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mercredi 27 décembre 2017

Kedi, des chats et des hommes de Ceyda Torun

Les chats d’Istambul sont les témoins muets de milliers d’années, incarnant l’indescriptible chaos qui fait le charme de la capitale turque, telle est la promesse que nous fait la réalisatrice Ceyda Torun alors qu'on découvre des plans des toits de la ville et du détroit du Bosphore, capturés par un drone.
Sans eux, on dit que la ville perdrait son charme. Et c'est vrai que les images de Kedi, des chats et des hommes, sont autant touchantes que les propos qui ont été recueillis.

Les confidences sont parfois poignantes. Ce que dit cet homme sauvé du suicide parce qu'il a fallait bien s'occuper de nourrir les chats est véritablement troublant.

On sait parfaitement que caresser leur fourrure est apaisant. Beaucoup de maisons de retraite ont adopté cet auxiliaire de soins. De là à prétendre qu'Istambul est une ville spéciale, où les chats seraient dotés de super pouvoirs, c'est me semble-t-il, franchir un énorme pas que le scénario ne démontre pas.

Le charme qui nous est dévoilé tient davantage à la bouille des félins qu'au décor. Disons, à son corps défendant, que la réalisatrice s'est concentrée sur son sujet et n'a pas cédé à la facilité en nous montrant des monuments historiques, mosquées ou bazar. Peu de choses témoignent que le tournage a bien eu lieu à Istanbul même si on ne met pas sa parole en doute. Sans verser dans le catalogue touristique n'aurait-elle pas pu insérer quelques plans qui permettent de situer mieux l'action ?
Justement, parlons d'action. L'essentiel est immobile. Les chats sont plus observateurs qu'acteurs. Quant aux humains il leur laissent choir un morceau que l'animal avale délicatement ou tendent la main pour les caresser. Rien de bien étonnant.

Il y a tout de même cette séquence, tournée à la caméra infra-rouge pour prouver que le chat est un chasseur ... de souris sauf qu'on ne le voit pas attraper la moindre petite bête. Anne Hidalgo devrait tenter l'expérience dans la capitale qui et de plus en plus infestée de souris. je suis de plus en plus étonnée du nombre que l'on croise dès la nuit tombée dans les rues de Paris et même si le film ne le démontre pas je suis persuadée que les chats pourraient être d'intéressants prédateurs. C'était leur fonction première et c'est pour cela que l'animal a été "domestiqué". Pour protéger les récoltes de blé.

Si plusieurs séquences sont filmées avec un drone pour offrir une vue aérienne sur la ville c’est le plus souvent en plaçant la caméra à hauteur d’animal que l'équipe a suivi les personnages. Ce parti-pris est réussi et offre au spectateur une perception intéressante. On découvre Istambul comme si on vivait à quatre pattes, au ras du sol.

Le procédé s'épuise même si les 7 chats vedette sont ultra photogéniques. Leurs noms sont excessifs : Sari l'arnaqueuse, Bengü la tombeuse, Psikopat la psychopathe, Deniz le mondain, Aslan le chasseur, Duman le gentleman, Gamsiz le joueur. Leur histoire, telle qu'elle nous est contée, et contrairement à ce que leur surnom laisse entendre, n'est pas très différente l'une de l'autre. D'ailleurs mais qui est Kedi ? Le scénario aurait gagné à être plus écrit. Et surtout à être accroché à l'histoire de la ville dont on ne parle au final pas du tout. Ces témoins de siècles d’histoire et de culture restent muets.

L'ensemble est ultra politiquement correct alors que les difficultés sont de notoriété publique. Impossible que les chats absorbent toutes les énergies négatives comme le prétend la voix off. Le titre lui-même, des chats et des hommes, résonne obligatoirement avec le film engagé de Xavier Beauvois, Des hommes et des dieux, ou avec la pièce de Steinbeck Des souris et des hommes. On est loin d'imaginer qu'on va assister à un simple documentaire. 

Il est tout de même étonnant de les voir tous bien nourris alors qu'on a tous rencontré des chats amaigris et affamés un peu partout dans le monde. Ce sont majoritairement des chattes très prolifiques que l'on découvre et quelques passages sont presque angoissant, lorsqu'on voit un logement occupé par une soixantaine d'entre eux. Comment peut-on acheter 10 kilos de poulet pour les nourrir quotidiennement ?

On se dit qu'un jour il y aura un problème de surpopulation. La réalisatrice n'a pas songé manifestement un instant à cet aspect. Il est amusant de savoir qu'en France la vente de billets va participer au financement de campagnes de stérilisation.
On nous montre une brève scène de querelle à propos de la défense d'un territoire. On peut penser qu'elles sont quotidiennes et que vivre entouré de chats, surtout en période de chaleur, quand leurs miaulements ressemblent à des cris d'enfants, n'est pas nécessairement aussi idyllique qu'on veut bien nous le laisser croire.
Il n'empêche que les animaux sont craquants. Ce Gamsiz qui frappe à la fenêtre du restaurant est un comédien né. On comprend que le film ait reçu reçu aux USA le Prix du Meilleur Premier Documentaire aux Critics Choice Documentary Awards 2017. Il a été nominé au Festival International du Film de Göteborg 2017, au Festival International du Film de Vancouver 2016 (Edition 35) et au Festival international du film de Seattle - SIFF - 2016.

La bande-son est très réussie, intercalant des compositions originales de Kira Fontana avec des comptines traditionnelles.

Kedi, des chats et des hommes aurait gagné à faire la démonstration promise, mais tant pis. Cela reste un beau film tout à fait regardable en famille. Il n'est pas nécessaire d'adorer cet animal ni d'envisager un voyage en Turquie pour y trouver du plaisir.
Kedi, des chats et des hommes de Ceyda Torun, en salle depuis le 27 décembre 2017
Photos Epicentre Films

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