réflexe de réserver en ligne, à partir de son smartphone pour au moins un quart des situations. LocalBini a donc conçu une application mobile (bien entendu gratuite) dédiée, géolocalisée et reliée aux centres d'intérêt des utilisateurs. Les captures d'écran ne proviennent pas de mon appareil mais témoignent du processus, depuis la sélection de l'activité jusqu'à sa notation, en passant par le lancement et la conclusion. Compter environ 20 € la visite.

C'est donc ainsi que je me suis retrouvée à "tester" le principe avec Thuy, une habitante passionnée et passionnante du quartier dit chinois de Paris. A la relecture de mes notes, je n'ai au final que peu d'éléments sur les endroits que nous avons traversés, et les photos que j'ai pu faire ne sont guère représentatives de ce qu'un touriste ramène dans ce type d'exercice. Mais sur le plan humain, l'expérience est vraiment enrichissante car rien ne vaut une immersion grandeur nature avec quelqu'un qui vit là où il nous emmène.
Je recommande donc l'aventure pour laquelle il faut disposer d'une bonne demi-journée, même s'il faudrait des heures pour prétendre connaitre ce triangle d'or, car c'est ainsi qu'on désigne non sans humour (en référence à la région comprise entre Laos-Birmanie et Thailande, qui est l'une des principales zones mondiales de production d'opium et au "Triangle des Bermudes"le périmètre de l'Avenue d'Ivry, de Choisy, et boulevard Masséna..... auquel il faudrait ajouter une zone adjacente tout autour.

Il y aurait maintenant quelque 20 000 asiatiques, ce qui représente 11% de la population du 13 ème arrondissement contre 20 il y a quelques années. C'est que de plus en plus les asiatiques préfèrent le nord de la Seine et Marne ou Belleville. Progressivement ils sont remplacés par les africains, surtout aux Olympiades où il y a plus de 40% de logements sociaux.
Les tours ont des noms qui n'ont pas de consonance asiatiques, comme Sapporo, Mexico, Athènes, Helsinki, Cortina et Tokyo. Des fresques de mosaïques, Jusqu'à 34 étages. On voit les fenêtres ouvertes, sans protection. Je pense aux jeunes enfants qui vivent dans ces appartements. Les toits pagode existaient avant l'arrivée des asiatiques. L'architecture semble disparate, avec des fresques de mosaique modestes, comparativement à la démesure des bâtiments.
Les fresques murales par contre sont gigantesques et progressivement investissent le quartier en pleine mutation.
Les immeubles qui avaient été construits dans les années 70 étaient très hauts, volontairement modernes, mais leur défaut était d'être éloignés des transports en commun. De plus dès 73, les loyers ont flambé en raison du premier choc pétrolier. Les jeunes cadres ne souhaitèrent alors pas s'y installer, y voyant des HLM.
Vers la fin 75 la guerre du Vietnam fait des milliers de réfugiés, cambodgiens et laotiens qu'il faut loger. Les Boat people ne rechignent pas à se serrer dans les logements vacants, quitte à y vivre à plusieurs familles (parce que le loyer est cher). Ils se sont mis à 10, 20, même 30.

L'exode des boat people a duré officiellement 14 ans mais Thuy estime que le nombre est plus proche de 20. Elle nous invite à écouter attentivement les paroles de la chanson de Gold, Plus près des étoiles : ils ont quitté leur terre (...) traversé les rizières (...) les yeux mouillés de pluie, les mains tendues vers le ciel (...) pour oublier les rivages brûlants(...) Ils ont brûlé leurs dragons de papier ...
Voyant des personnes aux yeux bridés, les français ont conclu à des Chinois. Mais les Chinois de Chine ne se sont installés, pas ici. La première communauté asiatique avant celle-ci s'était installée dans le quartier de la Gare de Lyon avant la première Guerre mondiale. Leurs immeubles ont été en partie rasés et ils ont migré vers le Marais, autour d'Arts et Métiers.

On rejoint l'avenue d'Ivry depuis le métro Tolbiac et Thuy commence par commenter chaque restaurant que nous croisons. le quartier est riche d'une centaine de restaurants asiatiques dont notre guide a testé un tiers. Il ne faut pas se fier au décor : un restaurant vietnamien peut avoir un air cambodgien car on aime faire différent précise notre guide.

Elle nous fait remarquer les devantures de quelques restaurants qui promettent des O PLA (oeufs au plat) ou des BAN MI qui est le terme vietnamien pour désigner sandwich, après déformation de pain de mie. Attention, ils sont faits dans une baguette, un peu moins longue que la française, pour s'adapter à la largeur du porte-bagage du vélo car sinon, une fois arrivé à destination, le pain est cassé. Parfois un panneau promet un spectacle de KTV, ce qui signifie karaoké.

S'il ne faut retenir qu'un restaurant, ce serait le Siam Siam, qui est principalement vietnamien.
La salle est vide mais Thuy nous garantit la tendreté du bœuf loc lac, et conseille aussi la soupe aux raviolis crevettes, la soupe à la cuisse de canard aux 5 parfums, et le banh xéo (une crêpe vietnamienne garnie).
L'accueil est sympathique. La cuisinière est en train de préparer des galettes de riz.
Il est situé dans la galerie des Olympiades, qui s'appelle Oslo, au fond du couloir de gauche, et est voisin du temple bouddhiste de l'Amicale des Teochew, financé par Tang Frères alors que nous venons de voir un autre temple (tout autant fermé) qui est sous l'obédience de Paris Store.
Selon Thuy la galerie qui part de ce temple et longe le restaurant est ce qu'il y a de plus asiatique dans tout Paris, mais de nombreuses boutiques ont leur rideau de fer baissé et on ne se rend pas compte de la véritable ambiance en ce début d'été. Qu'à cela ne tienne, notre guide transporte ses classeurs de documentation et peut répondre à toute question, comme par exemple la signification du bras levé des petites silhouettes de chat dans les vitrines.
Le maneki-neko (aussi appelé chat porte-bonheur) est emprunté aux japonais. La patte gauche est censée attirer les clients, la patte droite l'argent. Il invite et salue le client potentiel et la tradition veut qu'il garantisse la fortune (pécuniaire) du commerçant.

Un autre temple, moins richement décoré (car notre guide dispose fort astucieusement de photos panoramiques pour preuve de ce qu'elle affirme) se trouve dans le parking sous-terrain des Olympiades et sans elle nous ne l'aurions deviné.
Il faut marcher au fond de ce parking dont quelques espaces sont squattés. Le temple se tient là, installé dans cet espace pour des raisons manifestement budgétaires. Les religieux vivent des offrandes. Une association est systématiquement associée à un temple. Celle-ci se trouve au dessus, sur le parvis.
L'escalator marche aujourd'hui alors on est heureux de le prendre. Nous voici sur la la fameuse dalle des Olympiades popularisée par le Commissaire Navarro. L'heure tourne et il est temps de faire le shopping annoncé ... alimentaire strictement car nous allons pique-niquer dans le quartier.
Thuy aurait pu nous entrainer chez Paris Store. Ce sera Tang, expliquant qu'il y a le petit et le grand, pour jongler avec la réglementation des jours d'ouverture. Le dimanche quand l'un est fermé on va chez l'autre, et c'est toujours Tang.
C'est sans doute, de mon point de vue la partie la plus intéressante de ce parcours parce que notre guide répond à toutes les questions que suscite notre curiosité à propos de fruits et de légumes que nous n'avons pas tous l'habitude de consommer. Comme ces aubergines Pingtung de Thailande, longues comme des serpents, que j'ai cuisinées à mon retour accompagnées de saucisses à la citronnelle.
Pour les meilleures brioches, il faudrait aller au 62 avenue de Choisy, mais je prendrai quand même un paquet ici. Notre stupeur est grande sur le Nem Chua en apprenant que c'est du porc (cru, oui) fermenté et qui existe aussi en saucisson et qu'elle veut absolument nous faire gouter parce que c'est typiquement vietnamien. Elle insiste sur les deux dates mentionnées sur l'étiquette : celle à partir de laquelle il est conseillé de les manger (fermentation idéale) et la date de limite de consommation.
Il s'agit de viande de porc crue à laquelle on a ajouté de la couenne de porc (les vietnamiens adorent cet ingrédient), du nuoc nam, du sucre, du sel et des épices (ail, gingembre, piments...). Il est ensuite enfermé dans un papier d'alu, qui est lui même emballé dans un papier bien serré avec deux élastiques. Nous les avons partagé, coupés en dés, après avoir retiré la petite feuille verte, le piment et l'ail contenus à l'intérieur et nous avons apprécié leur goût citronné et épicé qui s'accorde avec les légumes fermentés dont il se trouve que je connaissais la recette, que je tiens d'une coréenne.
Il y avait aussi de la noix de coco que nous n'avons pas achetée, parce qu'il nous manquait le marteau et le tournevis pour les ouvrir.
Par contre pas besoin d'outil pour découvrir le tamarin confit qui, une fois décortiqué, un peu comme une cacahuète, a une chair qui a le gout du pruneau, et les mêmes effets. Ses graines sont curieusement carrés.
Autre fruit étonnant, le mangoustan qui cache, sous sa coque très dure, cinq à huit quartiers d'une chair blanc nacré, fondante, aux arômes de pêche, d'ananas et de framboise.
Comme boissons Thuy a tenu à nous faire gouter au lait de soja noir, qui nous a guère enthousiasmés. C'est un lait végétal comparable à tous ceux que l'on connait de plus en plus.
Par contre l'aloé vera fut, surtout pour moi, une véritable révélation. Autant en boisson presque translucide (avec de fins filaments de cette plante), qu'en association avec des graines de basilic (très comparables au graines de chia) qu'en dessert où là il est présenté en cubes flottant dans une eau parfumée.
Après ce pique-nique, sous les regards des habitants des tours, nous avons été quelques-uns à poursuivre seuls la visite du quartier, toujours surprenant par ses immenses murs peints.
Et nous sommes tombés, à l'angle de l'avenue de Choisy et de la rue des Malmaisons, sur Notre Dame de Chine, très surprenante, et sa fresque "laissez venir à nous des enfants de tous les pays du monde" ...
En face, un restaurant, un de plus, promet le meilleur poulet à la vapeur ... comme là-bas disent les clients qui sortent manifestement repus. De quoi donner vraiment envie de programmer une escapade gourmande dans un restaurant la prochaine fois, à moins de se laisser tenter par une dégustation de vins hors du commun en compagnie de la seule femme "Maître Sommelier" de la région de Paris, un workshop photo ou pourquoi pas un brunch en tête-en-tête avec un ancien astronaute. Le catalogue de LocalBini semble infini.

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