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lundi 27 novembre 2017

La Folie en tête à la Maison de Victor Hugo

Les expositions programmées à la Maison de Victor Hugo se suivent et ne se ressemblent pas même si le grand écrivain en est forcément le fil rouge.  La folie succède aux costumes espagnols.

Cette exposition est organisée de façon chronologique à travers quatre grandes collections européennes, pour mettre en lumière près de 200 oeuvres parmi les plus anciennes et  qui ont été peu ou pas vues en France.

Clandestines, fragiles, jetées sur les murs de l’asile ou sur des matériaux de hasard récupérés en cachette, dessins ou peintures, broderies ou objets, chacune de ces oeuvres, nous ouvre un univers et nous plonge aux racines de l’Art brut, justifiant le sous-titre de l'exposition, Aux racines de l'art brut.

Cette exposition s'ancre bien évidemment dans la vie de Victor Hugo qui a été confronté à la folie de son frère Eugène puis de sa fille Adèle avec comme fil conducteur l'évolution du regard porté sur la folie au XIX° siècle. La folie est alors volontiers l'explication rationnelle de l'irrationnel auquel le siècle ne croit plus.

Philippe Pinel (1745-1826) fut précurseur de la psychiatrie en osant le premier retirer les chaines des malades mentaux dès 1792. Après la Révolution française, il bouleverse le regard sur les fous en affirmant qu'ils peuvent être compris et soignés.

C'est une chance que les aliénistes aient porté une attention soutenue aux productions de leurs malades et qu'ils les aient conservées. Beaucoup ont une âme de collectionneur, pour le plaisir, ou à des fins thérapeutiques car certains les suscitent parfois à des fins "d’art-thérapie".



Collection du Dr Browne
Fondé à Dumfries, en Écosse, en 1838, le Crichton Royal Hospital fut une institution pionnière en matière d’art thérapie à l'initiative de Elisabeth Crichton qui créa un "asile pour lunatiques" avec une partie de la fortune que lui légua son mari, médecin. William A. F. Browne (1805-1885) y a réuni de 1838 à 1857 une importante collection des productions des patients, qu'il encourageait à s'occuper par le travail et toutes les formes de loisirs.
On peut admirer la délicatesse de cette aquarelle sur papier de Joseph Askew, intitulée Still life with Tankard and Pot Plants. Et l'art du portrait dont fait preuve William Bartholemew avec ce Sketch of three Gentelmen, réalisé vers 1856-1864 à l'encre et au crayon sur papier.
Le degré de complexité des oeuvres est variable mais toutes sont étonnantes.

Collection du Dr Auguste Marie
Très tôt, Auguste Marie (1865-1934) porta attention aux travaux des malades, encourageant à la fois leur créativité et l’activité même de collection, en particularité lorsqu’il fut en poste à Villejuif, où il est nommé en 1900. Sa collection fut dispersée, mais une partie essentielle fut acquise par Jean Dubuffet et se trouve aujourd’hui à la Collection de l’Art Brut à Lausanne.
On découvre des aquarelles de la taille d'un timbre-poste, sans titre, simplement attribuée au Miniaturiste.
On remarquera aussi ce pastel sur papier, anonyme, qui évoque singulièrement Renoir. Une question me taraude : est-on artiste avant d'être fou ou la folie rend-elle artiste ? Je sais que seuls deux patients étaient des artistes professionnels mais peut-être que certains malades étaient artistes sans le savoir ...
La finesse de plusieurs tableaux impressionne.

Collection Walter Morgenthaler
Conservée au Psychiatrie-Museum de Berne, cette collection est issue de l’asile de la Waldau (die Bernische kantonale Irrenanstalt Waldau), rendu célèbre par la présence de personnalité comme Robert Walser et surtout Adolf Wölfli reconnu comme une figure tutélaire de l’Art Brut. Le Dr Walter Morgenthaler (1882-1965) dirigea l’institution de 1913 à 1920.
Adolf Wölfi fut son plus illustre patient. Voici un de ses (petit) tableaux, réalisé à la mine de plomb et crayon de couleur sur papier.
Constance Schwartzlin-Berberat nous laisse un livre de cuisine très étonnant, de 64 pages, encre sur papier (1891-1909) où elle consigne des recettes sans accorder le moindre espace entre deux, provoquant une lecture en quelque sorte indigeste.

Collection Prinzhorn
Commencée dès la fin du XIXe siècle à l’hôpital psychiatrique de l’Université de Heidelberg cette collection est devenue mythique par le livre publié à partir de son étude, en 1922, par Hans Prinzhorn (1886-1933), Expressions de la Folie, qui eut une grande influence sur les artistes d’avant-garde. C’est aussi dans cette collection que les nazis ont puisé les œuvres incluses dans l’exposition d’art dégénéré en 1937.

C'est une oeuvre d'August Klett qui a été choisie pour l'affiche de l'exposition. Sa production est extrêmement colorée. En voici un extrait avec Sucrerie Heilbronn, feuille 14, 23 mars 1919, mine de plomb, aquarelle et blanc opaque sur papier.
Les oeuvres répétitives sont rares dans cette exposition. On remarquera celle-ci de Joseph Heinrich Grebing, sans titre, avant 1920, stylo plume sur papier.

Il est complexe de les analyser, et il n'est pas certain qu'il soit utile de les comparer. Il est préférable, de mon point de vue, de les apprécier en tant que tel.

La Folie en tête, Aux racines de l'art brut
A la Maison de Victor Hugo
6 place des Vosges - 75004 Paris
Du 16 novembre 2017 au 18 mars 2018
Ouverte du mardi au dimanche de 10h à 18h.
Fermée le 25 décembre et 1er janvier

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